Aujourd'hui nous publions une deuxième fanfiction, écrite par Cassandre, et relatant la création de Rata Sum, la capitale des Asuras. Ayant participé au concours de la semaine dernière, son texte n'a pas été choisi pour la première place, mais a été l'un des préférés de la rédaction.
Millenium continuera de publier les récits envoyés pour le concours pendant les jours et semaines à venir. Si vous n'avez pas participé à celui-ci, mais que vous aimeriez voir publier sur notre site vos écrits (oo vos dessins), n'hésitez pas et envoyez les à eskrau@millenium.org.
La Création de Rata Sum par Cassandre
« Saletés de végétaux ! » bougonna le vieil asura.
Un crac se fit entendre lorsque, tirant sur le bas de sa toge pour la dégager du buisson, la branche qui avait agrippé le tissu se brisa.
Devant lui, Lexx se retourna. Carquois à l’épaule, avec veston de cuir et bandeau sur le front, sa tenue n’avait rien à voir avec celle du mage qu’il escortait.
« Je t’avais bien dit, Sum, qu’explorer la jungle n’était pas une promenade de santé. Ce type de vêtements n’est pas adapté. »
« Ce sont tous ces arbres qui ne sont pas adaptés.» répliqua Sum, en jetant le bout de bois enfin dégagé de ses robes. « Nous ne les avions pas sous terre, et tout fonctionnait à merveille. Maintenant quoi ? Nous vivons dans des cabanes de bric et de broc au havre terni, avec des reptiles géants qui menacent nos vies dans les environs ! Mais ça ne va pas durer ! Car je vais… »
« … trouver un lieu avec assez d’énergie pour reconstruire une vraie cité et prouver à tous que tes générateurs géosysmiques relèvent du génie. » acheva Lexx, comme s’il entendait cette déclaration pour la millième fois. « J’ai bien compris. »
« Est-ce qu’on s’arrête ? On fait enfin une pause ? » Demanda une voix derrière les deux compères.
A quelques mètres derrière eux quatre asuras peinaient à soulever une lourde machinerie de pierre posée sur un brancard de bois. Encadrés par deux de leurs semblables portants épées et boucliers, ils suaient à grosses gouttes.
« Quoi ? » railla Sum. « Non ! Ça ne fait que deux heures que nous avons repris la route. Avec le repos et les vivres que ce centaure, ce… » il réfléchit un instant, puis continua. « Ce ‘Ventari’, nous a fourni à son refuge, nous devons progresser bien plus qu’hier. »
Sortant de derrière un des gardes, une petite fille fit son apparition et couru dans les genoux du vieil homme.
« Je suis fatiguée, Papi… et GOLEM aussi.» ajouta elle, en lui montrant sa poupée, en forme de robot. « Est-ce qu’on pourrait au moins s’arrêter cinq minutes ? S’il-te-plaît… »
Face aux grands yeux de son unique petite fille, Sum finit par lâcher, à contrecoeur.
« Bon c’est d’accord. ». Plus fort : « Dix minutes de pause pour tous ! ».
Avec soulagement, les porteurs déposèrent leur appareil au sol, les gardes leurs armes, et tous commencèrent à s’installer. Les uns sortant des gourdes pour se désaltérer, les autres s’asseyant au sol pour reposer leurs jambes.
Lexx se rapprocha de Sum.
« Je pense toujours qu’emmener Rata avec nous était une mauvaise idée » lui dit-il à voix basse, en regardant l’enfant s’éloigner pour jouer un peu plus loin. « Les autres auraient veillé sur elle au havre. »
« Oui, bien sûr » maugréa Sum. « La dernière fois que j’ai confié Rata à quelqu’un, Plaxx est venue l’endoctriner en lui racontant que son stupide projet ‘GOLEM’ était l’invention du siècle, et lui a refilé cette stupide poupée dont elle ne se passe plus. Cette petite est la seule famille qu’il me reste, je ne laisserais personne me la prendre. Elle deviendra mon assistante pour mes recherches, et fera ma fierté. »
Il fronça les sourcils, voyant que la petite s’éloignait un peu trop.
« Rata ! Reste près du groupe, sinon les bookahs vont te manger ! »
L’enfant sursauta, et se mit à courir en direction de son grand-père, ses deux oreilles se balançant au rythme de ses pas. Au milieu de sa course, semblant avoir entendu quelque chose, elle s’arrêta.
