Qu'est-ce qui différencie un jeu eSport d'un jeu classique ? Cette question est légitime. Qu'est-ce qui empêcheraient les Sims de faire partie du prochain WCG ? Pourquoi n'y aurait-il pas des progamers de Mario Bros, travaillant sans relâche à obtenir le plus grand nombre de pièces en un temps record par niveau ?
Les jeux eSports ont un certain nombre de caractéristiques intrinsèques qui les différencient grandement des autres titres du marché.
Dustin Browder, l'homme qui murmurait à l'oreille de l'eSport
Il est impossible de prétendre à coup sûr connaître toutes les particularités d'un jeu vidéo compétitif. La liste des caractéristiques présentée ci-dessous est inspirée de la conférence donnée par Dustin Browder (https://www.gdcvault.com/play/1014488/The-Game-Design-of-STARCRAFT), concepteur principal de Starcraft II. Dans sa conférence, Dustin présente en détail les conséquences qu'eurent le label eSport sur le développement de Starcraft II.
Visibilité
Pour qu'un jeu vidéo soit un jeu spectateur, il est nécessaire qu'il remplisse un critère de visibilité. Il est fondamental qu'il puisse être observable (de préférence en live) par les foules et que les modèles 3D qui se déroulent à l'écran forment un ensemble cohérent et compréhensible.
Dwarf Fortress ne sera jamais un jeu eSport
L'action doit être claire : peu importe le type de jeu, les spectateurs doivent pouvoir constater qui gagne et qui perd, et doivent pouvoir suivre le cours de la partie. Ce critère est absolument essentiel : s'il n'est pas possible de saisir ce qui se passe durant un match, alors le jeu n'a aucun intérêt à être regardé.
La plupart des titres du marché respectent ce contrat : dans Counter-Strike, la visibilité est très bonne. Les combats sont simples à comprendre (on reconnaît d'un clin d'œil les joueurs morts de ceux qui luttent encore) et l'interface permet aux spectateurs d'obtenir des informations claires sur les participants (vision de la carte qui indique où sont les compétiteurs et leur état). De même, dans TrackMania, il est très facile de voir qui est en tête pour la course en cours. Les scores sont extrêmement visibles et l'interface est irréprochable.
Cependant, certains jeux sont moins visibles que d'autres. L'un des principaux reproches que l'on peut adresser à WoW Arena (compétition multijoueur de World of Warcraft en arène) est qu'il n'est pas spectator friendly.
On peut remarquer dans cette vidéo que, même avec les commentaires, il est difficile d'évaluer qui gagne et qui perd durant les matchs. Ce manque de visibilité pourrait être une des raisons pour laquelle la scène compétitive des arènes de WoW n'a jamais rencontré un très fort succès (WoW Arena étant pourtant l'unique jeu du genre). Avec le déclin du MMO à grand succès de Blizzard, on peut se dire que le destin des compétitions en arène est bientôt scellé.
Simplicité
La simplicité est un autre aspect primordial de tout titre eSport. Simplicité ne veut évidemment pas dire facilité. Les deux concepts sont différents : la simplicité assure que le jeu puisse être compris par tous et joué par tous. La facilité rend le jeu facile à jouer.
Nadeo aime produire des jeux eSports simples et épurés
Shootmania est un jeu extrêmement simple. Les joueurs, lâchés sur une carte futuriste, se tirent dessus à grands coups de laser, les points étant accumulés en fonction du mode de jeu choisi. Il n'y a pas une dizaine d'armes différentes, ou des mécanismes spéciaux de tirs. Chaque chose est pensée pour avoir une complexité minimale. Cela est nécessaire pour un jeu eSport : d'abord, pour les nouveaux joueurs, il faut qu'ils puissent saisir le principe du jeu tout de suite. Sans nouveau joueurs, il n'y a pas de renouveau de la scène, et le jeu meurt de lui-même. Ensuite, toujours d'un point de vue spectateur, si le jeu est trop complexe, le spectateur va se sentir confus.
Bien que très présente, l'action est simple à comprendre
Dawn of War est un jeu de stratégie en temps réel développé par THQ. C'est un jeu d'apparence complexe mais qui parvient miraculeusement à garder une certaine simplicité. C'est la beauté du titre : malgré le nombre gigantesque (60 +) d'unités différentes, le jeu est toujours facile à saisir. Les marées orques de l'image ci-dessus nous le prouvent : n'importe qui pourrait comprendre ce qui est en train de se passer sans être obligé d'être un expert dans le jeu. La profondeur du titre (son grand nombre d'unités) n'est ici pas un frein à sa simplicité d'accès.
Game of Thrones Genesis : action lisible, mais incompréhensible
Avec son système de multijoueur ambitieux, Cyanide nous promettait un jeu de stratégie en temps réel à la sauce du Trône de Fer. Pour ceux qui ne connaîtraient pas l'œuvre de George RR Martin sur laquelle est basée le jeu, l'action prend place dans un univers médiéval fictif dans lequel les coups bas et les trahisons sont légions. Le multijoueur permet par exemple de faire la capture de bâtiments ennemis par traitrise, mais sans que ce dernier le sache : à un point donné dans le jeu, je ne suis pas sûr de la loyauté de tous mes sujets, et je ne suis pas sûr que la caserne au nord de la carte soit réellement mienne.
En termes d'eSport, ce système tel qu'il est imaginé et appliqué par Cyanide est absolument impensable. Non pas que l'idée d'origine soit à mon sens mauvaise : le mécanisme de jeu des traîtrises et des coups bas à beaucoup d'intérêt pour le côté suspense de la compétition (voir plus bas). Mais pour une partie multijoueur, le jeu devient trop complexe pour être suivi : l'interface ne permet pas pour un spectateur de clairement comprendre facilement la loyauté de chacun des sujets des deux joueurs. Le gameplay proposé par Cyanide, qui n'est pas inintéressant, devrait être remanié pour pouvoir être applicable en compétitions.