Tout d'abord, reprenons les bases en rappelant ce qu'est un jeu vidéo estampillé « AAA ». Un titre AAA est un jeu qui bénéficie d'un énorme budget pour sa production. Le système le plus connu reste celui du développeur, un studio chargé de produire le jeu, qui s'en remet à un éditeur pour les tâches liées à la promotion et à la vente du titre. On peut par exemple parler de la série des Assassin's Creed, des Halo, mais aussi des plus modestes comme Hitman, Just cause, etc. De manière générale, on parle de jeux de très bonne qualité, capables de créer un engouement chez la majeure partie des joueurs. Seulement, lors de la production de ces véritables blockbusters du jeu vidéo, des querelles peuvent survenir entre éditeurs et développeurs qui remettent en cause le fonctionnement actuel de production.
La pression sur les studios
Entre les coûts de production qui augmentent avec les consoles nouvelle génération, le temps d'explorer et de s'habituer aux nouvelles possibilités, et les studios indés qui prennent de plus en plus de parts de marché... la production de titres AAA devient plus difficile. Les éditeurs se mettent à imposer des contraintes majeures aux studios par peur de ne pas faire assez de ventes. Ces contraintes sont censées assurer un succès pour leurs prochains titres comme des limites à l'innovation afin de garder une consistance dans une série de jeux destinée à déclencher un sentiment de familiarité pour les fans de la série (comme Halo ou Call of Duty).
Malheureusement, ces contraintes ont souvent l'effet inverse de celui attendu, lorsqu'elles sont trop strictes, puisque le manque d'innovation va souvent être la raison principale du mécontentement des joueurs à propos d'un nouveau titre (comme la série des Call of Duty qui aura déçu avec Ghost). Les développeurs doivent aussi faire face à d'autres objectifs impossibles à tenir, comme des deadlines grotesques, etc.
Pour les développeurs, cette situation est souvent critique puisque leur créativité et leur talent sont anéantis via les conditions de travail imposées par l'éditeur qui possède généralement les droits de la licence (Microsoft possède Halo, Activision possède Call of Duty, EA possède Dead Space, etc.). Ce genre de contraintes sont souvent à l'origine de querelles entre le studio de développement et l'éditeur. Lorsque le jeu ne répond pas aux attentes de ventes de l'éditeur, le studio est très souvent abandonné ce qui équivaut à sa mise à mort immédiate.
À défaut d'une prise de conscience de la part des éditeurs, ce sont les studios qui trouvent des solutions leur permettant de reprendre le contrôle sur leurs jeux afin de pouvoir continuer le développement dans le sens qui leur convient.
On efface tout et on recommence
Depuis un certain temps déjà les meilleurs talents ou créateurs de ces studios, contraints à exécuter les bons désirs des éditeurs, quittent le navire avant qu'il ne coule pour former des studios indépendants. L'initiative peut paraître risquée, mais grâce à kickstarter la plupart de ces aventuriers parviennent à obtenir des fonds pour commencer sur de bonnes bases grâce à leur talent qui leur permet de présenter des projets ambitieux innovants et alléchants.
Autre solution trouvée par Infinity Ward et Bungie, créateurs des licences les plus connues au monde comme Call of Duty ou Halo, qui ont décidé de ne pas renouveler, voire d'annuler, leurs contrats avec leurs précédents éditeurs (respectivement Activision et Microsoft) afin de récupérer une liberté dans le développement de leurs titres. Bungie s'est séparé de Microsoft pour s'allier avec Activision afin de proposer Destiny tandis que Infinity Ward s'est divisé pour voir la plupart des employés (et créateurs) du studio partir et créer Respawn Entertainment qui s'est allié à EA avec Titanfall alors que l'autre partie reste avec Activision.
L'importante différence est que maintenant, Bungie possède les droits sur Destiny tout comme Respawn Entertainment possède les droits sur Titanfall. Cette différence par rapport au fonctionnement précédent (Microsoft qui possède Halo et Activision qui possède Call of Duty) permet aux développeurs d'avoir beaucoup plus de liberté dans la création de leur titre où le focus numéro un est de faire un bon jeu (qui dans la suite logique, se vendra par effet de popularité) et non de faire un jeu pour plaire à une fanbase (qui sera voué à s'écraser un jour où l'autre).
Ne pas interférer sur la créativité des studios semble primordial
Au final, Titanfall s'annonce comme un titre absolument renversant digne des créateurs de la licence Call of Duty et Destiny propose lui aussi des perspectives plus qu'intéressantes en termes de gameplay et d'innovation qui créent un battage médiatique autour de ces deux jeux encore au stade de développement.
L'exemple Bungie/Respawn nous apprend que les studios de développement sont souvent pleins de ressources, souvent bridées par les éditeurs par peur d'altérer les ventes de leurs titres, et qu'il serait bénéfique pour les éditeurs de laisser plus de marge de manœuvre aux studios de développement dans... le développement.