« Papi ? Le buisson a bougé. »
A peine avaient-ils le temps de cligner des yeux, que Sum et Lexx virent une bête d’une taille conséquente, poilue, et vraiment moche sortir du fourré, et se planter devant la petite fille.
« Un Simien ! Cours Rata ! » s’exclama Sum, en commençant à lancer un sort de protection sur l’enfant.
Le singe, agile, s’empara de Rata d’une main, qu’il tient suspendue en l’air, et lui arracha sa poupée de l’autre. Une flèche de Lexx lui siffla aux oreilles, et il laissa tomber la petite avant de s’enfuir.
« Mon GOLEM ! » commença-elle à pleurer, tandis que les deux hommes arrivaient près d’elle.
« On se fiche du GOLEM ! » tonna Sum. « Est-ce que ça va ? Tu n’as pas mal ? ».
« Non. » sanglota Rata. « Je n’ai pas senti la chute. Mais il a pris ma poupée ! Ce bookah a pris GOLEM ! »
C’est à ce moment que le reste de l’expédition arriva au pas de course.
« Nous avons entendu des cris, qu’est-ce qui s’est passé ? »
« Un Simien s’en est pris à Rata. Nous l’avons mis en fuite. » leur expliqua Lexx. « La crise est passée ».
Passée peut-être, mais pas pour tout le monde. Rata continua à pleurer et à chouiner sur la perte de son GOLEM, et la nécessité de le retrouver. Elle refusa de reprendre la route tant qu’on n’aurait pas été à la recherche de sa précieuse poupée, et la promesse de lui en retrouver une une fois de retour au havre terni ne la décida pas à bouger pour autant.
Lassé, Lexx décida de partir à la recherche du Simien, accompagné par un des gardes, un certain Xenon, et par Sum lui-même.
« Je ne comprends pas pourquoi elle est si capricieuse. Bah, si on ne trouve rien, on lui dira que le singe l’a mangée, sa poupée. Utilisons ce temps pour quelque chose de plus intelligent. »
Il sorti de sa poche une sorte de pierre carrée.
« Ce détecteur d’énergie se mettra à briller à l’approche d’un lieu où la concentration énergétique est suffisante pour commencer le déploiement d’une cité. »
Les trois hommes crapahutèrent pendant une bonne demi-heure, guidés par Lexx qui les mena vers une colline. De là, ils eurent une meilleure vue des environs.
« Regardez ! » les apostropha l’éclaireur, en désignant une plaine, cinq cent mètres plus loin. «Je crois que ce sont les simiens. »
Il sorti de sa poche un petit outil, qu’il étira, se transformant en longue vue. Observant la zone, il annonça.
« Oui, ce sont bien des Simiens. Mais impossible de dire s’ils ont la poupée.»
« Au diable la poupée ! » rappela Sum, sautillant d’énervement. « Moi ce que je vois, c’est qu’autour de ces créatures, nous avons des arbres et une montagne. Grâce à la montagne, il y a moyen qu’il y ait assez d’énergie géosysmique dans les environs pour nous fournir un endroit où établir un avant-poste. »
Xenon, jusque-là silencieux, intervint :
« D’un pur point de vue géographique, cette plaine est plutôt bien située. On pourrait facilement s’y défendre une fois des murs construits, y avoir un premier pied à terre une fois sortis de la jungle pour accueillir les asuras qui la traversent. Et je suis à peu près sûre que les Golemanciens apprécieraient la présent de ce… »
« Mais ça suffit avec les Golemanciens oui ?! » le coupa Sum. « C’est une science sans avenir, alors inutile d’en parler. Ils ne feront jamais marcher une seul GOLEM, c’est moi qui vous le dit.»
Un long débat –stérile, précisons-le – s’engagea alors entre les deux asuras. Xenon n’était peut-être pas versé dans les arcanes, mais sa soeur faisait partie du projet GOLEM, et il comptait bien tenter de convaincre Sum de l’intérêt de la Golémancie. De son côté, Sum n’avait foi qu’en lui-même et en ses projets, et méprisait allégrement tout ce qui n’était pas l’un de ces deux éléments. Et les deux interlocuteurs étaient têtus. La discussion s’annonçait longue.
