Si l'idée de double réalité remonte à 2012 et que The Medium était initialement prévu pour sortir sur Wii U, Xbox 360 et PS3, ce n'est que près de 9 ans plus tard que le projet se concrétise et que le jeu sort finalement sur PC et en exclusivité console sur Xbox Series. Également disponible via le Xbox Game Pass Ultimate, celui-ci s'avère être le titre le plus ambitieux du studio polonais Bloober Team spécialisé dans les thrillers psychologiques et horrifiques à qui l'on doit déjà Observer, Layers of Fear, ou encore Blair Witch. Développé avec le soutien du Creative Media Program de l'Union Européenne, The Medium nous met donc aux commandes d'une jeune femme prénommée Marianne dotée de capacités surnaturelles et qui va devoir découvrir les terribles secrets qui se cachent derrière un hôtel abandonné au lourd passé, tout en faisant face à une entité maléfique qui veut sa peau, au sens propre du terme.
- Genre : aventure horrifique
- Date de sortie : 28 janvier 2021
- Plateforme : PC, Xbox Series
- Développeur : Bloober Team
- Éditeur : Bloober Team
- Prix : 49,99 €
- Testé sur : PC
Tout commence par la mort d'une petite fille...
"Tout commence par la mort d'une petite fille", ce sont les premiers mots de Marianne qui va nous conter son histoire. Depuis sa plus tendre enfance, elle n'a en effet de cesse de faire un rêve criant de vérité où une petite fille se fait abattre sur un ponton. L'histoire qui nous intéresse ici et qui l'a amené là où elle en est aujourd'hui prend son envol au moment où elle doit rentrer pour les obsèques de son père adoptif, Jack Orkan. Celui-ci vivait au-dessus du funérarium The Last Goodbye dont il était le gérant. C'est là que Marianne a grandi après avoir été adoptée. Et contrairement aux autres familles d'accueil pour qui ses pouvoirs étaient une malédiction, Jack a toujours considéré ceux-ci comme un don.
Marianne a été brûlée à 35% étant enfant et est passée par la case réanimation, cela explique peut-être qu'elle puisse entrevoir le monde des esprits qui côtoie le monde réel et dans lequel certaines âmes se retrouvent coincées avant de pouvoir rejoindre l'au-delà. Capable de passer d'un monde à l'autre, Marianne peut les aider à retrouver la paix intérieure et à franchir le cap. Alors que Bill Clinton est président des États-Unis et que l'on fête les 10 ans de la chute du Mur de Berlin, en ce mois de novembre 1999, Marianne prépare Jack pour son dernier voyage, mais va aussi être amenée à croiser son âme dans le monde spirituel pour lui faire un dernier adieu chargé en émotion.
Si elle voit le monde divisé en 2 réalités, elle ne semble toutefois pas être la seule. Un homme, dénommé Thomas, la contacte en effet par téléphone. Il dit savoir qui elle est et être en mesure de lui apporter les réponses qu'elle a toujours cherchées. Il lui donne donc rendez-vous à la station balnéaire abandonnée de Niwa, à Cracovie, en lui demandant de faire vite, car la lumière est presque éteinte, mais elle peut encore la raviver. Malgré l'étrangeté des propos tenus par cet inconnu, elle suit son intuition et se rend donc à cette ancienne station de villégiature socialiste où un massacre a été perpétré et où la légende urbaine veut que les ouvriers du centre de vacances gouvernemental inauguré en 1969 par le Premier secrétaire du Parti se soient transformés en psychopathes sous l'emprise d'une malédiction ancestrale.
En dépit du passé funeste du lieu et du fait que celui-ci ait été condamné, Marianne s'y rend, bien déterminée à trouver Thomas et à obtenir les réponses qu'il lui a promise. Mais c'est Tristesse qu'elle commencera par rencontrer dans les couloirs de l'hôtel, l'âme d'une petite fille errant dans le monde spirituel qui se languit de ses amis et qui aimerait bien que Marianne joue avec elle pour tuer son ennui. Tout en fouillant l'hôtel, celle-ci va chercher à lui venir en aide, mais il se pourrait bien que Tristesse puisse aussi lui prêter main forte, surtout qu'à défaut de trouver des réponses, Marianne va surtout soulever de nouvelles interrogations. De lourds secrets sont enfermés à Niwa, et la présence de The Maw, un monstre vorace obsédé par revêtir la peau de Marianne, n'augure rien de bon ni de bien sain. Mais comment pourrait-il en être autrement, sachant que tout commence par la mort d'une petite fille ?
