Un projet de loi a été présenté en session sénatoriale mercredi dernier. Si ce projet est passé inaperçu jusque-là, il devrait cependant provoquer quelques remous dans la communauté des jeux vidéo, notamment celle des MMO.
Ce projet de loi vise à amender une loi déjà en place afin de limiter les ventes virtuelles, et notamment aux mineurs. Si jusqu'ici, il est impossible à un mineur de souscrire à un abonnement pour un jeu (même si dans les faits, il n'y a aucune vérification et contrôle), le projet d'amendement s'il est voté par les deux chambres de l'Assemblée, donnera la possibilité à la justice d'appliquer des amendes et peines de prison aux représentants physiques des sociétés contrevenant à la loi.
De plus, la vente d'objets virtuels dans des jeux vidéo deviendra quasiment impossible, et ce, quel que soit l'âge de la personne. Ce projet de la sénatrice Chantal Jouhan interdirait complètement la vente virtuelle d'objet.
On peut se poser la question sur l'intérêt de cette loi. Certes la vente aux mineurs n'étant pas du tout contrôlée, des abus peuvent se produire. Mais jusqu'à présent aucun cas de vente forcée à des mineurs n'a été véritablement relayée.
Là où le projet de loi semble disproportionné, c'est au sujet de la vente d'objets virtuels. On pensera immédiatement au système économique Free to play de certains jeux qui pourrait se voir totalement bouleversé. Si le texte reste en l'état, certains jeux risquent de se voir interdire à la diffusion en France.
Il est quand même regrettable que ce genre de loi soit une nouvelle fois proposée, sans une concertation préalable avec les acteurs du secteur.
Voici le texte de loi proposé mercredi dernier :
Projet de loi N° 390
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013
Enregistré à la Présidence du Sénat le 27 mars 2013
PROPOSITION DE LOI
visant à protéger les consommateurs
PRÉSENTÉE
Par Mme Chantal JOUHAN, Sénatrice
(envoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
En matière de protection des individus et de respect des droits de, notre doctrine repose en grande partie sur la Convention internationale des droits du consommateur(CIDE). L'article 3-1 de la CIDE, aujourd'hui d'application directe dans notre droit, établit l'intérêt supérieur du consommateur. En 2007, le législateur a codifié cette notion dans l'article L. 112-4 du code de l'action sociale et des civils en inscrivant que « l'intérêt du consommateur, la prise en compte de ses besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes décisions le concernant. »
Les consommateurs sont de plus en plus confrontés à des dépenses virtuelles. Pour autant, cette consommation est rarement comprise comme une mise en danger du consommateur en termes de solidité et de sérénité économique. La société doit prendre conscience et reconnaître que la banalisation des paiements internet et des souscriptions a des abonnements est contraire à l'intérêt général et à la construction des générations futures.
La frontière entre virtuel et réel est aujourd'hui brouillée sous la pression d'un modèle consumériste qui a créé les conditions du développement d'une crise économique. Ce néologisme renvoie à la consommation des jeux vidéo et surtout les mmorpg.
Selon tous les économistes, les abonnements aux jeux vidéo sur internet doivent être considérés comme une entrave sérieuse au développement économique français. Ce phénomène constitue un véritable traumatisme qui peut dans les cas les plus extrêmes conduire à des conduites individuelles à risque.
Les études québécoises menées sur le sujet montrent que la survalorisation d'un jeu comporte des risques pour la santé physique et psychologique des individus. Les principales conséquences de cette excessive préoccupation de dépenser sont la dépression, la diminution de l'acuité mentale, la perte d'estime de soi et les troubles alimentaires.
En France, le consensus social ne résiste pas à cette vague de consommation. Mais des signes inquiétants se multiplient et notre société ne saurait échapper durablement à cette pression sans ériger des principes légaux qui fondent le consensus social.
Pour le législateur, l'enjeu porte moins sur un jugement de valeur que sur l'impératif de préserver l'intérêt supérieur du consommateur face à la banalisation des dépenses virtuelles.
C'est à la seule lumière de l'intérêt du consommateur, notion juridiquement définie, que la représentation nationale doit légiférer sur un phénomène qui fait peser de graves menaces sur leur bien-être.
Au-delà de l'enjeu individuel, la question de dépenses virtuelles revêt également un enjeu de société, car les mineurs sont les instruments d'une stratégie commerciale qui renforce les stéréotypes.
La proposition de loi qui vous est soumise vise à prévenir l'instrumentalisation à des fins commerciales ou autres de mineurs, stéréotypes qui ne sauraient être banalisés, au risque d'être assimilés à une norme valorisable.
Les articles 1er et 2 encadrent très strictement l'activité d'abonnements virtuels et de ventes d'objets virtuels, afin d'éviter tout abus quant à une dépendance.
La proposition de loi, dans son article 3, vise également à réglementer la mise en place de boutique virtuelle au sein des jeux vidéo.
Mesdames, Messieurs, s'il n'est pas du ressort du législateur de moraliser l'usage du porte-feuille de nos concitoyens, tant que sa capacité ou son compte en banque n'est pas menacée, il est de sa responsabilité de protéger les consommateurs et leurs biens. Dans le domaine du jeu vidéo, la possibilité de souscrire un abonnement ou même de dépenser au sein d'un jeu grâce à une boutique virtuelle doit faire l'objet des plus grandes précautions. Pour l'intérêt du consommateur, d'abord, parce que son développement économique peut être bouleversé par la survalorisation de son jeu. Pour notre société, ensuite, où la place du consommateur doit être distinguée par rapport au monde virtuel.
La mission première de l'État est d'assurer le bien-être de ses membres. C'est au nom du bien-être dont découle juridiquement l'intérêt supérieur du consommateur et la dignité de la personne humaine que je vous demande d'adopter la présente proposition de loi.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
À l'article L. 7124-16 du Code du travail, il est inséré un 5° ainsi rédigé :
« 5° À toute société vidéoludique proposant un abonnement :
« - à partir du moment ou le jeu a été acheté, il devient le bien du consommateur. Aucun abonnement ne peut être proposé à un mineur, seuls les individus majeurs pourront souscrire à ce type de contrat »
Article 2
À l'article L. 7124-30 du même code, il est inséré un 5° ainsi rédigé :
« 5° À toute société vidéoludique proposant une boutique virtuelle :
« - aucun produit ne peut être vendu via une boutique virtuelle. La législation régulant les échanges sur Internet ne s'appliquant pas à ce type de vente, aucune vente ne pourra s'effectuer sur ce modèle. »
Article 3
Dans la loi n° 87-588 du 30 juillet 1987 portant diverses mesures d'ordre social, il est inséré un article 99-1 ainsi rédigé :
« Art. 99-1. - Est interdite la vente de biens virtuels à des individus u sein d'un jeu vidéo. L'infraction au présent article est punie de deux ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende.
« Sont passibles des mêmes peines les personnes qui favorisent, encouragent ou tolèrent la vente d'abonnement à des individus mineurs.
« Pour cette infraction, les associations de consommateur et d'éducation économique, de défense du consommateur, ainsi que les associations de défense et de promotion des droits du consommateur, régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits, peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile. »
Lothia & Eskrau