Pour analyser leurs performances, il est nécessaire de comprendre les indicateurs clés permettant d'évaluer la qualité d'un joueur. Dans le cas des midlaners, les dégâts infligés aux champions apparaissent comme l'information la plus judicieuse, bien que le rôle ne s'y limite pas.
Il faut par ailleurs bien avoir en tête l'aspect stratégique de League of Legends : certes une partie de LoL est avant tout une expérience visuelle, pleine de duels et de démonstrations techniques. Cependant les mécaniques ne sont plus le premier critère susceptible de faire la différence au niveau professionnel : c'est l'aspect stratégique qui domine, aussi bien dans la phase de sélection des champions que pendant la partie. Cet aspect n'étant pas l'objet de cet article, résumons-le de manière simpliste. Un match s'entame avec un plan de jeu propre à chaque équipe, qui vise à attribuer les ressources disponibles de manière optimale entre les membres de l'équipe en fonction des forces des joueurs et des champions sélectionnés. Dans les faits, cela revient à déterminer comment répartir l'or entre les joueurs et comment utiliser au mieux leur temps sur la carte – ces deux ressources étant liées, la répartition de l'une pouvant être une conséquence de l'autre dans une certaine mesure.
Les performances absolues
Ces deux critères – dégâts infligés et or collecté – étant identifiés, on peut s'intéresser de plus près aux performances de nos chers midlaners. Ci-dessous un graphique classant les joueurs en fonction de leurs dégâts infligés et de l'or collecté (on s'intéressera uniquement aux données par minute, plus représentatives que les données totales).
Febiven s'impose de plus en plus comme le numéro un à ce poste en Europe, auréolé depuis le MSI où il avait fait mordre la poussière à Faker par deux fois en phase de lane lors de leur confrontation. Malgré de très bonnes performances au cours du split précédent, il était parfois critiqué pour son manque de prises de risque – on se souviendra de son 9/0/5 avec LeBlanc lors d'une défaite contre Unicorns of Love. Il est maintenant en tête du classement des kills et assists (55 et 69 respectivement) et totalise 20 morts, soit 5 de plus que xPeke et Ryu qui le devancent de fait au KDA (7,9 et 7,0 contre 6,2). Ce chiffre reste raisonnable, mais montre qu'il se livre plus que ses concurrents directs, comportement symptomatique du style de jeu agressif et nerveux des Fnatic très centré sur la partie supérieure de la carte.On voit sur le graphique qu'il remporte aussi la première place du classement aussi bien en or par minute qu'en dégâts par minute, peu surprenant quand l'on regarde les performances des Fnatic, invaincus jusqu'à présent.
Febiven, midlaner des Fnatic, au top de la pyramide
Froggen et PePiiNeRo sortent du lot en terme dégâts, la performance du midlaner de Aliiance étant d'autant plus impressionnante que son or collecté par minute est sensiblement plus faible. xPeke s'en sort bien malgré une forte concentration d'or, l'écart avec le peloton étant surtout dû aux plus nombreux objectifs remportés inévitablement par une équipe gagnante – même explication pour Ryu, mais nous reviendrons sur ses faibles dégâts apparents un peu plus tard.
À l'inverse Soren apparaît comme nettement distancé par ses pairs. Conséquence ou cause de la dernière place des Copenhagen Wolves ? Sûrement un mélange des deux, bien qu'il ne soit pas le premier sur la liste des coupables de ce naufrage, notamment expliqué par un style de jeu concentré sur l'AD carry malheureusement peu adapté à la méta actuelle.
Les performances relatives
Si ce graphique donne des informations intéressantes dans l'absolu, il est évident que les statistiques des joueurs dépendent directement des équipes dans lesquelles ils évoluent – encore une fois les deux aspects étant interdépendants. Pour comprendre le rôle de chacun des midlaners dans chaque équipe, ci-dessous un graphique représentant encore une fois les dégâts infligés et l'or collecté, mais relativement au reste de l'équipe.