Good Morning Cracow
Compte tenu du contexte présenté ici, on comprend bien que Niwa est au cœur de The Medium. Pour construire celui-ci, Bloober Team a utilisé un véritable hôtel du centre de Cracovie, l'hôtel Cracovia. De même, l'appartement de Jack, où nous commençons le jeu, s'inspire d'un appartement existant lui aussi réellement à Cracovie et que l'on a d'ailleurs déjà pu apercevoir dans Observer, en version 2084. Dans les deux cas, il a fallu se rendre sur place pour faire des repérages ensuite utilisés pour concevoir les lieux. De même, pour les animations, le studio a fait appel au motion capture. Et le résultat est là, les cinématiques sont réussies et les lieux visités, tout au moins ceux du monde matériel, se révèlent criants de vérité, surtout grâce au partenariat mis en place avec Nvidia qui permet au jeu de bénéficier du Ray Tracing en temps réel et du DLSS. Certains plans sont vraiment magnifiques et rehaussés par d'efficaces effets de reflets et autres jeux de lumière. Notons que l'on peut également opter ou non pour l'exploitation de DirectX 12 au lancement du jeu.
Malgré quelques artefacts et autres textures clignotantes, les graphismes s'avèrent donc dans la globalité de haut niveau. De même, les séquences se déroulant dans la psyché des personnages sont particulièrement inspirées et réussies. On regrette en revanche que l'usage du flou soit aussi omniprésent. Appliquer celui-ci au premier plan et/ou sur les arrière-plans peut toutefois donner à certaines scènes un style graphique vraiment réussi que l'on salue par ailleurs. Mais c'est une autre histoire lorsqu'on les retrouve au mauvais endroit ou qu'ils restent présents un peu trop longtemps, surtout pour les auras encerclant l'écran dont on a du mal à saisir l'utilité, et qui floutent de fait les personnages ou d'autres éléments importants du décor. De même, l'animation de notre avatar semble quelque peu datée et s'avère même plutôt ratée lorsqu'il s'agit de courir. Notons tout de même que les courses-poursuites, où l'on troque le petit trot ridicule du personnage contre un véritable pas de course sont, par contre, bien réalisées. L'une d'entre elles, où l'on bascule alternativement du monde matériel au monde spirituel, se révèle même être une véritable réussite.
Le contrôle du personnage peut être parfois assez délicat et peu intuitif du fait que le choix a été fait de recourir à un jeu à la troisième personne avec une caméra fixe qui ne se positionne pas au-dessus de l'épaule et que l'on ne peut pas contrôler. Cela donne donc un style un peu à l'ancienne où l'on se déplace dans une sorte d'environnement en 2,5D. Cela présente en revanche comme intérêt de pouvoir définir précisément l'angle de vue souhaité et créer ainsi des plans cinématographiques bien agréables. De plus, le positionnement de la caméra est toujours bien étudié et ne se présente jamais comme handicapant. Le titre reposant essentiellement sur son ambiance et son histoire, un tel choix peut donc s'expliquer. Le recours à l'écran splitté, horizontalement ou verticalement, maintes fois mis en avant, est également tout à fait fonctionnel. Il nous permet en effet d'agir dans un monde tout en observant en parallèle les conséquences en temps réel dans l'autre. Une idée originale qui fonctionne très bien et qui est ici largement mise en application.
Pour mettre en avant son histoire sordide à souhait, à défaut d'être réellement effrayante, Bloober Team a fait appel à divers talents. Pour les doublages, le titre est uniquement proposé en VO sous-titrée, on retrouve notamment Weronica Rosati (In Darkness, Last Vegas, Frost, ...) dans le rôle de Marianne, Marcin Dorociński (Huricane, Le jeu de la Dame, ...) dans celui de Thomas et Troy Baker (Silent Hill 2 HD, God of War, Death Stranding, The Last Of Us, ...) pour The Maw. Ceux-ci sont donc de qualité et réhaussés par une bande-son efficace sachant relever les moments importants de la plus belle des manières. Il faut dire que l'on doit celle-ci à Arkadiusz Reikowski (Layers of Fear, Blair Witch) pour le monde réel et à Akira Yamaoka (Silent Hill) pour le monde spirituel. Quant aux envoûtantes chansons, elles sont interprétées par Mary Elysabeth McGlynn (Silent Hill, Dishonored, ...). Avec autant de références à Silent Hill, on remarquera d'ailleurs que l'ambiance malsaine du titre n'est pas sans nous rappeler le titre de Konami. Attention toutefois à bien vous accrocher pour suivre l'histoire de The Medium. Si celle-ci est clairement de qualité, elle n'est pas toujours forcément aisée à saisir sur l'instant, tant différents événements passés de plusieurs personnages clé viennent s'imbriquer les uns dans les autres.
