Cela fait un peu moins de quatre ans que Jedi Fallen Order a marqué le retour en force d'Electronic Arts dans les jeux solo, avec un titre sous licence Star Wars d'une qualité qui se faisait rare. Ce premier titre était assez bon, mais affligé de quelques défauts notables à nos yeux. Le studio derrière Titanfall et Apex Legends a eu le temps de soigner la suite, et de faire évoluer sa recette avec Jedi Survivor.
- Genre : Action, Aventure, RPG
- Date de sortie : 28 avril 2023
- Plateformes : PC, PS5, Xbox Series
- Développeur : Respawn Entertainment
- Éditeur : Electronic Arts
- Prix : 69,99 €
- Testé sur : PS5
La pire contre-attaque
Comme dans le monde réel, quelques années se sont écoulées depuis l'élimination de l'ordre Jedi et la fin de Jedi Fallen Order. Cal Kestis est toujours un Jedi survivant à la traque de l'Empire, mais comme il est coincé entre deux trilogies de films, il n'est pas parvenu à faire pencher la balance. Même après le départ de tous ses anciens compagnons, il ne se laisse pas décourager, et il se met à explorer de nouvelles façons de poursuivre la lutte. On ne va pas vous spoiler l'histoire, mais pour en parler en termes généraux : elle se déroule en parallèle de la série Obi-Wan Kenobi, mais couvre sa propre intrigue. Ce n'est pas à tomber par terre, mais l'histoire est suffisamment intéressante, et les personnages sont suffisamment attachants pour nous pousser à avancer. On n'échappe pas totalement à quelques incohérences mineures, et on peut vite sentir qu'on est dans un jeu qui attend une suite, ce qui a tendance à sérieusement brider ses ambitions scénaristiques, mais les touches d'humour et les scènes spectaculaires, qui offrent une expérience quasi-cinématographique, aident à l'oublier facilement.
C'est d'autant plus vrai que l'ambiance en jeu est excellente. Que ce soient les sous-sols titanesques de Coruscant, les canyons débordant de vie de Koboh, un désert, ou un bar miteux plein d'aliens, tout hurle "Star Wars" en termes de design rétrofuturiste et d'activités. On a aussi droit à de sublimes panoramas de ces différents lieux, et c'est un régal pour les yeux, ainsi que pour les oreilles, avec les incontournables musiques de John Williams, et des doubleurs de qualité en version française. Il est un peu dommage que Jedi Survivor n'atteigne pas son plein potentiel dans ce domaine, puisque graphiquement, le jeu a effectivement quelques années de retard, et la version test sur PS5 nous a davantage donné l'impression d'être une version un peu améliorée de Fallen Order, sur PS4. Même en mode qualité, quelques textures laissaient à désirer, et certains modèles manquaient singulièrement de détails. Les visages et la synchronisation labiale sont loin d'être parfaits. On a aussi rencontré pas mal de petits problèmes techniques, comme des modèles qui mettent trop longtemps à se charger, quelques ralentissements, une poignée de bugs, et pas mal de plantages. Le patch day one devrait améliorer les choses, mais il convient de le signaler, et cela ne laisse rien présager de bon pour la version PC.
"Pourquoi je suis le seul à ne pas avoir de propulseur ?"
Les premières heures de jeu de Jedi Survivor sont assez linéaires, avec une recette similaire au précédent opus, mais cela finit par s'ouvrir, et certaines planètes proposent de vastes zones à explorer. On alterne entre des sections qui mélangent énigmes et plateformes, et des combats ponctuel. Mais dès la toute première salle du jeu, le ton est donné, lorsqu'on se heurte à une porte bloquée, marquée d'une icône rouge : Cal Kestis n'a pas accès à tout dès le début, et il faudra revenir plus tard, après avoir débloqué un nouvel outil, ou un nouveau pouvoir, comme dans un Metroidvania. On l'accepte au départ, surtout si on a de bonnes raisons de revenir dans la zone plus tard, mais cela se transforme rapidement en source de frustration, puisque c'est très rarement le cas, et passer d'une planète à l'autre demande de passer par quelques minutes de transition obligatoire. L'ajout des voyages rapides n'est clairement pas suffisant, dans le cas présent.
