Ce mois d'octobre est inhabituellement chargé pour les amateurs de jeux de rôle "à l'ancienne", puisqu’après le lancement de l'early access de Baldur's Gate 3, voici celui d'un autre RPG fort similaire dans la source de leur gameplay ce 20 octobre 2020 : Solasta Crown of the Magister. Bien que ce second titre soit moins ambitieux au niveau de sa réalisation, il dispose néanmoins de son propre charme et de bonnes idées. D'une certaine manière, on pourrait le voir comme l'Icewind Dale moderne.
Nous avons réalisé cette preview avec un code d'accès anticipé fourni par le studio. Il convient d'insister que le jeu est loin d'être terminé, de nombreuses fonctionnalités sont encore absentes. Des bugs traînent un peu partout, du contenu doit encore être ajouté, et des équilibrages doivent être faits, c'est tout à fait normal. Nous offrons donc un avis sur le potentiel du jeu en attendant la sortie de la version complète.
- Genre : RPG, tactique au tour par tour
- Date de sortie : 20 octobre 2020 (early access)
- Plateforme : PC Steam
- Développeur : Tactical Adventures
- Éditeur : Tactical Adventures
- Prix : 34,99€
À la porte Baldur
Commençons par offrir un éclaircissement sur la licence. Alors que Baldur's Gate se déroule dans l'univers de Faerûn, provenant de la licence Donjons et Dragons 5, Solasta se déroule dans un autre monde, avec le contenu et les règles Donjons et Dragons SRD 5.1 de Wizard of the Coast. En pratique, c'est très proche, surtout au niveau des mécanismes de jeu, mais c'est une open-gaming licence utilisable assez librement. Vous ne croiserez pas de lieux ni de personnages connus. Ces règles comprennent aussi une dose de "homebrew", c'est-à-dire des races, sous-classes et autres éléments créés par le studio. Cela peut être une bonne chose pour offrir davantage de contenu ainsi que des surprises aux joueurs.
Prêt à grouper ou Sur-mesure ?
Votre aventure sur Solasta démarre en choisissant quelle campagne jouer. Pour le moment, il n'y en a qu'une disponible, Crown of the Magister, mais de nouvelles aventures devraient être disponibles à l'avenir, ce qui donne le ton. Il faut ensuite composer soi-même sa petite bande d'aventuriers. On est alors libre d'utiliser différents personnages prégénérés par le studio, qui sont tout à fait viables, ou/et on peut créer soit même ses 4 personnages un par un afin de pouvoir peaufiner chaque détail et ainsi avoir le groupe le plus performant (ou bancal) possible. C'est cet aspect qui nous pousse à le comparer à Icewind Dale. Il est même possible de leur faire gagner des niveaux, ou de leur en retirer en fonction de la campagne sélectionnée, même si dans le cas présent ce n'est pas requis, c'est une bonne chose à terme.
Pour le moment, Solasta offre le choix entre 6 classes (lui aussi) avec plusieurs spécialisations chacune et 5 races, avec plusieurs sous-races dans certains cas. À quelques exceptions près, on est en territoire connu : magicien, paladin, clerc, rôdeur, roublard et guerrier d'un côté, humain, nain, elfe, demi-elfe et halfelin de l'autre. Viennent ensuite les caractéristiques. Un élément intéressant est que le jeu permet de choisir entre les 2 moyens d'attribution des caractéristiques. Soit on attribue des points sur un budget (comme BG3 par exemple), soit on fait rouler les dés à l'ancienne, et on les attribue dans les 6 caractéristiques. Comme dans les vieux titres du genre (BG1-2, Icewind Dale 1-2) vous pouvez les relancer en boucle jusqu'à obtenir un résultat ridiculement élevé avec plusieurs 18, et donc un personnage bien plus puissant que la normale. Ironiquement, nous offrir ce choix entre les 2 systèmes est un peu douloureux, puisque d'un côté on a naturellement envie d'avoir le meilleur groupe possible, mais on se sent aussi un peu sale en cas d'abus du système. On peut aussi se questionner sur l'équilibrage du jeu, après tout, les personnages prégénérés ont des caractéristiques fort généreuses.