Sentant qu’il n’arriverait pas à progresser dans ces conditions, Lexx annonça qu’il partait chercher le reste du groupe, et s’esquiva.
Lorsqu’il revint, la petite Rata pleine d’espoir à ses côtés, et les porteurs derrière lui, les deux hommes n’avaient réussis à se mettre d’accord que sur une seule chose : si le lieu portait effectivement assez d’énergie, c’était en effet un endroit où il fallait s’installer. Pour le reste, le débat faisait toujours rage, et il failli bien continuer lorsqu’un des porteurs voulu s’en mêler, de par sa position d’apprenti au sein de l’université de Synergétique, ce qui, estimait-il, faisait de lui le plus à même de juger de ce qu’il conviendrait de faire.
Fort heureusement, Lexx était bien décidé à y couper court, et à organiser un plan d’attaque pour chasser les Simiens du lieu, et il détourna le sujet sur cette affaire. Au bout d’une heure, la troupe avait son plan, qui consistait à tenter d’attirer les Simiens sous le couvert des arbres un part un, et à les éliminer petit à petit. Car les bougres étaient nombreux. Rata, pendant ce temps, devrait rester en lieu sûr sur la colline avec Sum. Ils observeraient la situation à distance avec la longue vue, et pourraient rejoindre les autres quand les Simiens auraient disparus.
Postés à côté de la machinerie, ils attendaient donc. Au bout d’un quart d’heure, le temps que les asuras se mettent en place, un premier Simien repéra un fruit rouge, bien visible dans le feuillage vert, et surtout bien placé là à dessein, et quitta le groupe.
« Ca commence enfin ! » commenta Sum. « Je commençais à m’impatienter ».
Les asuras avaient-ils du mal à triompher du Simien, ou les autres singes ne voulaient-ils pas se séparer ? Difficile, à dire, mais il se passa ce qui sembla être une éternité aux yeux de Sum, avant qu’un autre ne daigner quitter son groupe.
« Il va falloir des jours avant que ça ne finisse ! » s’énerva-il.
De dépit, il sorti son détecteur d’énergie, dont émanait une légère lueur bleue.
« Viens Rata, je vais t’expliquer comment fonctionne mon invention. Tu vois cette pierre ? Elle détecte l’énergie qui nous entoure. Comme ça brille, ça veut dire qu’il y en a. L’énergie est plus forte près des points rocheux en général, donc prêt de cette montagne, il devrait y en avoir suffisamment pour que mon invention fonctionne. Ce que fait mon invention est très compliqué, aussi je vais simplifier pour que tu puisses comprendre. La machine va aspirer l’énergie présente sur place, pour faire sortir de terres des murs, et des générateurs pour maintenir ces murs. La machine elle-même grossira, et continuera d’aspirer de l’énergie pour alimenter ce qu’elle aura fait sortir de terre. Et comme c’est une de mes inventions, c’est génial et intelligent : la configuration des murs va s’adapter au terrain. »
Il s’arrêta, fier de lui-même.
« Prenez-ça dans les dents, Golémanciens… »
Rata avait écouté, tout en observant la machine.
« Et il sert à quoi ce bouton ? » dit-elle en désignant une partie de l’outillage, sur la partie haute de celui-ci.
« C’est le bouton pour l’activer. Il ne faut surtout pas y toucher, sinon la machine va tenter de construire la ville… et s’il y a peu d’énergie, on aura un résultat minuscule. C’est le seul exemplaire de l’invention, alors il ne faut pas le gaspiller. »
« Bien, bien… encore un truc avec lequel je ne peux pas jouer… GOLEM me manque » soupira-elle, en s’équipant de la longue-vue. « J’espère qu’ils ne l’ont pas abimés… Oh ! Papi ! Regarde ! Les singes partent ! »
Sum prit l’objet et visa le groupe de Simiens. Ils étaient bien en train de partir, mais pas comme espéré : tous se dirigeaient ensemble vers le piège des asuras.
« Bon sang ! Quatre monstres d’un coup... Ils ont beaucoup de puissance offensive, mais aucun d’eux n’a de pouvoir guérisseur… J’espère qu’ils vont viser vite et bien pour limiter la casse.»
