Coucou maman,
Désolé de pas t'avoir envoyé de mail plus tôt, mais j'ai raté ma promo Gold pour la 3e fois, et j'arrive pas à digérer. Non, ça a rien à voir avec les soldes, suis un peu maman. Genre, c'est quoi leur problème à ces singes ? Pourquoi ils comprennent pas qu'il faut pas fight ? Et surtout, QUI a eu l'idée d'engage le Nash alors qu'on n'a pas la prio sur les lanes et qu'on a zéro info sur le jungler ?!
J'te jure, ça me déprime. En arrivant ici, je pensais pas que j'en aurais quoi que ce soit à secouer. Je croyais que j'allais juste m'ennuyer pendant 3 semaines, en saignant Candy Crush sur mes temps de pause. J'étais persuadé que je me retrouverais à servir des hot dogs scandaleusement chers — un peu comme quand j'ai fait la Paris Games Week — avec le regard vide, et des gestes mécaniques.
Mais League of Legends, ça change un homme. Et la compétition, ça le transforme en quelque chose d'autre. J'ai jamais été autant assoiffé de victoire, j'ai jamais été aussi affamé de destruction. Je suis devenu le genre de monstre que j'avais promis de ne pas devenir. Le genre de gars qui tape "ez" en fin de game, tu vois. Parce que, tant que tu restes du côté des vainqueurs, c'est la belle vie. Tu peux dire que t'es le plus fort — et t'y crois en plus ! — même si c'est pas vrai, et tu gagnes un passe-droit pour dire des âneries. Le "banter" que ça s'appelle. Mais lorsque les défaites s'enchaînent, lorsque tu vis autant de clim (rien à voir avec le peintre), c'est l'apocalypse. Et le pire dans tout ça, c'est que je suis pas le seul à vivre des échecs à répétitions.
Genre, hier et aujourd'hui, les derniers matchs du Main Event sont venus sonner la fin du bal de l'Europe. L'un après l'autre, les petits gars se sont succédés devant les pelotons d'exécution chinois et coréens, et le "Hell euh C" — pas sûr de ce que c'est, mais tout le monde le répète, et j'ose plus demander — a "failli signer sa pire année depuis 2014". Sept ans, tu te rends compte ? Ca faisait sept ans qu'on avait pas été aussi nuls. Tu vas me dire "C'est l'jeu ma pauvre Lucette" — mais ça c'est une mentalité de loser, maman. Et si je veux percer dans le game — ça veut dire réussir — j'dois avoir une "maïnd sept" de tueur. C'est comme ça qu'ils pensent, les winners.
Et tous les gars, ils sont comme ça. Même Nisqy. Surtout Nisqy. J'te l'dis, ils ont sué sang, eau et larmes les gamins. Ils ont bouffé les insultes, les reproches, et les défaites comme si c'était du petit lait. Ils se sont battus jusqu'à la dernière seconde, sans jamais lâcher prise, et je leur ai dit à quel point il pouvait être fiers de ça. Moi, en tout cas, j'étais fier d'eux.
Après, le résultat reste le même, et bientôt je me retrouverai tout seul. Demain matin, pour être précis. Nisqy ? Anihilé par Chovy. Adam ? Disparu en plein vol, comme St Exupéry. Demain matin, ils seront tous dans l'avion, et il ne restera plus que Jankos, Armut et Perkz. Enfin, Lukà — j't'ai dit qu'il s'appelait Lukà ? — c'est comme s'il était déjà parti. Il arrête pas de répéter que c'est déjà fini pour lui. Genre, il m'a raconté que, durant son match contre Damwon, il suppliait ShowMaker de leur laisser une chance. Il était à deux doigts de lui demander son PayPal.
Le pire dans tout ça, c'est les montagnes russes émotionnelles qu'on subit, à cause de ce truc horrible, le "thaï breaker" là. Je sais pas ce que c'est censé casser, à la base, mais ce qui est certain c'est que, moi, ça me casse à chaque fois. Ca m'avait déjà détruit de voir Hans et Perkz en duel au sommet, mais je te raconte pas la quantité de stress que je me suis bouffé aujourd'hui. Au moins, avec Adam, j'avais pas eu à subir ça : c'était plié dès la 2e game. Mais là, avec MAD Lions, c'était le seul scénario qui pouvait les sauver. J'étais là, à attendre, les doigts et les fesses serrés, en me shootant à l'hopium pour y croire jusqu'au bout. À côté de moi, Perkz et Jankos discutaient du maillot des MAD Lions, en disant qu'ils avaient rarement vu un manque de goût aussi prononcé — mais j'ai pas relevé, j'étais trop concentré sur les games.
La première a été un désastre, une défaite face aux gars de "Gêne J" qui, décidément, porteront bien leur nom jusqu'au bout — mais la deuxième est venue raviver la flamme. Les lionceaux ont détruit Team Liquid, et ils étaient à nouveau dans la course au "thaï breaker". Au final, tout s'est joué lors du dernier match de la journée. Le dernier boss, c'était les Chinois de "Hélène G" (Probablement une référence au sitcom) et Huma (rien à voir avec la fête, c'est un coéquipier d'Armut) leur a démoli la tronche. Il jouait Oriana, une mage qui contrôle une orbe en fer, mais j'peux t'assurer que c'était pas la seule grosse boule de cette partie.
Le problème, c'est qu'on s'est retrouvé avec quatre équipes à égalité. Et, du coup, ça a déclenché le "thaï breaker" là. Le truc de ses morts auquel je comprends rien mais qui fait toujours monter mon palpitant à 200 à l'heure. Les MAD, ils venaient juste de battre les "Hélène G", et ils ont dû les réaffronter, pendant que les Américains de Liquid se frottaient aux "Gêne J".
À ce moment-là, y a un des arbitres qui est passé chercher un truc à manger entre les deux games, et je lui ai dit :"Mais ils viennent de gagner là, pourquoi ils doivent les rejouer ? Ils ont un passe-droit pour une défaite les Chinois ? C'est quoi ce bordel ? Y a du favoritisme ou quoi ?! À quoi ça sert de refaire le match là ? On peut pas juste dire "ils ont perdu, hop, à la poubelle" ?" Il m'a regardé comme si j'étais fou, du coup j'ai craché dans son sandwich. J'te jure, ça me rend mauvais LoL.
Heureusement pour lui, ça s'est arrêté au crachat. Je dis heureusement, parce que les MAD ont réussi à abattre les Chinois une deuxième fois — et du coup ils ont réussi à se qualifier. Le soulagemeeeeeent ! Oh j'te raconte pas. Ca revient plus ou moins à trouver une aire d'autoroute quand tu te retiens d'aller aux toilettes depuis des heures.
Par contre, ils est hors de question que je revive ça. Du coup, j'ai décidé d'agir, à ma manière. J'vais leur donner un coup de main, aux p'tit gars. J'vais vaincre les Coréens à leur place. J'peux pas les battre dans la Faille, mais j'ai mon arme à moi : la bouffe. Du coup, j'ai un plan, mais pour le moment ça doit rester top secret. Je peux pas te révéler quoi que ce soit, désolé. Sache juste que ça va faire du bruit, beaucoup de bruit. Je t'assure : ils vont en chier — littéralement.
Pour les larmes de Nisqy, pour le LEC, pour l'Europe.
On se revoit de l'autre côté du tunnel,
Prends soin de toi,
Ton fils qui t'aime.
Cet article est bien évidemment une fiction.