C'est d'autant plus frustrant quand on revient spécifiquement dans une zone pour passer un obstacle avec un nouveau pouvoir, et qu'on se retrouve nez à nez avec un nouvel obstacle infranchissable pour le moment, ce qui force à revenir une nouvelle fois, plus tard. La cerise sur le gâteau, c'est que les récompenses sont très majoritairement cosmétiques. Jedi Survivor a fait le choix, plutôt osé, de n'offrir que très peu d'axes de progression pour la puissance de votre personnage. L'équipement n'est là que pour faire joli, il n'y a pas d'argent en jeu, et l'expérience peut être farmée très facilement, ce qui limite fortement les récompenses possibles. Faire trois fois l'aller-retour dans une grotte, et passer 10 minutes pour résoudre une énigme, pour obtenir un effet "plastique usé" pour les matériaux de son sabre laser, ou une moustache rousse hideuse, n'est pas ce qu'on appellerait une expérience satisfaisante en termes d'exploration. Mentionnons au passage que la coiffure de Cal peut être changée, mais pas la couleur de ses cheveux.
Jedi Survivor donne l'impression d'avoir été victime de choix de design contradictoires, et/ou d'une fin de développement précipitée, ce qui a forcé le studio à faire du remplissage pour rallonger la durée de vie. C'est par exemple le cas avec le jardin, ou l'aquarium, qui demandent de récolter des éléments un peu partout en jeu, juste pour obtenir des éléments cosmétiques mineurs dans un bar perdu. La planète principale de l'histoire, Koboh, est très vaste, avec d'immenses complexes de tunnels qui s’entremêlent et qui mènent à des lieux inattendus, un peu comme les interconnexions qui ont contribué à la popularité du monde de Dark Souls. Cependant, les obstacles artificiels, plantés un peu partout, font qu'on n'a pas réellement l'opportunité de découvrir les lieux de multiples façon, à moins d'attendre la fin de l'histoire pour commencer à explorer. On a aussi des incohérences étranges, comme la possibilité de placer un marqueur sur la carte extrêmement détaillée pour se repérer (en théorie), sauf qu'il ne s'affiche pas sur l'écran en jeu, il n'aide donc absolument pas à s'orienter.
Un détail amusant dans tout cela est que Cal est régulièrement accompagné lors de ses aventures. En plus de BD-1, son fidèle droïde qui chevauche son épaule, il y en a un doté du même jetpack que Boba Fett, et d'un autre carrément capable de se téléporter. Cela fait penser à ce qu'on retrouve dans The Last of Us, et surtout God of War, mais avec une relation quasiment à sens unique : ils se moquent de vous en traversant le niveau les doigts dans le nez alors que le pauvre Cal doit se la jouer Assassin's Creed, ou il doit carrément recevoir un coup de pouce pour progresser. Cal finit lui-même par le souligner : "Pourquoi je suis le seul à ne pas avoir de propulseur ?" Et on ne peut que se poser la même question, puisque l'histoire semble régulièrement oublier qu'on possède un vaisseau ou d'autres moyens de transport volants, mais la progression est bloquée, parce que Cal ne sait pas encore s'accrocher aux ballons volants.
Rancor malade
Heureusement, Jedi Survivor, ce n'est pas que de l'exploration, c'est aussi beaucoup de baston. On retrouve ici pleinement ce qui fait le charme des films Star Wars plus récents, avec des combats spectaculaires, hautement chorégraphiés, à base de sabres laser. Il est à la fois raffiné et brutal de voir Cal découper sans pitié les membres d'un de ses adversaires avant de l'exécuter avec nonchalance, pour simplement passer au suivant. On retrouve le même système de combat que dans Jedi Fallen Order, qui est similaire à celui de Sekiro: Shadows die Twice de FromSoftware, qui a inspiré pas mal d'éléments du jeu, comme les feux de camp et le fonctionnement des soins. On retrouve système relativement simple et intuitif d'attaque et de défense au sabre, avec une barre de vie, mais aussi une barre de défense, à la fois pour Cal et ses ennemis. Bloquer les coups épuise la jauge, et quand elle est vide, on est exposé aux attaques, mais parvenir à parer une attaque va grandement vider la barre de l'adversaire, voire l'exposer à une exécution. Il faut donc trouver un bon équilibre entre les blocages, les esquives et les attaques. C'est très dynamique, et satisfaisant à utiliser, du moins, contre les adversaires humanoïdes, un peu moins contre le reste.
