Il paraît que l'amour dure trois ans. Du moins, entre les humains. La question se pose de plus en plus sérieusement à l'heure actuelle entre la communauté Hearthstone et son jeu favori (même si on arrive plus vers les 4-5 ans en fait...). Dans "communauté", on peut englober joueurs occasionnels, joueurs confirmés, joueurs pros et semi-pros, streamers et pour ainsi dire tous les gens qui y touchent de près ou de loin. Mais d'où vient le souci ? Car les "menaces" extérieures (Magic Arena, Artifact) ne sont pas à négliger, certes, mais elles ne sont pas non plus la seule raison de la baisse de fréquentation et de l'envie d'aller voir ailleurs. Comme le veut la formule consacrée des sportifs, "Notre pire ennemi, c'est nous-mêmes". Et pour le coup, ça n'est peut-être pas totalement faux. Nous vous proposons un bref retour en arrière, il y a trois ans et onze mois plus précisément.
Hearthstone à la Blizzcon 2014
Certes, le raccourci est un peu facile et la Blizzcon de 2014 ne s'est pas limitée à ça, mais c'est tout de même cette image qui va nous permettre d'entamer une réflexion générale. Pour les non-anglicistes, cet écran faisait partie d'un stand en plein coeur de la convention Blizzard, et proposait aux curieux/joueurs de donner leur avis sur les choses à mettre en place sur Hearthstone pour le futur, et de les classer par ordre d'importance selon eux :
- Voir des replays de mes matchs
- Profils de joueurs (pouvoir voir mes stats, mes decks, ma progression, etc)
- Hauts faits
- Mode coopératif (jouer avec des amis contre l'IA)
- Mode de création de tournoi (affichage, organisation des brackets, etc)
- Ajouts cosmétiques (nouveaux boards, emotes, héros alternatifs, etc)
Honnêtement, nous n'avons pas pu retrouver les statistiques qui en sont ressorties, mais il est intéressant de se pencher sur ce qui a été fait et ce qui a été plutôt délaissé. Revenons maintenant au présent, un mois avant la Blizzcon 2018.
Ce qui a été fait
Bien sûr, ici on considèrera ce qui est directement intégré au jeu, et non faisable par l'intermédiaire de programmes tiers ou de sites extérieurs.
- Voir les replays des matchs. Ah, si si, on vous jure que ça a été développé et mis en place. Bon, pas en Europe, ni aux Etats-Unis, ni autre part qu'en Chine en fait... Une application liée à Hearthstone permet d'enregistrer jusqu'à 200 games et de les revisionner. On peut aussi naviguer dans une base de données de decks, voir combien de poussières manquent pour le craft, et ainsi de suite. Images à l'appui ci-dessous, et précisions de même (article qui date de mars 2018). En Europe, nous devons nous contenter d'un mode replay au rabais, et encore il faut jouer avec Hearthstone Deck Tracker et aller sur HSReplay pour avoir un PoV assez laid en prime.
- Profils de joueurs (statistiques, decklists, progression, etc). Bon, on va se retenir de troller comme juste au-dessus, mais c'est exactement la même chose. Les joueurs du serveur chinois peuvent avoir accès à leurs statistiques depuis peu de temps, et ce en parties d'Arène ou de Construit. Encore une fois, en Europe, on doit se contenter de Hearthstone Deck Tracker ou autre Innkeeper (images de début septembre 2018 ci-dessous).
- Le mode coopératif. Vaste débat, certes. Qu'est vraiment un mode coopératif, ou qu'est-ce que Blizzard entendait vraiment et concrètement par là à l'époque ? Jouer contre l'IA, soit. Mais régulièrement ? De temps en temps ? Toujours est-il qu'à l'heure actuelle, quelques events, le plus souvent communautaires, donnent accès à des combats multijoueurs contre le Roi Liche god mode par exemple (Gamescom, ou autres Fireside Gathering). On peut aussi noter la présence de trois ou quatre Bras de fer coopératifs dans l'année, mais on est loin de quelque chose de vraiment abouti et poussé. Mais soit, c'est une fonctionnalité existante occasionnellement.
