Chapitre 4
- Par où commencer ? -
Si vous n'avez pas lu le chapitre précédent, il est disponible ici.
Cela vous étonne peut-être que je n'aie pas commencé justement par ce point. Le fait est que nous avons abordé ce point par petites touches jusqu'alors, mais je vais maintenant en parler de façon plus aboutie dans une partie qui est dédiée à cette question ô combien problématique.
Lorsque vous allez commencer à travailler sur votre web-série, la premiere chose à faire est de penser votre histoire. Il n'est pour le moment pas indispensable de réfléchir sur les moyens techniques avant même d'avoir un scénario en tête. Pour l'écriture de votre histoire, il s'agit tout d'abord d'identifier le type de récit que vous allez conter. On ne travaillera pas de la même façon sur une histoire de personnages ou une histoire d'évenements.
Tout ça pour ça ?, réalisé par Erykyu/WhatTheBlock.
À ce sujet il me paraît indispensable de vous parler d'un élément central : le quotient MIPE. Il existe quatre grands éléments constitutifs d'une histoire : Milieu, Idée, Personnage et Êvenement. Parmi tous ces éléments, il y en a toujours un qui prend le pas sur les autres. Tous doivent être présents, mais l'un d'eux définira l'axe principal de votre création. Cet outil ne vous aidera pas à créer votre histoire mais il vous permettra de savoir quoi appuyer dans le scénario, quoi mettre de côté, il vous donnera une vue critique de votre travail pour ainsi aller plus loin que la simple ébauche écrite un soir d'hiver pendant un repas de famille ennuyeux. Voici les quatres éléments constitutifs d'un récit :
- Milieu : Le mileu, c'est la planète, la ou les contrées, le pays, où se déroule l'action. Il est généralement relégué au second voir troisième plan de votre histoire. Toutefois certains récits placent le mileu au centre, comme, par exemple, dans Les Voyages de Gulliver, le monde qui entoure Gulliver est le véritable sujet de l'histoire. Sa découverte et son exploration fournissent la plus grande part de l'interêt du récit.
- Idée : L'idée est déjà plus complexe à cerner. Elle est très importante dans les romans ou les séries policières dans lesquelles les protagonistes mènent l'enquête pour trouver le malfaiteur. De fait, Sherlock Holmes illustre à merveille un récit où l'Idée est au centre de l'histoire. Les histoires d'idées parlent du processus qui mène à la découverte pour se conclure par la résolution de l'énigme, du mystère.
- Personnage : Les personnages sont toujours importants dans une histoire, toutefois, il peut arriver que l'histoire n'existe que par et pour eux. Peu d'histoires parlent véritablement du caractère du ou de plusieurs personnages, c'est-à-dire que peu d'entre elles nous disent véritablement qui sont les personnages. Le plus souvent, les personnages sont les porteurs de flambeau, ils sont le prétexte de l'action et n'ont donc qu'un rôle de témoin. Parfois, comme dans le jeu-vidéo Walking Dead, les protagonistes et leurs ressentis, leurs peurs et leurs angoisses, sont au centre du récit au point où ce dernier n'existerait presque que pour les personnages.
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Evènement : Dans les histoires d'évènements, il y a toujours une crise qui vient chambouler l'ordre des choses. Cela peut être par exemple l'apparition d'un monstre (comme Beowulf) ou alors par un danger qui renaîtrait de ses cendres (Sauron) comme dans Le Seigneur des Anneaux.
Vous devez donc clairement définir quel est le sujet de votre histoire pour axer votre réflexion. L'élément dominant est tout simplement celui qui vous importe le plus.
Maintenant que vous avez le sujet de votre histoire, que vous savez où vous orienter et sur quoi insister, il va falloir la construire. Une histoire, ce n'est pas n'importe quoi, elle a une structure. Je peux vous proposer le schéma simpliste suivant, qui résume bien la structure d'une histoire et qui fonctionne à peu près toujours :
Comme nous l'avions dit précédemment, une histoire doit avoir une base solide, des fondations ! Il n'est cependant pas question de construire une cage, en aucun cas. Une histoire a forcément un début (A), un point d'origine du récit. Il est caractérisé par la première seconde de votre premier épisode. C'est le début de l'action que vous contez. Cela ne veut pas dire, et ce n'est d'ailleurs preque jamais le cas, que c'est l'origine de toute chose. D'où la présence d'un A' qui représente lui ce qui pourrait s'être déroulé avant le début de votre récit. Il n'est pas toujours utile, vous pouvez vous en passer, tout dépend du type d'histoire que vous avez choisi. Il y a inévitablement la fin (Z) du récit, la conclusion, le final. Mais également, comme pour le début, un Z' correspondant à une suite probable. Le A' et le Z' sont optionnels mais il peut être intéressant de les étudier selon ce que vous souhaitez, par exemple faire une préquelle, d'où l'intérêt d'avoir un A' developpé, ou une suite (Z') ; cela c'est à vous de voir.
