Baldur's Gate est un des piliers du genre CRPG de la fin des années 90, proposer une suite est un projet à la fois difficile et ambitieux. Mais il faut reconnaître et les deux jeux précédents de Larian studios, Divinity Original Sin 1 et 2, nous avaient donné de bonnes raisons d'être optimistes, puisqu'ils ont vraiment marqué aussi la décennie précédente dans le genre. Mais on peut annoncer que Baldur's Gate 3 est d'une toute autre ampleur.
- Genre : RPG, Tour par tour
- Date de sortie : 3 août 2023 (PC), 6 septembre 2023 (PS5)
- Plateformes : PC, PS5
- Développeur : Larian Studios
- Éditeur : Larian Studios
- Prix : 59,99€
- Testé sur : PC
Enfin un vrai RPG triple A ?
Un constat qui peut être fait sur pas mal de RPG occidentaux "à l'ancienne" comme les jeux mentionnés plus haut, mais aussi sur Pathfinder et Pillars of Eternity, est qu'ils sont un peu trop sobres, voire austères, avec leur vue isométrique, des graphismes qui n'ont pas tant évolué que ça au fil des ans et les centaines de pavés de texte servant de dialogues. Chose surprenante, pour un jeu issu d'un studio indépendant, Baldur's Gate 3 a eu droit a des moyens quasiment similaires à d'autres gros titres du genre Action RPG, qui ont marqué les esprits ces dernières années : The Witcher 3, Mass Effect ou Final Fantasy 7. Il a droit à des graphismes très soignés, en particulier au niveau des visages et des expressions des personnages. C'est globalement très beau.
Même le plus oubliable des PNJ s'avère être un interlocuteur convaincant et expressif, et tous les dialogues en dehors de ceux du protagoniste sont doublés en anglais. Cette exception peut troubler, mais elle est compréhensible, vu le champ des possibilités, en termes de création de personnage, et le nombre de réponses possibles. Il faut dire qu'on n'incarne pas Geralt de Riv, ni le Commandant Shepard, et en contrepartie, cela accélère le rythme des échanges. De son côté, la narratrice s'avère aussi très convaincante, et ses remarques aident à suivre d'autant mieux l'action, ce qui ajoute un petit côté jeu sur table en compagnie du maître de jeu, loin d'être déplaisant.
En parallèle, Baldur's Gate 3 est aussi riche en cinématiques, en cutscenes du plus bel effet réalisées avec le moteur de jeu, et d'animations de combat. On est loin des animations simplistes et des images fixes avec un texte qui défile, comme on en a pris l'habitude dans le genre RPG. Les décors sont plaisants, les effets visuels sont aussi de bonne qualité. Mentionnons aussi les jeux d'ombre et de lumière, qui enrichissent même le gameplay lors des phases d'infiltration, et des effets de sorts très réussi. Ce n'est pas toujours parfait, mais c'est globalement très beau, surtout avec une bonne machine. La bande-son ne dépareille pas non plus, avec des musiques mémorables pour accompagner vos aventures.
En résumé, la réalisation est de grande qualité, et Baldur's Gate 3 n'a clairement pas à rougir à côté des plus gros titres du moment, même s'il n'est pas nécessairement aussi spectaculaire. On déplore néanmoins encore pas mal de bugs, et des crashes occasionnels, malgré les 3 ans d'accès anticipé, ce qui est aussi similaire aux autres titres à gros budget du milieu, c'est cohérent quelque part !
Mon nom est Tav
Le cœur d'un RPG est évidemment l'histoire, et elle a droit à une attention toute particulière dans Baldur's Gate 3. Elle se déroule une assez longue période après les premiers jeux de la saga, avec une majorité de nouveaux personnages et une intrigue propre. Il n'y a pas besoin d'avoir fait les titres précédents pour suivre l'intrigue, même si cela peut aider, tout comme la connaissance du lore des Royaumes oubliés. On débute l'aventure en créant son protagoniste. Vous pouvez sélectionner un personnage d'origine, avec une apparence, une classe et une histoire qui lui est propre, ou alors, créer de toutes pièces quelqu'un d'unique, comme un gnome barde aux cheveux roses. Par défaut, les personnages d'origine non-sélectionnés deviendront des compagnons d'aventure hauts en couleur, mais vous êtes aussi libres de recruter des mercenaires quelconques, ou de jouer en coopératif avec d'autres êtres humains, pour une expérience plus proche du jeu sur table, même si l'histoire et les interactions entre personnages vont forcément en pâtir.
