Se projeter dans le futur n'est pas chose aisée. Parfois on ne sait pas même comment boucler sa fin de mois, alors le futur... En matière de jeux vidéo, le futur est une aire tout à fait propice - au moins autant que le médiéval fantastique - à l'évasion. Comment sont envisagées ces sociétés dans lesquelles potentiellement l'homme évoluera ? Comment se place l'homme au sein de ces univers et quels buts poursuit-il dans ce contexte ? Voilà des questions que les jeux vidéos se posent. Ils y ont même apporté certaines réponses.
Ce qui saute immédiatement aux yeux du joueur quand il se plonge dans un soft du genre, c'est d'abord cette manière de voir le futur. Irrémédiablement noire. Se prépare-t-on au pire ou construit-on le pire ? Le Cyberpunk a une façon bien à lui de voir les choses : Les multinationales gouvernent sans partage le monde, les échelles de valeurs s'en retrouvent totalement modifiées. L'entreprise, la corporation, cette entité qui produit de la richesse a pris la place du politicien à la tête des États. Pour diriger au mieux, le pouvoir n'est plus entre les mains de celui qui a été choisi par le peuple, mais plutôt entre les mains de celui qui a su le prendre.
C'est une des caractéristiques de l'univers cyberpunk, le totalitarisme, la rigidité de sa forme de gouvernance, entrent dans un contexte où la morale est mise de côté. La civilisation future est-elle pour autant amorale ? Dans le Point & Click basé sur le film Blade Runner - tiré lui même du livre de K.Dick (Les Androïdes rêvent-ils de moutons électroniques) - le joueur incarne Deckard un flic qui enquête sur un soulèvement de « machines » fabriquées par la puissante Tyrell Corporation. Une mégacorporation qui règne sur ce Los Angeles de 2018. Le pouvoir de l'entreprise vient de sa chaîne de production d'androïdes, une main d’œuvre spécialisée qu'elle vend aux quatre coins de l'univers connu pour les tâches les plus risquées. Une société qui remplace les hommes par des machines voilà aussi un des traits de l'univers cyberpunk. L'histoire de la fiction crée ses nouveaux Frankensteins et ce sont l'ombre de nouvelles Némésis qui planent sur le destin de l'humanité.
« Le commerce est notre seul but chez Tyrell. Plus humain que l'humain est notre devise ». C'est le slogan lapidaire qui pose des bases éthique et philosophique des questions auxquelles nos sociétés futures devront répondre. La génétique, les mathématiques, la médecine, l'aérospatial, les sciences informatiques sont autant de branches qui serviront les intérêts de l'expansion économique et industrielle de notre société. L'univers Cyberpunk, lui, a des motifs bien pessimistes à accrocher au tableau de cette vision de l'avenir. La transhumanisation est au cœur de cette logique d'évolution. La technologie y est au service de l'efficacité et se détourne des philosophies plus volatiles ou métaphysiques. Transhumanisation ou déshumanisation la frontière peut parfois apparaître comme floue. Les golems ne font pas les Hommes
À travers son Deus Ex : Human Revolution le DA Jonathan Jacques-Belletête nous parle de cet aspect de « transhumanisation » ou « cyborguisation ». La performance entre dans ce contexte où le but des hommes qui habitent l'univers existant est d'être naturellement utile à son expansion. L'humain est réparé, optimisé et viabilisé pour rester dans la chaîne de production. Créer de la richesse voilà ce qui semble viabiliser la survie de l'espèce. Tout caractère divergeant ou improductif peut être, de fait, supprimé. Dans ce décor informatisé où la nanotechnologie et la biogénétique sont au service du rendement et de la productivité, où la verticalité de la ville divise le monde en classes sociales, remember le Metropolis de Fritz lang, il n'y a plus de place pour les sentiments. Le travail du développeur de jeu video est de contextualiser ces données, de leur donner artistiquement une vie et ainsi de pouvoir présenter des univers « réalistes » (tout un paradoxe) aux joueurs.