De l'autre côté du miroir
C'est donc surtout l'aspect narratif de The Medium qui fait son sel et la façon de mettre ses propos en image avec, au passage, de nombreuses références à l'époque communiste du pays mais aussi au passé peu glorieux de la Pologne durant la Seconde Guerre mondiale, tiraillée entre le IIIe Reich et l'Union Soviétique suite à la double invasion dont elle a fait l'objet. De plus, le titre n'est pas dénué de références à la pop culture ni d'easter eggs en référence par exemple à Blair Witch ou aux développeurs du jeu. À côté de cela, le gameplay proposé oscille entre un peu de point and click, une touche de puzzle game, un soupçon d'infiltration et quelques rares phases d'action où il s'agit surtout de fuir. On passe donc beaucoup de temps à explorer, à étudier des objets et à écouter ou lire des informations donnant du corps au lore. On peut ainsi mettre la main sur divers éléments tels que des cartes postales à collectionner, des photos, des dessins, des lettres, des notes, des illustrations, ...
En dehors des déplacements que nous avons déjà évoqués et des courses-poursuites ou phases de furtivité, ce sont surtout les pouvoirs de médium de Marianne que nous mettons à contribution. La Vision lui permet notamment de voir des objets cachés autrement inaccessibles, de suivre les empreintes laissées par Tristesse dans son sillage, ou encore les traces spirituelles qui peuvent la guider vers des lieux intéressants, en plus des lumières que Tristesse peut mettre à profit pour aiguiller Marianne dans le monde matériel. La Vision est aussi utilisée pour recueillir des échos à partir d'objets. En touchant ceux-ci, Marianne ressent une aura et elle peut exploiter la déchirure qu'ils contiennent pour obtenir des fragments mémoriels qui lui permettent d'entendre des souvenirs directement issus du passé. De même, certains objets imprégnés peuvent être utilisés pour reconstituer dans le monde spirituel des scènes en images avec les paroles ou les pensées du moment.
Pour ce qui est du côté puzzle du titre, celui-ci met essentiellement à profit la double réalité. Cette dernière est en effet exploitée avec efficacité afin de résoudre les problèmes rencontrés dans un monde en passant par l'autre. Et Bloober Team fait ici preuve de beaucoup de créativité. C'est aussi un moyen de bloquer notre progression en mettant en place des barrières que l'on ne pourra lever qu'une fois accomplie une certaine action (trouver une clé, alimenter électriquement un mécanisme, découper une peau bloquant le passage, ...). Le titre laisse en effet bien peu de liberté au joueur qui n'est pas vraiment incité à prendre des initiatives, mais plutôt à suivre le déroulé prévu de l'histoire. Cela pourra déplaire à certains, mais on ne peut pas enlever au studio polonais d'avoir balisé intelligemment le chemin en justifiant systématiquement chaque frein à notre évolution.
On peut ainsi donner bien d'autres exemples mettant encore une fois à profit la double réalité. Des papillons nocturnes accompagnent The Maw et peuvent nous bloquer le passage dans le monde des esprits. Pour les traverser, on peut utiliser un bouclier spirituel, mais celui-ci nécessite que Marianne charge son bras en énergie qu'elle devra auparavant puiser dans une fontaine spirituelle abreuvée par le deuil, la rage, le chagrin, ou encore la colère des âmes environnantes. Cette énergie peut aussi être exploitée pour se défendre, mais elle reste limitée et doit donc être régulièrement rechargée. Marianne peut aussi quitter son corps pour n'évoluer que dans le monde spirituel, mais cette expérience extra-corporelle est limitée dans le temps. Il lui faut en effet regagner son corps avant la disparition complète de son âme qui se désagrège petit à petit. C'est là un moyen de franchir des passages accessibles dans le monde des esprits, mais pas dans le monde réel. Enfin, on peut aussi citer les miroirs qui peuvent servir de portes pour passer entièrement d'un monde à l'autre, la possibilité de changer la perspective du monde des esprits en jouant sur un élément du monde matériel, ou encore l'utilisation de la force spirituelle pour déplacer des objets. Ce ne sont donc pas les idées qui manquent de mettre à profit les extraordinaires facultés de notre médium.
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