Après avoir surmonté cet obstacle qui va tester votre alignement IRL, vient l'historique du personnage et son alignement. Les options sont encore une fois riches, puisque la combinaison entre la classe, la race et l'origine du personnage va déterminer de quelle façon il s'exprime, par exemple avec un langage soutenu, ou vulgaire. Combiné aux choix de différents traits de caractère, par exemple cupide et pragmatique, les dialogues en jeu changeront, tout comme les réponses proposées. Heureusement, vous serez tout de même libre de choisir quoi faire, mais il est plaisant de voir que même s'ils sont entièrement générés par le joueur, les aventuriers disposent tout de même d'un solide caractère, d'une identité et de répliques appropriées (et même doublées en anglais). Nous sommes bien loin des protagonistes génériques et silencieux d'autres jeux. Même l'équipement de départ, avec le choix entre différentes armes, armures et consommables est au rendez-vous. Les habitués du jeu sur table devraient vite trouver leurs marques.
Un nain, un elfe, un voleur et un donneur de quête entrent dans une taverne
Notre petit groupe fraîchement conçu commence donc son aventure autour d'une chopine, chacun raconte ses péripéties pour en arriver là, ce qui sert de tutoriel via des flash-back. Entre ensuite le représentant du conseil local que nos aventuriers attendaient pour se lancer dans une quête épique et dangereuse (probablement), il a en tout cas une sale tête. On découvre aussi à l'occasion que tous les membres du groupe peuvent intervenir lors des dialogues, ce qui permet de faire bon usage de leurs compétences (tromperie, persuasion, intimidation) en fonction de la situation et de la personne la plus compétente. Bien que le système reste encore lourdement perfectible et qu'on aimerait avoir plus d'options, le principe est séduisant.
La communauté de la couronne
Après quelques allers-retours dispensables en ville, c'est parti, mais il ne faut pas oublier de faire le plein de consommables, de munitions et de rations. Les voyages sont plus qu'un simple changement de zone dans Solasta et le trajet respecte les règles papier. C'est ici que le rôdeur brille d'ailleurs, du moins si vous en avez un dans le groupe. Il faudra plusieurs jours pour atteindre l'objectif de votre quête, outre le fait qu'il faille manger et se reposer tous les jours, le chemin est parsemé de rencontres aléatoires, mais aussi d'embuscades, dont certaines sont nocturnes. Quand une bande d'orcs attaque le groupe par surprise et que certains de vos héros se font tuer avant même de s'être réveillés, on sait que cela ne plaisante plus.
Cet aspect du jeu est encore très parcellaire et lourdement perfectible sur l'early access. L'équilibrage est douteux, les cartes d'embuscade manquent de variété, les événements en chemin n'ont qu'une ligne de texte et aucun effet s'ils ne concernent pas le ravitaillement. Il est même impossible de définir une autre destination, ni de changer le rythme de progression une fois en route par exemple. La carte générale est aussi dénuée de points d'intérêt en dehors des objectifs de la quête principale pour le moment. Gageons que tout cela sera amélioré et enrichi d'ici la sortie. Cela donne néanmoins quelques déconvenues douloureuses pour le moment, surtout si vous partez en voyage sans avoir prévu assez de provisions.
Une fois parvenu à destination, la phase d'exploration est plutôt classique. Vous pouvez choisir ou non d'avancer discrètement, des traces, indices et richesses n'attendent que d'être découverts en chemin. Même si pour le moment Solasta n'autorise pas de gros détours, il y a tout de même des zones ainsi que des quêtes optionnelles. Aller purger une caverne de ses gobelins pour s'emparer de leurs richesses est un petit plaisir qui ne se refuse pas. Les activités annexes comprennent aussi des factions avec lesquelles vous pouvez monter votre réputation afin de débloquer des récompenses, et un système d'artisanat assez extensif, mais pas très bien intégré pour le moment.
