Deux semaines tout pile après Final Fantasy VII Remake, Square Enix ressort une autre de ses gloires passées par le truchement d'un remake : Trials of Mana, de son petit nom, se propose de revisiter Seiken Densetsu 3, Action-RPG mythique sorti sur une Super Famicom en fin de vie il y a déjà de cela un quart de siècle. Et oui, ça ne nous rajeunit pas tout ça !
Remarque : Une démo jouable très généreuse (environ 2 heures de jeu), est disponible sur tous les supports, de quoi vous faire une bonne idée de la teneur de ce remake.
- Genre : A-RPG
- Date de sortie : 24/04/20
- Plateforme : PC, PS4, Switch
- Développeur : Xeen
- Éditeur : Square Enix
- Prix : 49,99€ disponible sur Amazon
- Testé sur : PS4 Pro
Maux croisés
Scénario et narration
Sorti en 1995 sur Super Famicom, Seiken Densetsu 3 n'avait jamais connu les honneurs d'une sortie en dehors de l'archipel nippone avant la distribution de la Collection of Mana, sur Switch, en juin dernier. Ainsi, tous ceux qui n'avaient pas encore cédé aux sirènes de l'émulation et de la version traduite par Terminus Traduction, ont pu découvrir l'un des chainons manquants de la saga Mana en occident, celui que l'on nommait jusqu'alors très simplement "Secret of Mana 2". Véritable joyau technique pour l'époque, Seiken 3 était plutôt du genre avant-gardiste, avec un système de cycle jour/nuit intégré au gameplay (nous y reviendrons), mais aussi et surtout grâce à son roster de 6 héros aux destinées bien distinctes et qui impactaient le déroulement global du scénario. Concrètement, il était impossible de voir tout ce que le titre avait à offrir en une seule partie et il en va de même, aujourd'hui, avec Trials of Mana. Oubliez l'audace et les moyens mirobolants d'un FF7 Remake, nous sommes là face à un remake stricto-sensu du jeu d'origine et hormis quelques différences notables dans le système de progression, il s'agit exactement du même jeu qu'il y a un quart de siècle, la plastique de 2020 "en plus".
Du coup, difficile de jouer les étonnés en constatant que le scénario tient sur un mouchoir de poche et que les dialogues privilégient l'efficacité à la profondeur, on reste sur un Action-RPG 16-bits après tout : le gameplay prévaut et tout doit s'enchainer rapidement, avec des enjeux clairs dès le départ. Là où le bat blesse, c'est que ce remake a bien du mal à mettre en scène les "cutscenes" d'antan, alors que notre imagination faisait très bien le travail toute seule sur le titre d'origine, on a le droit ici à des personnages aux animations de marionnettes désarticulées et copiées-collées d'un protagoniste à l'autre. Des efforts sont tout de même à noter côté dialogues, avec quelques interactions inédites entre les membres du groupe pendant les phases d'exploration et ce, peu importe les protagonistes choisis : un petit détail qui renforce l'impression d'un groupe soudé et qui a du demander de gros efforts pour que l'ensemble reste cohérent. Cependant, ToM trahit bien souvent un manque cruel de moyens, qui va d'ailleurs se refléter sur bon nombre d'aspects de l'aventure : assez paradoxal lorsque l'on repense à celui qui trônait fièrement au panthéon des jeux les plus ambitieux de la Supernes japonaise.
Duran Duran
Gameplay et progression
Exit les 8 types d'armes de Secret of Mana, dans Trials, chaque héros dispose d'un outil de mort prédéfini dont il va perfectionner l'usage au fur et à mesure des niveaux engrangés et des points de compétence distribués, jusqu'aux fameux changements de classe, permettant d'ajouter une surcouche de compétences spécialisées selon deux voies, l'ombre et la lumière. Une course à la puissance enrichie par les 8 esprits de mana croisés en chemin qui vont dispenser les sorts élémentaires qui vont bien, en fonction de la spécialisation choisie. Pour Duran le guerrier, cela se traduit par des infusions élémentaires de feu, de glace, etc, sur son épée, très pratiques pour exploiter le point faible élémentaire d'un ennemi. Afin de débloquer tout cet attirail, salvateur dans le dernier tiers du jeu, l'attribution des points ne doit pas être faite au hasard, puisque chaque classe sélectionnée s'accompagne d'une spécialisation accrue, ce qui peut conduire à de mauvaises surprises lors de la première évolution : tout coller en force en début de partie, alors que votre nouvelle classe demande de bourrer les points en résistance pour débloquer les techniques associées, est le genre de déconvenue qu'il faut savoir anticiper, sous peine de devoir débourser une belle somme en pièces d'or à la voyante du coin pour un respec.
