Nous baignons tous dans l'univers fantastique, et ce depuis notre enfance. Contes de fées racontés par les parents avant de s'endormir ainsi que les dessins animés de Disney sont très certainement le début pour tous. Puis avec l'âge viennent les films, les séries, la littérature, la bande dessinée, ainsi que les jeux vidéo. Si certains organismes aimaient que l'on se limite aux contes de fées finissant bien et fleurant bon la guimauve, il y a cependant tout un univers très étendu et bien moins fleur bleue.
Il existe même un personnage que l'on retrouve bien plus souvent que les princes, princesses, chevaliers, oursons, et autres. Ce personnage est souvent loin d'être aimable, et fait un usage intensif de la violence : le barbare. Pas celui qui vandalisait l'Europe à l'époque de la Rome antique. Mais le grand blond venu d'un pays froid, avec une carrure démesurée, une arme à 2 mains gigantesque et avec autant de vêtements que de vocabulaire.
Qui ne connaît pas Conan le barbare, personnage devenu culte grâce au film du même nom. Mais Conan n'est pas le seul, et il existe tout un tas de barbares, dans les films, séries, dessins animés, littératures, bandes dessinées, manga et bien évidemment jeux vidéo. Si certains sont très proches de Conan, voire des copies conformes, d'autres sont un peu plus atypiques et sortent du carcan habituel.
Mais avant d'essayer de trouver toutes les apparitions que le Barbare a pu faire, voyons d'où il vient, et quelle est son origine ?
Les Vikings et les Cimmériens
Barbare : A.− Adj. [P. rapp. aux Grecs, aux Romains et ensuite à toutes sortes de peuples] Qui est étranger à telle race, à tel pays parce qu'il n'en parle pas la langue ou qu'il vit en dehors de la civilisation.
Les Cimmériens, peuple qui a inspiré Robert E. Howard, ont réellement existé à la protohistoire. Il s’agit d’une peuplade nomade qualifiée de barbare par Hérodote et Strabon qui déferla plus tard aux VIIe et VIIIe sur l’Asie Mineure.
Dans la culture populaire, on assimile plus souvent les barbares aux Vikings et autres tribus germaniques, plutôt qu’aux barbares cités dans les textes gréco-romains. Il s’agit pourtant souvent des mêmes civilisations. Peu développées dans l’antiquité, elles prennent leur essor au VIIIe siècle.
En effet, à cette période, l’élevage s’est fortement développé en Scandinavie et la croissance démographique est intense. Le manque de terres conduit à une multiplication accrue de pillages. Pour combattre la faim, les clans vikings améliorèrent la construction navale et inventèrent le drakkar, navire de guerre peu large et résistant. En 793, le premier grand pillage viking eut lieu au monastère de Lindisfarne au nord de l’Angleterre. Les Vikings étant peu enclins au combat préfèrent terroriser les civils afin qu’ils se laissent plus facilement dépouiller. Les moines les qualifieront de démons et de barbares. Les monastères sont des cibles privilégiées à cause de leurs richesses.
L’aspect profilé et étroit des drakkars permet aux Vikings d’emprunter les fleuves européens pour effectuer leurs razzias. En 845, Ragnar, un chef viking danois lance 120 drakkars sur la ville de Paris, il pend 111 soldats avant d’atteindre la cité. Charles le Chauve, terrorisé, achète Ragnar avec 6 tonnes d’or et d’argent pour qu’il n’attaque pas la ville.
Ayant soif de nouvelles terres, Érik le rouge colonise l’Islande et le Groenland au Xe siècle. En l’an mil, son fils, Liev Eriksson colonisera Terre-Neuve pendant plusieurs décennies. Il évangélisera le Groenland en défiant le Berserker (guerrier/chaman) d’un clan local. Les chrétiens et les païens allumant chacun un feu, il put traverser le feu païen, mais pas celui des chrétiens.
Mais la plus grande légende viking est celle d’Harald Sigurdsson, fils d’Olaf roi d’un clan viking. Blessé à 15 ans au cours d’une guerre civile scandinave, il découvre les comptoirs commerciaux vikings à Kiev. Il comprend alors que le développement du commerce est nécessaire à la vente des richesses pillées et des esclaves. Habile, il enflammera des morceaux de bois accrochés à des pattes d’oiseaux pour enflammer les toits des villes siciliennes. Il ravira toute l’île à l’armée romaine.
À son retour en Norvège en 1046, son génie militaire l’a déjà rendu célèbre. Il vient réclamer son trône, occupé par son neveu. Il lui propose le partage du royaume, mais son neveu meurt dans des circonstances étranges un an plus tard. Il développe la Suède et surtout Oslo sur le modèle de Kiev, développant le commerce. Gourmand, Harald Fourrure-grise souhaite envahir l’Angleterre à l’aide du frère rebelle du Roi. Entrant dans les terres à seulement 10 kilomètres de York, le roi viking est terrassé par les armées anglaises d’Harold Godvinson. La nation viking est alors en déclin.