Les rôles sont cette fois beaucoup plus clairs. Les performances de Froggen et PePiiNeRo reflètent la dynamique de leurs équipes : s'ils ne sont pas capables de faire la différence, les chances de victoire sont minces. Ils bénéficient donc d'une grande part des ressources de leur équipe, qu'ils arrivent à convertir de manière efficace – avantage encore une fois à Froggen.
Le duo xPeke/Febiven montre l'exemple, leur position similaire sur le graphe traduisant leur similarité dans des équipes aux styles de jeu et aux résultats comparables. Les deux jouent les champions les plus ancrés dans la méta, tout en absorbant une quantité d'or raisonnable permettant à leur toplaner et leur jungler de s'exprimer. C'est d'ailleurs ce qui fait la force des meilleures équipes de cette saison (Fnatic, SKT T1, EDG...) et qui a provoqué la chute des TSM aux MSI, leur stratégie étant trop centrée sur la midlane.
On voit aussi que Nukeduck et Betsy réussissent à obtenir le meilleur du peu de ressources qui leur sont allouées, signes de leur potentiel. Cette observation n'est pas anodine, Roccat et Gambit étant les deux équipes, en dehors du trio de tête, susceptible de créer la surprise en fin de saison.
Fox et Power of Evil, bien qu'annoncés comme les futurs talents de cette saison, ne réussissent pas à se démarquer au cours de ce summer split. La dynamique de leurs équipes ne semble pour l'instant pas optimale bien qu’il soit fort possible que SK Gaming finisse par redresser la barre avant la fin du split.
Enfin l'énigme Ryu, dont les performances dans ces tableaux ne sont pas flatteuses. Mais elles sont pourtant trompeuses ! Comme toujours, les chiffres ne disent pas tout et doivent être mis en relief en fonction des autres informations disponibles. Dans le cas de Ryu, ses statistiques peuvent être expliquées par deux choses : le style de jeu de H2K et surtout ses champions joués. H2K est une équipe méthodique et parfaitement équilibrée entre le top, le mid et l'adc (Hjärnan étant un des meilleurs adc européens si ce n'est le meilleur du moment). De plus le coach de H2K, pr0lly, a l'intelligence de ne pas forcer Ryu à jouer des champions qui ne lui correspondent pas : à l'inverse d'un Incarnati0n que l'on oblige à jouer les mages « contrôle » du moment, Ryu a toute la latitude de jouer des assassins comme Fizz (2 victoires), LeBlanc (1 victoire) ou Kassadin (1 défaite) ainsi que des midlaners plus utilitaires comme Lulu (2 victoires) ou Orianna (1 victoire). On remarquera que les deux autres défaites des H2K ont vu Ryu jouer des champions de « poke » (Jayce et Varus) bien que ses prestations furent excellentes. Les assassins et les midlaners utilitaires apportant beaucoup moins de dégâts totaux que des mages contrôle ou encore des champions à poke, il n'est pas surprenant de voir ces statistiques.
En conclusion
Aussi bien au niveau du point de vue des statistiques que des résultats, Febiven s’impose comme la référence sur la midlane en Europe. Apparaissent ensuite plusieurs profils propres à chaque équipe. Conformément au style de jeu déséquilibré proposé par les Giants et les Elements, PePiiNeRo et Froggen confirment leur position de carry principal de leur équipe. Les statistiques de Froggen sont particulièrement intéressantes : si les performances de son équipe restent en demi-teinte, il garde malgré tout un impact impressionnant et nul doute qu’il pourrait redevenir une référence si Elements retrouvait une cohésion – autrement dit si Froggen abandonnait le rôle de shotcaller qui ne semble pas lui réussir.
xPeke et Ryu, dans deux styles différents, ne déméritent pas et sont symptomatiques du succès d’Origen et H2K : un style adapté aux forces de l’équipe s’appuyant sur une répartition équilibrée des ressources. Enfin, les statistiques de Nukeduck sont prometteuses et ses performances ont été récompensées avec le 2-0 de Roccat lors de la semaine 5. Les autres midlaners sont assez similaires excepté Soren qui reste légèrement en retrait, conséquence de la stratégie des Copenhagen Wolves qui persistent à concentrer leurs ressources sur leur AD carry dans une méta très défavorable.