Au risque de passer pour un picsou de première catégorie, j’insiste sur l’importance de la pérennité des revenus si l’on veut construire l’eSport comme une discipline forte qui se développe. Même si je fais partie de ceux qui pensent que l’eSport et sa construction passent beaucoup par un investissement bénévole de beaucoup de gens, il n’en reste pas moins que si l’on veut stabiliser les joueurs, organiser des tournois et fournir un cadre matériel propice à l’entraînement de qualité, il est nécessaire d’assurer des revenus réguliers et stables au risque de revoir des équipes et structures disparaître aussi vite qu’elles sont apparues.
Si les sponsors, leur participation et la constitution des tournois et des structures en fédération sont des éléments qui peuvent permettre d’alléger le poids financier qui pèse sur les structures elles doivent néanmoins se baser sur un modèle économique qui leur permet de mener à bien les projets à moyen terme.
Et dans l’eSport, on n’a pas encore trouvé d’autres moyens que la publicité liée à un contenu pensé pour générer un maximum de trafic pour procurer un financement relativement stable et régulier. Pour avoir une idée de l’argent que l’on peut gagner avec une webTV, je vais créer un exemple, basé sur des données accessibles publiquement. Le modèle que je vais utiliser sera un modèle simplifié, qui se base sur certaines hypothèses (mon côté scientifique ressort), il contiendra donc des approximations que je vous prie de me pardonner. Rentrons dans le vif du sujet : le modèle. On va ici se baser sur une webTV hébergée par le site Eclypsia sur Dailymotion qui a une moyenne horaire de 500 viewers. Dans sa publicité, la plateforme s’engage sur un CPM de 3 euros minimum (=Cout par mille, montant en euros qui est reversé au streamer pour 1000 vues d’une publicité). On va dire qu’un clip de publicité dure 30 secondes. Pour simplifier le modèle, on va admettre que tous les viewers voient les publicités. Parce que la webTV c’est mieux que la télévision classique, il y à moitié moins de pubs, c’est-à-dire 6 minutes par heure.
Si l’on fait le calcul, on voit que le streamer obtient 3 euros par minute de pub (cela fait deux clips vues par 500 personnes, soit 1000 vues). Pour une heure on obtient donc 18 euros. Ce qui fait, à titre de comparaison, deux fois et demie le SMIC horaire net et le double du SMIC brut en France. C’est-à-dire que même si la moitié des viewers utilisent adblock, le revenu horaire d’une telle webTV serait équivalent au SMIC horaire brut.
Dans les faits, le modèle est relativement loin de la réalité, puisqu’en plus des utilisateurs d’adblock, tous les viewers ne voient pas forcément les pubs envoyées par la régie et souvent le CPM est fluctuant en fonction de la période. Cependant, dans la réalité les clips de pubs sont plus proches des 20 secondes que de 30. Un problème qui peut parfois se poser, c’est pour les streams internationaux. En effet, les régies ont des pubs adaptées à chaque pays mais parfois elles n’en ont pas de disponibles pour certains pays. Ainsi un streamer américain aura peut-être des viewers en France, en Espagne, en Allemagne qui ne verront pas les publicités.
Pour vous, je suis allé fouiner auprès du service marketing de Millenium pour glaner quelques infos. Mischa m’a gentiment renseigné, dans la mesure du possible. Sur le CPM, il n’a pas pu me répondre précisément, la seule chose que j’ai pu savoir c’est que le CPM de Millenium est supérieur aux 3 euros de mon exemple. Les utilisateurs de Millenium sont en moyennes 20 % à utiliser adblock. En utilisant les données publiques de Dailymotion on en arrive à une moyenne de 6700 vues par heure sur la TV1 (59 500 000 vues environ).
Même si les structures et les streamers peuvent gagner pas mal d’argent, grâce à leurs webTV, il faut tenir compte des coûts qu’engendrent la gestion et le matériel pour le fonctionnement. Certains ont fait le choix du crowdfunding pour financer cela. C’est un choix comme un autre, et je ne rentrerais pas dans ce vaste débat sur le bien-fondé, le principe même de cette pratique et certaines polémiques qui y sont liées, je laisse ce soin à d’autres.