Les œuvres de fiction les plus notables représentant les vikings sont sans aucun doute, le film éponyme de Richard Fleisher (1958) avec Kirk Douglas et Tony Curtis, ainsi que l’excellente bande dessinée franco-belge Thorgal (1977) de Van Hamme et Rosinski, s’inscrivant dans la pure tradition Sword and Sorcery et mythologie nordique.
Le Barbare dans la littérature
Conan le Barbare par Robert E. Howard
Robert E. Howard est né le 22 janvier 1906 à Peaster, Texas. Sa famille descend des premiers pionniers de la région. Ses parents déménagent souvent jusqu'à leur installation définitive à Crossplain (Texas) en 1919. Originaire du sud des États-Unis, toute son enfance est marquée par les récits de la guerre de Sécession et les contes amérindiens. Il lira Rudyard Kipling, Jack London et connaîtra les récits des premières pulps magazines. Il est témoin d'une ruée vers l'or noir, rencontrant aventuriers, immigrés, prostituées, voleurs et profiteurs en tout genre. Cette période l'inspirera plus tard dans ses récits. De son intérêt pour la mythologie scandinave naîtront ses premières nouvelles relatant les aventures de Boealf, Viking danois.
En 1925, il publie ses premiers textes dans le cultissime pulp magazine Weird tales. C'est grâce à ce dernier qu'il entretiendra une correspondance très suivie avec Howard P. Lovecraft jusqu'à sa mort. Il contribuera même au mythe de Cthulhu en rédigeant certaines des meilleures nouvelles du cercle de Lovecraft. Ses écrits ne suffisant malheureusement pas à sa survie, ce qui l'amène à devenir boxeur professionnel en 1927.
Il rencontrera à la même époque, l'écrivain d'aventure Harold Preece, qui lui fera découvrir la mythologie gaélique et la piraterie. Il se passionnera alors pour les mythologies grecques, les mythes fondateurs des premières civilisations, comme la légende de l'Atlantide. Il est fasciné par les mécanismes de création, d'essor et de chute des civilisations.
À l'image de son ami Lovecraft, il créera son propre mythe, une période historique imaginaire, à la période de la protohistoire (entre préhistoire et histoire) : l'âge Hyborien, un âge d'acier surgissant avant la chute de Mu et de l'Atlantide. En décembre 1932, Conan le Cimmérien, barbare nordique, apparaît pour la première fois dans la nouvelle The phoenix on the sword. Le genre Sword and sorcery est né. À mi-chemin entre fantastique et heroic-fantasy, le genre est très influencé par Lovecraft et diverses mythologies. Certains considèrent qu'il se confond avec l'heroic-fantasy, mais il est bien plus sombre et plus adulte. Il s'inspirera des premiers cycles d'heroic-fantasy de Edward Rice Burrough (Tarzan et surtout John Carter). La nouvelle a un tel succès que Weird Tales commande 17 récits de Conan à Robert E.Howard.
Son héros, Conan, intelligent, brutal et fataliste, ne se fait aucune illusion sur la nature humaine. Toutes les civilisations sont éphémères et doivent inexorablement chuter. Conscient de ce fait, il n'hésite pas à détruire les civilisations ayant sombré dans la décadence. Opportuniste, Conan s'adapte et ne conforme jamais. Voleur, roi, révolutionnaire, il adopte le costume adéquat à chaque situation sans s'encombrer de préjugés, de morale ou de sens de l'honneur. Le barbare n'est pas civilisé, mais violent, pur et incorruptible. Immuable, il survit. Ce portrait doit vous sembler éloigné des personnages campés par Arnold Scharzeneger dans le film de John Milnius (1982) ou par Jason Momoa dans le film de Marcus Nispel (2011). Cela s'explique par la réécriture des nouvelles de Conan par son dernier éditeur Lyon Sprague de Camp qui les jugeaient trop pessimistes et amorales pour le grand public et surtout le public jeunesse. Les écrits de Robert E.Howard ont été dénaturés, transformant son héros en une créature instinctive, toute en muscle et sans cervelle. Jusqu'à il y a peu, la version de Sprague de Camp dominait, mais les versions originales des 18 nouvelles de Conan sont peu à peu rééditées, notamment aux éditions Bragelonne en France.
Bien que sa série de nouvelles de Conan demeure son plus grand succès, sa contribution dans les genres policier, roman noir, horreur, western, aventure, histoires de pirates et surtout poésie, dont il est l'un des plus grands auteurs classiques américains, influenceront toute la culture populaire actuelle. Hammet, Chandler, Moorcock, David Gemmel, Leigh Brackett, Gary Gygax et bien d'autres s'inspireront de l'oeuvre prolifique de Robert E.Howard.