La création de personnage est très riche, et on retrouve toutes les options offertes par le livre de règles de base de Donjons & Dragons 5e édition, et même un peu plus, avec 11 races, 12 classes, 46 sous-classes, des dizaines de dons et des centaines de sorts. On retrouve les incontournables choix d'une race, d'une classe, de ses origines, et de son sexe, y compris de son apparence. Ce n'est pas une plaisanterie, comme Cyberpunk 2077 à l'époque, mais les déceptions en moins.
Le ton est donné avant la fin de la période de remboursement, Baldur's Gate 3 est clairement un jeu pour adulte. Sang, torture, violence et sexe seront au rendez-vous si vous le souhaitez, avec des options extrêmement exotiques si vous décidez de vous aventurer par-là. Oubliez les relations homosexuelles, voire interraciales, Baldur's Gate 3 risque de vous faire découvrir de nouveaux horizons si vous y consentez, avec des scènes assez explicites. Heureusement, le jeu vous donne toujours l'opportunité de faire machine arrière si vous sortez par erreur de votre zone de confort.
You must gather your party before venturing forth.
Une fois votre personnage prêt, l'aventure commence à bord d'un nautiloïde, un vaisseau volant des flagelleurs mentaux. Mais les choses ne vont pas fort, puisqu'une larve Illithid vient de vous pénétrer l’œil, afin de vous manger le cerveau d'ici quelques jours. Profitant d'une attaque menée par des chevaucheurs de dragons, vous parvenez à vous échapper, avec quelques autres malheureux. On ne va pas vous spoiler l'histoire, mais sachez qu'elle est longue, riche, et pleine de rebondissements. Elle a son lot de surprises, et de personnages au caractère bien trempé. Le plus étonnant est la liberté d'action qui nous est offerte pour saboter le scénario, en s'alliant avec l'ennemi et/ou en tuant tout le monde. Ce n'est pas un jeu bac à sable, mais on a immédiatement envie de charger une sauvegarde, voire carrément de lancer une nouvelle partie, pour voir ou peuvent nous mener certaines décisions, et tout ça, c'est vraiment très bon. Baldur's Gate 3 est terriblement long, mais on a malgré tout envie de le refaire plusieurs fois.
Les compagnons d'infortune qui vous rejoignent sont très charismatiques, et il s'avère difficile de rester complétement indifférent, dans un sens ou l'autre. Les étincelles ne vont pas tarder à voler, et les relations entre les personnages du groupe vont rapidement se révéler importantes. En parallèle de l'intrigue principale, vous êtes libres de les traiter comme vous l'entendez. Les tuer est souvent possible si vous ne pouvez vraiment pas les encadrer, vous pouvez aussi les aider (ou non) à résoudre leurs problèmes personnels, ce qui mène à différents développements, allant de l'amour à la haine, en passant par la simple relation charnelle.
C'est aussi représentatif du reste du jeu. Toutes les situations que vous allez rencontrer peuvent être résolues de nombreuses façons, mais c'est particulièrement vrai pour les dialogues : persuasion, intimidation, vol à la tire, le choix d'un bon argument, ou le langage universel, la violence, sont disponibles. Les développeurs se sont aussi fait plaisir, en intégrant de nombreuses réponses exclusives à certaines races/classes/spécialisation, ce qui donne vraiment une touche unique à votre aventure. Pouvoir choisir de hurler très fort pour intimider un ogre, ou briser ses chaines avec ses gros muscles en jouant Barbare, est radicalement différent du Magicien "Hermione-je-sais-tout", et cela contribue aussi grandement à la rejouabilité.
Il est vraiment satisfaisant de pouvoir orienter chaque rencontre dans de nombreuses directions, ce qui s'avère souvent très drôle en prime. Signalons au passage que Larian Studios nous a fait la faveur d'avoir bien pensé l'interface des dialogues, avec la possibilité d'activer différents sorts et bonus susceptibles de vous aider. Cela réduit le besoin de faire appel à la fâcheuse habitude dont sont coupables trop de joueurs : charger la partie en cas d'échec, ou pour lancer les sorts avant d'entamer la conversation. Échouer mène parfois à des situations plus intéressantes ou du moins amusantes, dans certains cas. Notre gros regret, est qu'il est impossible de choisir le personnage le plus compétent avant de lancer le fameux dé à 20 faces une fois que le dialogue est entamé. On aurait préféré une option de dialogue de groupe comme dans Solasta.
