Au moment de sa sortie, Hellblade premier du nom a réussi à marquer la presse et les joueurs, grâce à un parti-pris qui a du être un sacré casse-tête à mettre en place : l'envie de vous faire ressentir l'enfer personnel de son personnage principal, grâce au son et aux images. Pour cela, Ninja Theory à consulter des spécialistes en psychologie et a mis le paquet sur l'audio, afin de faire vriller le cerveau des joueurs. Huit ans plus tard, NT revient avec les mêmes promesses, mais avec de plus grandes ambitions et un nouveau moteur, l'Unreal Engine 5. On est allé au bout de la saga de Senua, voici notre avis sur cette superproduction de l'écurie Xbox attendue depuis presque 5 ans.
- Genre : Aventure
- Date de sortie : 21/05/2024
- Plateforme : Xbox, PC
- Développeur : Ninja Theory
- Éditeur : Microsoft
- Prix : 49,99€ (uniquement en dématérialisé)
- Testé sur : Xbox
Mind game
Quelques temps après les événements du premier jeu, Senua se laisse capturer par le peuple qui a réduit son village à feu et à sang. En infiltrant les terres de l'ennemi, la jeune femme va être mise face à de nouvelles épreuves et à de nouvelles responsabilités. Ce nouveau voyage la mettra sur les trace des géants, des entités magiques tourmentant les peuples du continent. Comme dans Sacrifice, la psyché de Senua est d'une importance capitale dans la narration, puisque cette dernière est capable d'entendre en permanence les petites voix qui lui trottent dans la tête, voix qui tour à tour lui tendront des pièges ou l'épauleront dans de nombreuses situations.
Un point de vue très intéressant qui permet à Ninja Theory de se lâcher sur la mise en scène, avec une histoire racontée à travers les yeux et l'esprit de son héroïne : c'était déjà l'une des forces du premier épisode et rebelote pour cette suite, qui pousse évidemment le bouchon encore plus loin, avec sa réalisation d'une qualité quasi-inédite à base d'Unreal Engine 5. Bouclé en 6h30 en ligne droite, Senua's Saga est avant tout une expérience, une aventure narrative, entrecoupée de quelques moments gameplay (pas franchement convaincants, comme nous le verrons plus loin). Malgré cette durée de vie restreinte (normale pour un jeu du genre), il lui arrive encore de trop tirer certaines scènes en longueur, avec des plans rallongés à l'extrême, le temps que tous les personnages aient fini de balancer ce qu'ils ont à dire.
Tout ça pour finalement rusher sa conclusion dans les derniers chapitres : en résulte un rythme vraiment étrange, qui laisse un goût d'inachevé en bouche, une fois les crédits atteints. Il y a tout de même quelques séquences de jeu qui parviennent à faire mouche, mais celles-ci sont tellement rares, que l'on va éviter de vous en dévoiler la teneur ici. Finalement, l'aventure est portée à bouts de bras par Senua, un personnage aussi torturé que réussi, que ce soit au niveau de son écriture ou de sa réalisation, heureusement qu'elle est là !
Sceau dans l'inconnu
Entre toutes les belles séquences cinématiques en MoCap et les longues marches dans les splendides paysages scandinaves, il y a aussi un peu de gameplay, le temps de segments qui vont vous demander davantage d'investissement que de simplement pousser votre stick vers le haut. Commençons par les combats, "améliorés" depuis le premier jeu, mais alors vraiment par petites touches, surtout visuelles. Les affrontements se font toujours cible par cible, dans des arènes bien délimitées et un set d'actions qui repend celui du premier jeu : coup fort, coup faible, parade, esquive et le fameux sceau de Senua qui gèle le cours du temps. La seule variable dans tout ça, c'est l'ennemi que vous allez avoir face à vous, mais bon, en tout et pour tout il doit y en avoir 4 sur l'intégralité des 6 chapitres.
Les améliorations susmentionnées concernent surtout la mise en scène, avec des ennemis qui s'intègrent naturellement au combat et n'attendent plus leur tour comme dans le premier. C'est franchement trop léger et s'ils impressionnent au départ par leur réalisme, l'ensemble manque franchement de profondeur et d'intérêt. Côté puzzles, le jeu n'est guère mieux loti, avec des énigmes très rares, mais à l'intérêt ludique si bas qu'elles arrivent tout de même à frustrer. Comme dans Sacrifice, la jeune femme devra analyser des sigles en zoomant avec une gâchette et devra participer à de multiples jeux de piste qui font intervenir ces mécanismes. Sur le papier, pas de soucis, d'autant que certaines "énigmes" ont vraiment un sens et apportent à la narration, mais en pratique, aïe aïe aïe... Ce n'est juste pas amusant à prendre en mains et à compléter.
Et c'est un peu comme si le jeu était conscient de lui-même, puisqu'une fois entré dans le dernier tiers de l'aventure, les puzzles et tout ce qui va avec, c'est finito : on le répète, Senua's Saga se finit abruptement, avec des chapitres finaux qui font, combinés, la durée de l'acte le plus long et garni en gameplay du jeu. Bref, ça ne marche pas du tout et, comme on le disait plus haut, même si la dernière production de Ninja Theory a tout de même quelques chouettes moments dans sa besace, il faut avant tout y aller pour son histoire et sa narration, pas pour son gameplay.
Technoviking
Un peu comme The Order 1886 ou encore Ryse Son of Rome en leurs temps, Helbblade 2 donne constamment l'impression d'être une démo technique de son moteur, ici l'Unreal Engine 5. Le résultat est tout simplement bluffant, avec des personnages animés à la perfection et des expressions faciales confondantes de réalisme, au service d'une mise en scène qui, on l'a dit, est l'une des principales forces de cette suite. Il faut y aller pour trouver quoi que ce soit à redire sur le plan visuel au sujet de Senua's Saga, mais si l'on veut chipoter : les quelques effets de flamme et d'éclaboussures jurent avec le reste qui est d'un photoréalisme parfois troublant.
Les équipes de Ninja Theory contiennent des artistes de grand talent et ça se ressent en permanence au cours de la poignée de chapitres de l'histoire. On recommande d'y jouer au casque, pour profiter à fond du rendu binaural offert par sa bande-son si particulière, censée imager l'enfer intérieur que vit son héroïne. Une plastique inattaquable, au service d'une histoire sympa, narrée avec grande classe, pour ce qui est surement l'un des plus beaux jeux nouvelle génération, à défaut d'être l'un des plus intéressants.