Les grandes créatures semblent fonctionner sur un système un peu différent, avec des attaques impossibles à bloquer en nombre, ce qui force à se reposer davantage sur son positionnement et sur les esquives, mais l'équilibrage en souffre alors terriblement. Les hitboxes sont souvent disproportionnées, ce qui fait qu'on subit souvent des dégâts, même après une esquive réussie. De plus, certains monstres ont droit à des attaques difficiles à éviter qui vont vous tuer instantanément si elles vous touchent, même si c'est heureusement rare. C'est une transition radicale, et c'est assez surprenant, lorsqu'on passe tous les boss principaux de l'histoire au premier essai, et qu'on mange du Sith au petit-déjeuner, mais qu'un crapaud nous humilie quelques dizaines de fois. Pour ceux qui s'inquiètent, sachez que la difficulté est bien présente, même en mode Normal (Chevalier Jedi), il y a deux modes au-dessus, et deux en-dessous, pour ceux qui préfèrent se concentrer sur l'histoire. En parallèle, il est possible d'altérer individuellement les dégâts subis, les fenêtres de parade, et même la vitesse du jeu en combat. Mais les quelques imprécisions du système de combat ont tendance à rendre les modes de difficulté élevés assez pénibles par moment.
La Force est aussi avec Cal, ce qui permet d'ajouter un peu de profondeur aux combats, et de réaliser quelques performances amusantes, comme pousser tout un contingent de Stormtroopers et d'ennemis d'élite dans le vide. Vous pouvez faire évoluer vos pouvoirs avec les points de compétence, et c'est probablement la seule chose qui influence vraiment la puissance du personnage. Mais à défaut de vous proposer de choisir entre deux pantalons avec des statistiques différentes, Jedi Survivor propose d'utiliser le style de combat de votre choix, parmi les plus iconiques croisés dans les différents titres de la licence. Le jeu précédent proposait l'habituel sabre simple et le sabre à deux lames, mais à présent, vous pouvez vous battre avec un sabre dans chaque main pour déchaîner les attaques, ou avec le sabre à garde croisée de Kylo Ren, pour des coups lents mais puissants. Pour ceux qui veulent rompre avec les traditions Jedi, il est même possible d'utiliser un sabre dans une main, et un blaster dans l'autre, ce qui ne manque pas de faire un peu penser à Bloodborne, d'autant qu'il est même possible d'interrompre les ennemis avec un tir de blaster bien placé. Le blaster a aussi l'avantage d'être plus simple à utiliser qu'un sabre à dos de monture. Seuls deux styles peuvent être équipés en même temps, ce qui force à faire des choix dans sa façon d'aborder les combats. En contrepartie, cela ajoute un peu de rejouabilité.
Notre avis
Ironiquement, même s'il améliore un peu sa recette sur différents points, on estime que Jedi Survivor est au même niveau que Fallen Order à l'époque. C'est un relativement bon jeu, avec une durée de vie solide, de plus de 50 heures, surtout si vous fouillez tout, même si elle est parfois artificielle. Pour ceux qui en veulent davantage, il y a aussi un mode New Game+, avec la possibilité d'augmenter la difficulté de différentes façons. Mais ceux qui n'ont pas aimé l'original n'apprécieront probablement pas davantage cette suite, puisque de nombreux défauts sont toujours présents, comme les combats approximatifs, et l'exploration qui a souvent épuisé notre patience. N'oublions pas que de nombreux open worlds sont sortis depuis, dont Elden Ring, avec une expérience bien plus concluante dans ce domaine. Le petit coup de vieux graphique et la partie technique défaillante sont aussi à retenir, si vous êtes du genre exigeant.
Voir la suite