Une histoire est également marquée par une crise, un élément perturbateur, venant perturber l'ordre établi et donnant le sujet de l'histoire. Dans un récit d'événement par exemple cela peut être la mort du roi, et donc un combat de succession au sein du royaume (cf. GoT). Cette crise est assez proche du début (A) sans pour autant y être collé. En effet, avant que la crise ne survienne, il est préférable de faire comprendre l'ordre déjà en place. Toutefois quelques exceptions peuvent être intéressantes. Pour parler Machinima Minecraft, Craft For Life nous plonge directement dans une crise, une tempête et le bateau qui échoue, pour ensuite poser un développement, ou plus récement, StarCube : Galaxy nous met face à une crise immédiate, celle du passage du portail dès les premières scènes de la série. Cependant, si la crise survient dès le début, c'est qu'il s'agit d'un contrepied. C'est à dire que le réalisateur a placé une crise fantoche, un élément perturbateur qui est intéressant dès le début, car il permet de mettre directement le spectateur dans l'action et l'invite donc à rentrer dans l'univers de l'auteur plus promptement, puisqu'il ne sait rien sur ce qu'il y avait avant.
Scène de Resistance, réalisé par Draksider.
Devant chaque série, livre, film, le spectateur redevient enfant. Il redécouvre un nouvel univers et doit donc tout réapprendre. Le chambouler dès le début avec une crise immédiate peut être une très bonne idée, bien que dangereuse car tenant beaucoup du coup de poker, pour faire entrer les gens dans notre monde en les poussant à oublier tout ce qu'ils savaient avant. Il est impossible d'apprendre quoi que ce soit à quelqu'un qui sait, ou, le plus souvent, pense tout savoir. Aussi, la crise immédiate a ses atouts. Toutefois elle a aussi ses défauts. Si elle permet d'entrer directement dans l'histoire, elle crée cependant un recul entre les personnages et le spectateur. Il deviendra alors plus dur pour le viewer de s'identifier, car il ne connaîtra pas du tout les protagonistes au début. De fait, si vous optez pour une crise immédiate, ne placez pas l'intrigue de votre histoire tout de suite, continuez sur votre lancée du contrepied et proposez une pseudo-intrigue passagère, ce qui permettra encore une fois de surprendre lorsque la véritable intrigue s'installera. Bien menée, une crise est un élément permettant à l'action de se renforcer. Mal amenée, elle ébranlera toutes vos fondations, et remonter la pente sera ardu.
Une histoire possède certes une fin (Z), mais cette fin n'existe pas sans un objectif (O). Les deux sont intimement liés, mais néanmoins différents. Une fin pourrait être la sauvegarde du royaume, tandis que l'objectif être la pendaison du roi félon ayant pris le contrôle du royaume par la force. Ce n'est pas exactement la même chose. L'objectif est en quelque sorte un moyen de parvenir à ses fins. Il doit être proche de la fin, mais il ne sont une fois encore pas nécessairement collés. Comme dans le dernier tome de L'Heritage (Paolini), où l'objectif est atteint et où pourtant le livre se termine 100 pages après. À vous de bien doser et de voir la fin que vous voulez créer : une happy end, une mort honorable, un sacrifice, l'échec, un mélange de tout cela ?
Personnages principaux de StarCube : Galaxy, Ben et John au centre.
En plus de ces différents éléments, je suis partisan des points clés (P, P', P'', …). C'est une théorie qui veut qu'une histoire puisse être changée au fur et à mesure que vous avancez dans son écriture. Il est tout à fait possible que le déroulement que vous aviez prévu au début vous paraisse moins intéressant qu'une nouvelle idée qui vous est venue à l'instant. Comme je l'ai dit précédemment, une histoire est vivante, il est donc normal qu'elle change. Mais pour éviter qu'elle soit dénaturée je vous conseille de placer des points clés. Ce sont des éléments que vous caractériserez d'importants pour l'histoire. C'est comme si vous faisiez un voyage de la France vers l'Estonie à pied et que vous définissiez sur une carte des points d'arrêt pour la nuit. Ce sont des endroits par lesquels vous passerez forcément, des checkpoints, mais qui ne vous empêchent pas de faire un détour par tel ou tel village car vous avez entendu la veille qu'il était magnifique. Les points clés sont des étapes obligatoires, mais elles ne définissent pas le trajet complet de votre histoire. De plus, je pense qu'il ne faut pas fixer trop de points clés. À vous de juger si vous préferez vous laisser plus ou moins libre de changer certaines scènes. Si vous réalisez une web-série en plusieurs saisons, les points clés peuvent être les scènes finales des saisons, par exemple. Mais c'est à vous de voir, tout dépend de votre méthode de travail et du type d'histoire.
Pour finir, commencez tout simplement par définir votre schéma et n'hésitez pas à être original une fois de plus. Le schéma plus haut est un croquis simplifié et il est tout à fait possible de le modifier ! Commencer une histoire n'est jamais simple et il est nécessaire de se poser les bonnes questions. Qui ? Où ? Quand ? Pourquoi ? Ces questions vous premettrons de définir quel est le type de votre histoire (rappel : quotient MIPE) mais elles vous donneront aussi un ou plusieurs chemins à emprunter pour raconter votre histoire. La suite ne dépend que de vous, de vos compétences et surtout de votre imagination (encore et toujours).
Rendez-vous très prochainement pour la suite de cette réflexion sur la scénarisation et la réalisation de machinimas qui traitera la prochaine fois de la différence entre la science-fiction et la fantasy.
À suivre.