Difficulté
La difficulté des jeux vidéos de compétition est un prérequis fondamental inhérent à toute scène professionnelle. Les jeux eSports doivent avoir un niveau de maîtrise totalement différent entre l'élite de la scène et l'amateur. Sinon, pourrait-il vraiment y avoir une scène pro ? Le jeu doit donc être difficile, pas d'accès, mais demandant une maitrise technique et tactique aigue pour une optimisation des résultats : plus le nombre d'échelons entre le nouveau joueur est le pro est grand, plus cela est bénéfique pour le jeu.
Prenons exemple sur la bataille navale électronique. Le gameplay fondamental de ce jeu est extrêmement simple. Il n'y a jamais eu de tournois ou de championnats de bataille navale car cela n'aurait aucun sens : le principe étant basé sur la chance avec très peu de stratégie, le niveau requis pour devenir maître des mers est plutôt faible.
Life, membre de la ligue grand maître coréenne, a un ratio de victoire proche de 70%
Starcraft II a le mérite d'être l'un des jeux les plus difficiles du marché. Les progamers ont un ratio de victoire pouvant aller jusqu'à 70%. Cela signifie qu'ils gagnent un peu plus de deux matchs sur trois. Cela signifie également qu'ils perdent presque un tiers de leurs matchs : la compétition est tellement rude à haut niveau et le jeu est tellement ardu (nécessité de tout faire à la perfection pour espérer gagner) que personne ne peut prétendre le maîtriser dans son intégralité.
La chance : un facteur minimal
On ne saurait avoir un jeu compétitif sain dans laquelle la chance a une influence trop grande sur le gameplay. C'est vrai pour la bataille navale, et c'est aussi vrai pour d'autres jeux comme les jeux de dés. Il est facile de comprendre que tous les titres eSports accordent plus d'importance aux skills des joueurs qu'à la chance, et que cette dernière a souvent un impact minimal sur la partie. L'équipement en fers à cheval et en pattes de lapin ne devrait donc jamais bouleverser un match d'eSport digne de ce nom.
Un but : la compétition
Il est nécessaire que les jeux eSports aient un but clair et mesurable qui pousse à la compétition.
Un sim, confronté à une piscine sans échelle (courtoisie de cat wong pour l'image)
Prenons le cas des Sims 3. Les petits habitants pacifiques de Maxis étant atteints de diverses déviances de la personnalité et leur vie quotidienne ne constitue pas une source de compétition possible entre les joueurs. On a beau retourner le software dans tous le sens, il est impossible de trouver une manière crédible de faire s'affronter les différents joueurs entre eux.
Dans la même optique, les jeux contemplatifs comme Iko seraient dénaturés si transformés en titres eSport. Il doit être dans la nature de ces derniers d'émuler la compétition.
Nous avons vu dans l'historique que les premières compétitions consistaient à battre des records précédemment établis (comme le nombre de vaisseaux détruits sur Space Invaders). Cela ne constitue pas à mon sens une caractéristique de jeu eSport : la compétition doit être interactive, et chaque joueur doit pouvoir influencer sur son propre score, mais également sur le score de son adversaire. Dans Quake, je joue contre l'adversaire, mais aussi avec lui : si j'ai une bonne performance face à lui, cela signifie obligatoirement qu'il a une mauvaise performance face à moi. Lorsque deux joueurs jouent à Mario, le nombre de pièces ramassées peut être un facteur de compétition mais les deux moustachus ne peuvent avoir d'influence sur le score de l'autre.
On peut trouver une curieuse exception à cette règle dans TrackMania. Dans le jeu de course de Nadeo, le but est de battre son propre score pour chacun des circuits parcouru (même si le circuit est concouru par chacun des autres compétiteurs). On n'influe pas directement sur le score de ses adversaires, même si on peut effectivement voir à l'écran le fantôme des autres voitures sur le circuit.
Suspense
Malgré le fait qu'il soit vénérable, le tetris n'est pas un titre eSport
Un jeu sans suspense n'est pas compatible avec le concept d'eSport. L'idée d'un tournoi de tetris dans laquelle deux joueurs s'affronteraient au score devant des spectateurs s'endormant sur leur chaise est effroyable. Dans Tetris le jeu ne laisse pas vraiment place au hasard : il est prédictible. A part la prochaine pièce qui va tomber, chacun sait comment le jeu va se dérouler.
Tous les titres du sport électronique ont un côté imprévisible. Dans Quake, on n'a pas la parfaite connaissance de qui va fragger qui – et comment. Dans League of Legends, quand le combat entre les deux équipes s'engage, personne ne peut prédire qui va devenir le vainqueur du teamfight. Dans Starcraft II, la variété des stratégies fait que chaque partie laisse un suspense insoutenable : que va-t-il se passer ?
Cette question résume toute l'importance de ce critère, commun avec les sports plus classiques comme le football ou le handball. Personne ne serait assez fou pour affirmer connaître le score à l'avance d'une rencontre Barcelone – Real Madrid. C'est impossible à prévoir, et personne ne sait ce qui va se passer : l'excitation et l'attente contribuent obligatoirement au label eSport.