Un hurlement retenti, de l’autre côté de la colline. Rata, inquiète, se tordit les oreilles.
« C’est un bookah ? »
Sum eut un petit rire, et se retourna pour déterminer la source du bruit.
« Non, probablement un animal sauv… »
Il s’arrêta en pleine phrase, manquant de lâcher la longue vue. En bas de la colline, un immense gorille les chargeait à pleine vitesse.
« Rata, monte sur le brancard ! Vite ! » s’exclama-il paniqué.
Les secondes qui suivirent furent les plus longues de la vie de Sum, qui tentait de pousser le chargement pour lui faire dévaler la colline, direction les combats, et l’aide potentielle de son groupe. La force n’avait jamais été le point fort de l’asura, qui ne parvenait à faire bouger le brancard que très lentement. Centimètres par centimètres, il guettait le début de la pente, tandis que mètres par mètres, se rapprochait la bête. Si Rata n’était pas descendue pousser avec lui, nuls doutes que les deux asuras auraient été rattrapés, mais heureusement, ils parvinrent à faire dévaler le brancard et à remonter dessus juste à temps pour éviter le pire.
Agrippés à leur luge improvisée, le vent leur sifflant aux oreilles avec la vitesse, ils virent le gorille se lancer à leur poursuite. Visiblement, il ne comptait pas les laisser tranquilles.
« Quand on arrivera en bas Rata, il faudra courir jusque dans la jungle pour retrouver les autres, d’accord ? »
La petite, effrayée, hocha la tête. Quelques instants plus tard, le chariot se mit à ralentir. Voyant que le gorille gagnait du terrain, Sum sauta, et roula au sol vers la lisière de la jungle. Quand il se redressa, il cria à sa petite fille :
« A toi ! Saute ! »
Mais Rata avait trop peur pour bouger. Le brancard se retrouva bientôt immobile, et là seulement elle se mit à descendre de son embarcation. Trop tard. Sum n’eut que le temps de crier un « Attention ! » avant que le gorille ne fonce sur la machinerie, main tendue pour attraper l’enfant.
Paniquée, Rata réussit malgré tout à esquiver ce premier coup, et se cacha derrière la machine. Ce à quoi elle ne fit pas attention, mais qui lui sauva la vie, fut qu’elle appuya sur le bouton d’activation de celle-ci.
Presque instantanément, le sol se mit à trembler. Le gorille s’arrêta, perdu, en voyant la machine devant lui grossir et s’élever dans les airs, tandis qu’autour de lui, de la pierre sortait du sol pour commencer à bâtir la nouvelle Cité Asura. Cet instant d’hésitation lui fut fatal. Fusant depuis la jungle, une volée de flèche s’abattit sur lui, le mettant à terre.
Lexx et les autres sortirent de la jungle. Un peu amochés pour la plus part, mais entiers. Ils regardèrent avec admiration la cité qui poussait littéralement du sol, tandis que Sum, précipité vers Rata, la serrait contre lui. Les murs mirent plusieurs minutes à sortir de terre, au grand étonnement de Sum, qui visiblement ne s’attendait pas à ce qu’elle soit si grande. En sortant son détecteur d’énergie, il comprit : le site en était incroyablement riche !
« Nous avons bien choisis ! » se réjouit Sum. « C’est vraiment le site parfait. Nous allons pouvoir aller chercher le reste de la population pour nous installer plus durablement. »
« Effectivement » approuva Lexx. « Et je suppose que je dois leur dire de venir dans ‘La grande ville de Sum’ je suppose ? En hommage à votre création. »
L’idée paru beaucoup plaire au vieil asura qui, avec un grand sourire aux lèvres, pris cependant un temps de réflexion.
« Disons plutôt : Rata Sum. » conclut-il en passant une main dans les cheveux de la petite fille. « En souvenir du processus qu’elle a enclenché. »
Lexx parti d’un grand rire. « Je n’aurais jamais cru que vous laisseriez quelqu’un d’autres partager la gloire avec vous. Mais va pour Rata Sum. Ça sonne bien. Je vais aller annoncer ça aux autres. Au fait Rata… »
Il lui lança quelque chose.
« Ne la perd plus. »
La petite fille attrapa l’objet au vol. Son visage se fendit d’un sourire. Elle avait retrouvé son GOLEM.
Cassandre
