Quelques jours après le coup d'envoi de la deuxième saison de la LFL, Toucouille et Shemek, respectivement midlaner et toplaner de l'équipe GamersOrigin, ont partagé leur premier ressenti sur la méta de ce tout début d'année 2020. Les deux pros ont du mal à percevoir une révolution dans la méta de la fin d'année dernière, celle des Worlds 2019, perplexes vis-à-vis des effets de mode et des nouveaux objectifs qu'offre la carte. La seule variable d'ajustement pour Toucouille et Shemek : Riot Games, pris en flagrant délit de suroffre à travers son cortège de nouveaux champions.
Une méta agressive, botlane
Non, la donne n'a pas vraiment changé depuis la victoire de FunPlus Phoenix sur G2 Esports, trois à zéro sec, en finale des Worlds 2019 à Paris. Ici-bas, les professionnels de la ligue française renvoient ce match historique devant une lecture simple de la méta. Ce qui importe, au final, c'est bien l'ascendant psychologique du plus agressif.
« L'avantage du plan de jeu explosif en "Bo3", c'est que, sur scène, si tu le fais bien, tu vas apeurer tes adversaires, tu vas les faire douter. Cela peut vite tourner à ton avantage », explique Shemek. Le toplaner, bien connu sur des picks à scaling, n'hésite pas à défendre des plans de jeu « plus safe » qu'il préfère, mais doit tout de même avouer l'existence « d'une méta Dragon » qui est venue rajouter encore plus d'agression.
Toucouille acquiesce sur ce point clef, qui agite beaucoup les débuts de partie depuis la sortie du patch 9.23. « En early game, beaucoup de gens ne comprennent pas encore comment marchent les Dragons. Les buffs en début de partie, tant que tu n'as pas "L'Âme de Dragon", c'est vraiment inutile : avant, le Dragon Infernal te donnait 10 % de dégâts en plus, là, c'est descendu à 5 %. Pareil pour le Dragon Océan, tu régénères 5 % de ta vie toutes les cinq secondes ! Tu fais quoi avec ça ? ».
Le midlaner des GamersOrigin insiste sur le fait que les grandes lignes de la méta sont surtout inspirées par « beaucoup de gens qui recopient ce qu'ils voient ». En gros, c'est un effet de mode. Toucouille souffle d'ailleurs que la méta chinoise est une fois encore en première ligne, la LPL ayant donné son coup d'envoi début janvier, avant d'être suspendue indéfiniment.
« Exemple tout bête, il y a eu la reprise de la LPL où ça s'est mis à jouer des duo midlane Rumble/Qiyana : tout le monde s'est mis à faire pareil en scrims et partout ». Lui se défend de reproduire bêtement la méta : « On copie, on s'inspire, mais on a quand même de bonnes idées jusqu'à maintenant. C'est un peu ce qu'il s'est passé lorsqu'on a choisi Lucian midlane contre Solary la première semaine. En LFL, personne ne le joue depuis le départ d'Eika et, personnellement, je ne vois pas ce que tu prends contre Lucian au mid ».
Sur ce coup là, Shemek n'est pas aussi catégorique, « Il trouve que Lucian est craqué. La vérité, c'est qu'on les a totalement outdraft, et qu'il ne faut pas enterrer Solary ». Il résume alors sa pensée : « Pour moi, il n'y a pas trop de méta : tu joues un peu ce que tu veux. Depuis une ou deux saisons, tout le monde dit que le jeu est plus punitif, plus early et qu'il faut jouer comme ça, mais je ne suis pas convaincu ».
« Par rapport aux autres équipes de notre ligue, je trouve que notre playstyle est l'un des moins risqué », renchérit Toucouille. « Quand je vois LDLC OL ou Vitality.Bee jouer, à tout moment, leur game est perdue alors qu'ils sont devant. LDLC OL, contre Solary, ils sont passés deux, trois fois, à un rien de perdre la game ».