Probablement bipolaire, alternant les périodes d'euphorie et de dépression, il est très affecté par l'état de sa mère, atteinte de tuberculose. Apprenant sa plongée dans le coma, en 1936, il se suicide d'une balle dans la tête. Ils seront inhumés ensemble.
Les Royaumes oubliés par R.A. Salvatore
Les Royaumes oubliés sont un univers d'Heroic Fantaisy utilisé par le jeu de rôle Donjons et Dragons. Univers très souvent repris dans les jeux vidéo, avec la série de Baldur's Gate, Icewind Dale ou Neverwinter, il a été surtout très abondamment illustré et décrit dans la littérature, avec notamment un de ses auteurs phare : R.A. Salvatore. Beaucoup d'entre vous ont entendu parler de Drizzt Do'Urden et de la trilogie de l'Elfe noir.
Ce personnage est un des acteurs principaux des Royaumes oubliés, tout comme peut l'être Elminster. Au cours de ses aventures, il voyage énormément, notamment dans une région au nord de Neverwinter (et appelé Icewind Dale), où un peuple que l'on peut assimiler aux Vikings vit. Un barbare du nom de Wulfgar rejoindra par la suite Drizzt. Grand, mesurant plus de 2m10 pour un poids de 150 kg, il peut écraser le crâne d'un homme juste avec ses mains. Blond avec une courte barbe, il serait presque la copie conforme de Conan. Il ne lui manque sûrement que les enseignements par les meilleurs Maîtres de guerre pour être un parfait clone.
Wulfgar restera pendant de nombreuses aventures avec l'Elfe noir avant d'être mis de côté par l'auteur. Il aura cependant droit à la couverture d'un des livres de Salvatore, l'Épine dorsale du monde.
Auteur contemporain, Robert Anthony Salvatore n'a pas seulement travaillé sur les Royaumes oubliés, mais sur de multiples sagas et nouvelles (Demon Wars, Star Wars), ainsi que sur un jeu vidéo : Les Royaumes d'Amalur : Reckoning.
Naheulbeuk, la parodie du barbare par Pen of Chaos
« Il est écrit dans les tablettes de Skélos que seul un Gnome des Forêts du nord unijambiste dansant à la pleine lune au milieu des douze statuettes enroulées dans du jambon ouvrira la porte de Zaral Bak et permettra l’accomplissement de la prophétie. »
Si les auteurs précédents ont fait de leurs héros des personnages sérieux, d'autres sont allés dans une autre direction : la parodie.
Naheulbeuk est une création de John Lang, alias Pen of Chaos (PoC) et a débuté non pas en livre ou bande dessinée, mais par des épisodes sur internet, sous forme d'une saga sonore diffusée en mp3. Une sorte de conte parodique pour internet et sans image. Après deux saisons sous forme de feuilleton audio, les suivantes sortiront en roman.
Les barbares précédents étaient grands, forts, violents et intelligents. Le Barbare de Naheulbeuk est grand, fort, violent et... violent. Aucune finesse, guidé uniquement par la violence, il frappe d'abord et discute ensuite. Il n'a pas de nom, il est le Barbare. Comme tous les autres personnages de cet univers, son nom est son archétype : la sorcière, le nain, l'elfe, l'aventurier, l'ogre, le voleur
Si vous ne connaissez pas encore Naheulbeuk, nous vous conseillons fortement d'aller découvrir cet univers totalement décalé, qui vous fera passer de très bons moments.
Les Annales du Disque-monde par Terry Pratchett
Terry Pratchett, auteur anglais contemporain est l'un des auteurs majeurs de l'Heroic Fantasy. Mais ce n'est pas des romans classiques qu'il écrit, mais des parodies, détournant ce qui se fait habituellement, pour écrire une satire de la société actuelle.
Sa saga des Annales du Disque-monde est très riche, avec pas moins de 30 romans ce qui fait de lui un des auteurs les plus productifs du genre. Récompensé de nombreuses fois pour toutes ses oeuvres, il est même anobli par la Reine d'Angleterre en 2008.
Tout au long de ses romans, on peut croiser de nombreux personnage, dont Cohen le barbare. Oubliez les héros grands et forts. Cohen n'est pas à l'apogée de sa force, mais plutôt au crépuscule de sa vie. Âgé de 97 ans, chauve, une barbe presque aussi grande que lui (sûrement à force d'avoir attendu Diablo 3 ?), borgne, édenté, des varices aux jambes. Il souffre de divers maux : hémorroïdes, lumbago, transit intestinal difficile. Il est loin d'être ce que l'on imagine du Barbare.
Pimiko & Eskrau