- Additions cosmétiques. Alors là, on peut dire que cette case est cochée et recochée. Du héros alternatif en pagaille (même si quatre Paladins, ça va commencer à faire beaucoup à côté d'un Prêtre et demi), un nouveau board à chaque extension, des emotes sympathiques entre personnages spécifiques. Du payant, du non-payant, on trouve un peu de tout et libre à chacun d'y mettre les ressources qu'il veut, c'est un tout autre débat. Mais (car il y a un "mais") encore une fois, certaines régions sont en retrait sur ce point. Tyrande et Khadgar, pour ne pas les nommer, sont des personnages tellement rares et compliqués à avoir que cela devrait presque représenter un haut fait (quand ils seront mis en place). Les offres spéciales de l'époque manquaient clairement de visibilité et de communication (ces offres ont maintenant quasiment deux ans) en Europe. Depuis, comme pour beaucoup de choses, la partie asiatique d'Hearthstone a été privilégiée et a pu avoir de nouveau accès à Tyrande et deux fois à Khadgar. Comme chacun sait, sur ce type de jeu, tout ce qui est inutile est indispensable, et devient limite vital quand quelqu'un d'autre l'a à portée, lui. Mais il faudra prendre son mal en patience semble-t-il.
- On va même se permettre d'ajouter un point qui n'était pas sur la liste et qui pourtant a été plutôt bien traité : les events ingame. Certains ne fonctionnent pas trop, comme la Saint Valentin ou consorts, mais la plupart sont vraiment de vraies réussites. On pense à la Fête du feu et ses pièces d'or doublées, la Sanssaint et son Arène double-classe, les Fastes du Trône de Glace. L'équipe en charge de ces events a pris un peu plus de consistance dans les derniers temps et ce la se remarque, et il faut admettre qu'il se passe rarement un mois sans event, ce qui était loin d'être le cas dans les premières saisons du jeu.
Ce qui n'a pas encore été fait (et qui manque terriblement par la même occasion)
- Si vous avez lu la partie du haut, vous comprendrez aisément ce que nous allons évoquer ici. On peut donc se permettre, en tant que résidents Européens pour la plupart (de ceux qui lisent ces lignes, j'entends), de constater que le mode replay n'est pas disponible chez nous, tout comme les profils de joueurs, et que l'on doit continuer à regarder des games en slow motion sur HSReplay OU à enregistrer ses parties sur OBS ou Xsplit et les revisionner plus tard. Ca en dissuadera plus d'un, qui ne prendront bien sûr pas cette peine, même si c'est un des meilleurs moyens pour progresser dans le jeu.
- Hauts-faits. Tout d'abord intégrés sur World of Warcraft à l'époque de Burning Crusade, il serait de bon ton de pouvoir les retrouver sur Hearthstone. Certes, il existent sous la forme de quêtes spéciales (réunir TOUTES les cartes du set basique pour gagner la somme folle de ... 100 pièces d'or, j'en passe et des meilleures). A ce rythme là, autant ne pas mettre de récompense du tout, car elle en est plus frustrante qu'autre chose étant donné le temps passé. D'un point de vue plus terre à terre, les hauts faits, quel que soit le jeu, PC ou console, font à l'heure actuelle partie intégrante d'un jeu, et donnent au joueur un sentiment d'accomplissement. Or, après avoir terminé ces quelques quêtes qui sont, soit dit en passant, complètement "intrackables" il n'y a plus rien à faire sur le jeu pour quelqu'un qui aurait envie de passer du temps dessus. Un joueur qui joue depuis la bêta aura ses neuf héros en doré depuis quelques temps maintenant, et maintenant que faire ? Passer Légende mensuellement ? Simple affaire de temps, il y en a maintenant environ 25 000 par mois... On peut critiquer les hauts faits sur World of Warcraft, mais ils restent malgré tout une valeur ajoutée au jeu, un gain de durée de vie non négligeable. Et c'est tout à fait ce dont Hearthstone aurait besoin pour que les joueurs ne finissent pas blasés après un mois d'extension. Ce n'est bien sûr pas la solution miracle, mais elle contribuerait peut-être à rendre les choses meilleures. Sans oublier de donner la possibilité (à un moment ou à un autre) de tracker ces hauts faits, d'en vérifier l'avancement, ainsi que celui des quêtes journalières, et ce même en pleine partie. Il n'y a rien de plus frustrant que de se connecter pour faire une simple quête, et finir la partie en ayant une seule carte restante à jouer. Certains diront que c'est accessoire, certes, mais cela ne demande assurément pas énormément de ressources de développement d'ajouter l'affichage de quelques chiffres sur l'écran.