Et de rajouter, fort de son expérience de l'année passée : « Dans l'Open Tour, tu n'as que des "Bo1", des équipes master ou grandmaster, et tu es sorti si tu perds un match. Tu es obligé de ne jamais "coinflip" tes games. Comment ? Tu joues moins d'assassins ».
Les nouveaux champions dans le viseur
Un bref débat s'ensuit à propos d'Akali, bannie par les joueurs, car trop flexible dès la draft pour Shemek, mais pas sans faiblesse pour Toucouille, qui souligne l'obligation de "se commit" pour l'assassin bientôt passé à la moulinette du patch 10.3.
Pour le midlaner, le cœur du sujet est ailleurs. « Ce que nous a fait Riot, depuis quelques semaines, c'est qu'ils ont sorti deux carry-ad OP avec Senna et Aphelios ». Le second fait réagir. « Trop de dégâts », annonce d'entrée Toucouille. Pour Shemek, c'est le penchant trop versatile du champion qui pose problème aux joueurs. « Je pense que les botlaners savent jouer contre Aphelios, mais les autres pas vraiment encore », ajoute le toplaner. Les deux joueurs tombent finalement d'accord sur Senna en mettant en avant le terrible scaling du tireur, qui reste le plus adapté pour les combats qui durent. À partir de ce tour d'horizon d'une méta botlane surchargée, Toucouille a tiré les premières leçons.
« Du coup, quand tu joues, quand tu draft, tu dois aussi prendre en compte Miss Fortune, voire Varus. Donc soit tu ban tout, soit tu ban rien. La plupart du temps, tu as deux carry-ad OP sur la botlane et tout le monde va venir jouer autour.
Dans cette méta, tu vas voir davantage de carry-ad forts sur des tireurs, que de carry-ad qui vont oser des mages. Et je pense d'ailleurs que la méta AD va encore durer longtemps ».
L'ex midlaner d'IziDream vient de mettre en lumière l'un des seuls écarts de la méta actuelle avec celle des Worlds 2019. La botlane est prise d'assaut par des carry d'un nouveau genre, et celle-ci concentre les intentions des deux équipes, surtout pour le contrôle des Dragons.
Mais Shemek décide d'aller plus loin. La nouvelle gamme de champions a recouvert une méta très sélective pour les carry-ad, mais loin d'être tombée en désuétude selon lui. Il y a donc une méta qui dort sur la botlane, prête à refaire surface au moindre équilibrage.
« Kai'Sa et Xayah, aux Worlds, c'était opé et si tu avais l'un des deux et pas ton adversaire, c'était presque game over. C'est plus joué aujourd'hui, mais je suis certain que c'est encore très fort. Le problème, maintenant, c'est que la lane de Kai'Sa est vraiment faible contre les nouvelles botlanes de la méta. Par contre, si tu arrives à être à égalité dès que tu sors de ta phase de lane, c'est au moins aussi fort que ces champions. Et cela s'applique aussi à Xayah ».
Toucouille rejoint son coéquipier, sans réserves. Il connaît aussi ce sentiment d'être parfois en avance sur la méta. Il encense Cassiopeia qui « a toujours été un champion très fort », et parle de son vécu.
« Je vais prendre l'exemple de Rumble, car je jouais déjà Rumble il y a deux ou trois ans au mid. Pour moi, c'était vraiment très fort. Depuis, il n'y a pas eu beaucoup de changements sur le champion, et maintenant il est dans toutes les games », avant d'ajouter que le point fort du champion à l'époque, selon lui, était de créer la surprise pour les outsiders, en arrivant à punir les teamfights. Depuis, la méta a changé les habitudes, et toutes les équipes qu'il croise lui mènent la vie dure.
« Lors de l'ouverture de la LFL, j'ai été voir mes anciens coéquipiers d'IziDream. Je leur ai demandé si ils pouvaient arrêter de ban mon Rumble comme toutes les équipes. Ils m'ont répondu que jamais de la vie, c'est bien trop fort ! ».
Merci à Toucouille et Shemek pour leurs réactions.