On s'en donne dans tous les cas à cœur joie, et les situations insolites s'enchaînent, que cela soit pour donner un coup de pied à un écureuil teigneux, ou éviter un combat contre un dragon et toute une escouade de soldats à bas niveaux. On ne pense pas avoir jamais eu droit à une telle liberté dans un RPG, ce qui, une fois de plus, donne un aperçu des solutions variées et incongrues que les joueurs pourraient proposer lors d'une partie de jeu de rôle sur table. C'est quasiment du jamais-vu, et on ne peut qu'apprécier, tout en anticipant sa prochaine partie, durant laquelle on compte jouer d'une façon totalement différente.
L'exploration de la carte et des donjons n'ont pas à rougir non plus de leur côté. Et si on n'est pas dans un sandbox, les options sont aussi larges que variées, une fois de plus. On retrouve d’ailleurs la pâte de Larian, dans pas mal de situations, qui font assez fortement penser à Divinity Original Sin 1 et 2, surtout lorsqu'on utilise les mécanismes physiques du jeu pour créer sa propre solution, par exemple, en posant une caisse sur un piège ou en jouant avec les effets au sol. On se construit une tour à base de caisses pour atteindre le sommet d'un bâtiment, certaines substances sont inflammables, des tonneaux explosent, on balance les ennemis dans le vide.
Heureusement, cela reste bien moins prévalent que dans les jeux précédents du studio, et on peut progresser en utilisant les outils spécifiques à D&D : saut, main de mage à distance, invisibilité, téléportation, voire carrément le vol libre, pour ignorer complètement le terrain. Avec un peu d'inventivité, il est possible de franchir un obstacle comme vous l'entendez.
Réussite critique
Jouer sur la diplomatie n'est pas toujours possible et tôt ou tard, il est temps de faire parler l'acier et la magie. Les araignées géantes et les morts-vivants n'étant que peu sensibles aux jets de persuasion. Quant à la furtivité, elle permet d'éviter beaucoup de combats, ou de commencer dans une position favorable, par exemple en se positionnant sur les toits, puis en disant "coucou" en projetant une boule de feu au milieu du groupe adverse. Les combats restent une partie centrale de l'aventure. Baldur's Gate adapte le système de combat de Donjons & Dragons 5e édition aussi, qui a le mérite d'être relativement simple et intuitif, tout en offrant pas mal de possibilités d'action au joueur. Cela peut fâcher les fans les plus invétérés de la licence, mais cela implique des combats au tour par tour, alors que les vieux titres étaient en temps réel avec une pause active. Préférer l'un ou l'autre est une question de goûts, mais il faut reconnaître que le nouveau système est à la fois plus facile à adapter, et bien plus tactique. Le repenser entièrement pour le temps réel aurait été difficile.
Avec les nouvelles règles, les personnages ont droit à une certaine distance de mouvement, et à une attaque ou un sort. On peut y ajouter des actions bonus ou gratuites selon les cas, ainsi que des réactions ce qui complexifie les choses sur papier, mais l'avantage d'un jeu vidéo est qu'il traite tout cela pour vous. Le rythme de jeu est inférieur au temps réel, mais il n'est pas non plus désastreux, surtout avec les tours groupés des petits ennemis. Les batailles interminables contre toute une armée de gobelins sont à présent beaucoup plus dynamiques.
Même sans être un expert des règles et des mécanismes de jeu, les combats sont assez vite pris en main, et ils sont intuitifs si vous avez déjà fait des jeux tactiques au tour par tour. Les approches possibles sont aussi larges que variées en fonction de la composition de votre groupe, qui peut comprendre jusqu'à 4 personnages. C'est un des petits regrets qu'on peut avoir, par rapport aux anciens titres, qui en autorisaient 6, surtout quand on a envie de se trimbaler tous les compagnons et la majorité des classes.
Les combats ne sont pas superficiels pour autant, et les tacticiens dans l'âme disposent de nombreux outils pour prendre le dessus. Que cela soit le positionnement sur le terrain, les conditions d'engagement du combat, l'usage des bons sorts et consommables, ou l'optimisation de leurs personnages, vous ne manquez pas d'options dans ce domaine non plus. La 5e édition des règles du jeu s'avère aussi assez intuitive dans la façon dont on construit et fait évoluer ses personnages. Ce n'est pas Pathfinder ni Neverwinter Nights, les novices ne devraient pas avoir envie de s'ouvrir les veines à chaque gain de niveau. Les trois modes de difficulté disponibles aident aussi à moduler l'expérience de jeu. Ils donnent davantage l'impression de changer de maître de jeu, et d'en avoir un sympa, ou au contraire cruel, lors des combats et des jets de dés, plutôt que de simplement réduire ou augmenter la vie et les dégâts de vos adversaires.