Dans la pratique, Trials déroule des affrontements bien bourrins en trio et sans réelle dimension stratégique, exceptions faites du choix de comportement global pour l'IA allié et de ce fameux système de jours de la semaine favorisant un élément particulier, comme dans le jeu d'origine finalement. Cela se laisse jouer, tout s'enchaine bien, mais les collègues n'en font qu'à leur tête très régulièrement, jusqu'à se bloquer dans des éléments de décor en plein combat tendu. Des problèmes de caméra intervenant le plus souvent à l'occasion des combats de boss s'ajoutent aux petites frustrations qui entachent un gameplay plutôt efficace, mais qui ne parvient jamais vraiment à décoller. Ce sont d'ailleurs les rixes contre les gardiens qui pâtissent le plus de cette réinterprétation en 3D d'un gameplay 2D : c'est souvent brouillon et le matraquage de boutons suffit bien souvent à passer à travers les mailles du filet, pour peu que votre stock de bonbon et de chocolat soit au max en début de combat.
On prend tout de même plaisir à voir nos 3 élus de mana monter en puissance et se friter contre des lapinous trop mignons pour gratter quelques points d'expérience supplémentaires, mais le classicisme de l'ensemble montre très vite ses limites. Même remarque que pour la narration finalement : à ce compte-là autant replonger dans le jeu d'origine, qui a au moins le mérite d'aller à l'essentiel, le multijoueur local en plus. D'autant plus dommage que l'exploration, qui ne casse pas non plus trois pattes à un canard, demande d'enchainer quelques sauts ou de débusquer des passages secrets pour accéder à ses coffres les plus précieux, voire au petit bonhomme cactus inédit à ce remake. On se demandait également si Square allait faire l'effort de réintégrer Flammy et la mappemonde à explorer "librement", bonne surprise de ce côté, tout est bien à sa place et s'il s'agit clairement d'un petit plaisir de nostalgique, survoler un overworld dans un J-RPG n'est plus si courant que cela. Un élément assez symptomatique de notre avis global sur le gameplay du jeu : Trials of Mana est agréable à parcourir, justement parce qu'il offre l'expérience d'un A-RPG de 1995, rien de plus, rien de moins.
Vous débarquez dans un village, vous mettez à jour votre équipement, puis foncez à l'auberge planter vos graines d'objets puis reprenez votre route pour défourailler du minion jusqu'à la prochaine étape, et ainsi de suite jusqu'au boss final. A noter : l'intégration d'un end-game sous la forme dun donjon inédit menant à un approfondissement du système de classe et de tout ce qui gravite autour, parfait pour ceux qui ont envie de pousser le bouchon un peu plus loin. Enfin, le new game + peut inciter à retenter le voyage en compagnie d'autres aventuriers, il y a donc suffisamment de matière pour ceux qui accrochent aux différents systèmes de jeu.
C'est Ken dans ses dessous
Technique et direction artistique
Direction artistique ou performance technique, même combat pour Trials, qui souffle constamment le chaud et le froid pour un rendu très loin de faire honneur à la claque de 1995. Tout n'est pas à jeter, ToM sait offrir de jolis panoramas si l'on ne s'attarde pas sur les détails et son voile flou fait parfois des merveilles et donne une réelle identité à certains décors. Mais voilà, ces coups d'éclat se font beaucoup trop rares : on retiendra bien plus facilement ses textures baveuses et la duplication ad nauseam des mêmes modèles de PNJ qui nous saute à la figure dès les 2 premières heures de jeu. Testé sur PS4, des retards de chargement de texture sont à noter, alors que le framerate subit quelques soubresauts sans que cela vienne, non plus, entacher l'expérience globale. Petite déception concernant l'OST du jeu, que l'on espérait réarrangé de manière un peu plus ambitieuse : hormis Meridian Child, les retouches opérées sur la plupart des pistes de Hiroki Kikuta sont anecdotiques, là aussi, deux semaines après la bande-son monstrueuse de FF7 Remake, ça fait bizarre !