La phase d'exploration est assez lente, mais le pathfinding est étonnamment bon, même sur les cartes labyrinthiques (en ignorant quelques bugs). Les personnages sautent et escalade naturellement dans la mesure de leurs capacités physiques. Il est alors appréciable d'avoir un personnage athlétique pour sauter sur un escarpement éloigné pour faire tomber un tronc d'arbre, ou pour atteindre un trésor inaccessible pour tous les autres. Avoir sous la main un sort de saut, de télékinésie voire de vol peut aussi faire l'affaire.
"Baston !!"
Lorsque finalement un combat s'engage, c'est l'occasion de briller pour les règles D&D5. Il y a des tonnes de subtilités, mais en pratique elles sont simples à prendre en main, en particulier dans un jeu qui se charge de leur bonne application. Cela revient souvent ici, mais il convient de préciser que pour le moment, Solasta les respecte bien mieux que Baldur's Gate 3. Les effets des sorts, la portée des armes, la catégorie de chaque action est bien rendue. Des préparatifs méticuleux sont aussi bien récompensés, par exemple en positionnant ses personnages à distance en hauteur et en lançant des sorts de lumière sur les armes des combattants en mêlée, on évite de se retrouver à frapper à l’aveuglette dans le noir.
En contrepartie, les personnages avec une lumière sont aussi nettement plus faciles à détecter par les monstres. Dans tous les cas, une fois le combat engagé, le jeu passe au tour par tour, les personnages jouent dans l'ordre de leur initiative. Attaquer l'ennemi par surprise donne un premier tour gratuit, comme nous en avons aussi fait les frais lors des embuscades. Chaque personnage dispose d'une action pour attaquer, lancer un sort ou se désengager, d'une action bonus pour des éléments plus mineurs et rapides, comme boire une potion de soin, et pour finir, d'une jauge de mouvement. Le tout sur une grille rectangulaire avec une gestion du terrain, de l'élévation, de la lumière et des attaques d'opportunité. Même un combat basique n'est pas dénué de profondeur, la gestion des avantage et choisir la bonne approche est souvent décisif.
Après la bataille et le partage du butin entre en jeu le système de repos. Fidèle à celui des règles, il atteint un rare point d'équilibre au départ, il est utile et il n'y a pas trop de contraintes qui vous empêchent d'en faire usage. Mais il est aussi presque impossible d'en abuser. Les repos courts dont vous pouvez user et abuser ne rechargent que certaines compétences, et les dés de vie utilisés pour soigner vos personnages ne sont récupérés qu'avec un repos long. Repos long qui ne peut être effectué que dans certains points bien précis de la zone, et qui consomme des rations. Les rations sont lourdes et ne sont pas disponibles en grande quantité, et il vous en faut aussi pour le voyage de retour. Il faut donc savoir ménager la chèvre et le chou, comme qui dirait. Tout cela passe cependant par la fenêtre au niveau 5 avec le sort de provisions du clerc, ce qui permet en pratique d'abuser des voyages rapides et des repos long pour bombarder les ennemis de boules de feu et d'éclairs à chaque rencontre. Le repos au camp est aussi l'occasion de mener quelques rituels à bien, comme la détection de la magie et l'identification des objets. Sans oublier les gains de niveau qui ne se font plus sur le terrain.
Une fois tout cela effectué, il ne reste plus qu'à reprendre l'exploration. Pour ce que nous avons pu en juger, l'histoire est ultra classique mais efficace. Après des débuts modestes, le groupe se trouve embarqué dans une quête dont l'issue peut potentiellement influencer tout le continent. Les mystères du passé sont petit à petit dévoilés et des ennemis toujours plus redoutables sortent des bois pour vous alimenter en XP. Pour le moment, l'early access comprend environ une grosse dizaine d'heures de jeu uniquement centrées sur la campagne principale, avec des donjons et des zones qui gagnent rapidement en taille, en complexité et en difficulté. Cela nous a permis d'atteindre le niveau 5, ce qui a aussi offert un aperçu satisfaisant de la progression. Solasta s'en est bien tiré sur les premiers niveaux, mais il reste à découvrir si le studio saura aussi proposer des défis à la hauteur d'un groupe d'aventuriers de plus haut niveau, avec bien plus d'outils à leur disposition, et même le moyen de contourner les limitations actuelles du système de repos.
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