Le jeu des possibilités
On ne peut pas dire que Baldur's Gate 3 soit un jeu en monde ouvert. Même si les zones sont assez nombreuses, grandes, et riches en contenu, elles sont bien distinctes les unes des autres, avec des transitions effectuées à des points précis, comme Baldur's Gate 2. Il y a néanmoins des régions entières à explorer, avec leurs quêtes, villages et donjons qui n'ont que très peu de liens avec l'histoire principale. Les développeurs ne sont néanmoins pas passés à côté de l'opportunité d'interconnecter tout ça. Faire un détour par la région souterraine qu'est l'Outreterre est à la fois fantastique et satisfaisant. Il est amusant de découvrir tous les moyens d'entrer et de sortir de ce royaume ténébreux. Bien entendu, la perle de la Côte des épées, la région dans laquelle le gros de l'aventure se déroule est la Porte de Baldur. C'est émouvant de revisiter cette cité iconique, à présent en 3D, qui a été modélisée d'un bloc cette fois. Les fans d'exploration et d'intrigues ne sauront plus où donner de la tête. Et pourtant, ce n'est qu'une petite partie des régions disponibles au total.
La progression dans l'histoire et dans les quêtes majeure est elle aussi incroyablement libre, mais aussi naturelle. Au risque de radoter, on a presque l'impression que le jeu accepte de nous suivre lorsqu'on prend une décision improbable, voire contreproductive en apparence, même si cela nous amène à commettre des actes innommables. Et même si on change d'avis au milieu d'un massacre, l'histoire se poursuit, tout en tenant compte de ces éléments. Cela peut donner une direction très différente à la suite des événements. En prenant tout cela en compte, avec les personnages jouables, les compagnons, et une aventure qui s'avère massive, la durée de vie crève le plafond, et les fins possibles sont quasiment innombrables. En prime, vous pouvez vivre cette aventure en solo, mais aussi en coopératif avec des amis. Nous n'avons malheureusement pas eu le temps de tester de toute explorer dans le cadre de ce test, et on n'a fait que gratter la surface en vérité. Il faudra probablement des mois, voire des années, avant de pouvoir sérieusement considérer avoir sérieusement exploré la majorité de ce que Baldur's Gate 3 a à offrir.
Mais...
Sur le fond, Baldur's Gate 3 est quasiment parfait, en termes de qualité et de quantité du contenu. Malheureusement, il faut tout de même déplorer quelques accrocs majeurs, malgré les 3 années passées en accès anticipé. On irait même jusqu'à dire qu'il est vraiment décevant que Larian Studios n'aient pas dédié d'avantage d'efforts pour améliorer l'interface utilisateur. C'est incontestablement le gros point faible du jeu. Celle des jets de dés durant les dialogues est excellente, mais l'inventaire est cataclysmique. On a juste droit à un bouton pour trier les objets de différentes manières, et une poignée de sacs pour organiser nous-même les milliers d'objets ramassés en cours de route. Malgré le temps passé et nos efforts pour envoyer tout cela dans le coffre de camp et sur la mule du groupe, notre protagoniste se retrouve toujours affecté par le syndrome de la surcharge chronique.
De son côté, l'interface de combat a été améliorée par rapport à Divinity, mais elle reste loin d'être satisfaisante. La gestion des déplacements est assez pénible aussi, avec le jeu qui ne se met pas en pause, et des compagnons stupides qui marchent sur les pièges qui ont pourtant été détectés, alors que ces options sont présentes dans presque tous les jeux du genre depuis des années. Ils ont aussi tendance à se coincer sans bonnes raisons dès qu'il y a des différences d'élévation.
Mentionnons aussi les tooltips de description des objets qui ne nous apprennent rien, tout comme la description des races et classes, dont on ignore tout de la progression au fil des niveaux. Même le petit indépendant sorti directement qu'est Solasta a fait bien mieux que Baldur's Gate 3 dans ce domaine sans nous faire attendre aussi longtemps. Même si nous sommes heureux de voir Baldur's Gate 3 toucher un plus grand public sans renier ses racines, on aurait certainement pu se passer de l'opacité des mécanismes des vieux titres et de son pathfinding rageant.
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