- Le mode Tournoi. Vaste sujet que ce mode Tournoi... Annoncé lors de l'année du Corbeau, et la bêta prévue pour le milieu 2018, Blizzard s'est fait plus que discret les mois suivants. Finalement, la nouvelle est arrivée comme une fleur le 18 septembre : cette fonctionnalité est abandonnée pour le moment. Un désaveu de taille pour une communauté qui attendait cela, presque davantage comme une marque de considération pour la population compétitive (pros, semi-pro, ou même amateurs de tournois online) qu'autre chose. Des nouvelles très controversées qui n'ont pas tardé à être commentées de façon assez véhémente par les concernés qui se sentent délaissés. En effet, alors que Blizzard vient d'instaurer des facilités pour attirer et fidéliser les nouveaux joueurs, les plus anciens sont relégués bien loin dans la hiérarchie et c'est fortement dommageable. Pour rappel, les premières évocations d'un mode tournoi sur lequel Blizzard travaillait datent de 2016...
- Dernier point et sûrement le plus important qui ne fait pas partie de la liste et qui ferait un bien fou au jeu : faire vivre la méta en augmentant la fréquence des patchs d'équilibrage. Le tweet suivant de Zalae, joueur professionnel chez Omnislash, et streamer reconnu pour ses grandes qualités de jeu, parle de lui-même.
Il explique rapidement que les decks qu'il avait annoncés comme "au-dessus" de la mêlée le jour de la sortie de Projet Armageboum sont toujours les decks les plus efficaces actuellement, presque deux mois après (on parle ici de Démoniste Pair et de Druide Tokens). On peut même dater leur sortie à une extension avant, puisque 90% des cartes de chaque deck étaient déjà présentes avec Bois Maudit.
Pour corroborer cela, et après vérification, seules 23 cartes de Projet Armageboum font partie de plus de 2% des decks à l'heure actuelle (voir ci-dessous). Si l'on est un peu plus exigeant avec ce pourcentage, on peut même juger que seules 15 sont vraiment jouées (en mettant le "cut" à 5%), le reste étant des cartes un peu plus marginales. Cela en fait, selon les statistiques, la deuxième extension la moins utile en termes de cartes depuis le début du jeu. Est-ce dû au manque de power level des cartes de Projet Armageboum ou au trop haut power level de celles des autres extensions ?
Dans tous les cas, la Tier List ne bouge plus depuis quelques semaines déjà, et les développeurs ont pour le moment répondu que la diversité des decks jouables leur convenait plutôt. Un fonctionnement vraiment difficile à comprendre, tant la supériorité du Druide n'est plus à démontrer (encore une fois, ce n'est pas le débat), et que la modification de quelques cartes-clés ferait souffler un vent de fraîcheur sur la méta. Le leitmotiv qui guide les conférences assez "langue de bois" des développeurs étant même "notre but est que la méta soit cyclique". Dur dur de s'y retrouver au milieu de tout cela.
Certains jeux n'hésitent pas à modifier des cartes, même infimement, tous les mois. Et même si l'on ne peut pas s'attendre à un patch par semaine comme sur certaines licences, il en faudrait bien davantage qu'un tous les semestres... On comprend parfois mal comment la team Hearthstone peut se targuer de s'agrandir et d'avoir dorénavant quelques membres dédiés à telle ou telle tâche (en comparaison à quelques années en arrière où tout le monde faisait un peu de tout) et en même temps ne pas prendre ce genre de décisions pourtant pleines de sens.
Pour finir
L'avancement depuis cette Blizzcon 2014 n'est pas ce que l'on pourrait qualifier de "fulgurant", loin s'en faut. Cette Blizzcon 2018 sera, elle, un moment charnière puisqu'elle lancera une nouvelle extension alors que le jeu est au plus mal et que la concurrence arrive. On attend donc une réaction vive de la part de la team Hearthstone, sans quoi les prochains mois pourraient être compliqués.