C'est en effet en ce 14 février 2024 que les employés de chez Ubisoft France ont appelé à la grève nationale. Et comme une nouvelle n'arrive pas seule, il se pourrait bien que le mouvement soit suivi et de près par d'autres acteurs du milieu puisque les syndicats du jeu vidéo se sont mobilisés à leurs côtés.
Les employés d'Ubisoft en grève
C'est à l'occasion des dernières négociations annuelles qui ont eu lieu très récemment que le ras-le-bol des employés du studio Ubisoft France s'est fait connaître. De ce que nous apprenons, les augmentations salariales proposées par la direction n'étaient pas celles espérées par les employés, alors que les résultats financiers montrent au contraire une hausse significative de leurs gains.
Ainsi, nous avons donc plusieurs syndicats qui se sont mobilisés : celui des Travailleurs et Travailleuses du Jeu Vidéo (STJV), celui du Solidaire Informatiques et celui du FIECI. C'est à travers le micro de France Culture que Pierre-Étienne Marx, délégué au sein du Syndicat des travailleurs du jeu vidéo chez Ubisoft, a expliqué alors les raisons de cette grève qui ne fait que commencer. De ce qu'il déplore, et comme nous voulons de vous le dire, ici la hausse des salaires n'a pas pu être vraiment négociée puisque d'après lui et les syndicats, « une décision était déjà plus ou moins établie ».
Une santé mentale fragilisée chez les employés d'Ubisoft
En plus d'une hausse de salaire pas vraiment significative (seulement 2 à 3% d'augmentation au lieu des 5% demandés), certains ont dénoncé les conditions de travail dans lesquelles ils exerçaient. En effet, c'est auprès de nos confrères de chez Gamekult que des représentants du studio ont décidé de prendre la parole pour dénoncer certains agissements, avec ainsi Clément, d'Ubisoft Montpellier, et Vincent, d'Ubisoft Paris. Voici ce qu'ils ont déclaré :
"Je suis passé par Beyond Good & Evil 2 avant d'atterrir sur Prince of Persia, et je peux dire que ce dernier projet s'est clairement mieux déroulé que d'autres. (...) Par contre, oui, il y a eu du crunch, certaines personnes ont accumulé beaucoup d'heures supplémentaires (...) le jeu est sorti dans un état qui est plutôt bien, mais les devs ont toujours envie de peaufiner au maximum (...) ce qu'on demande, c'est le temps et les moyens pour travailler du mieux possible. Mais au bout d'un moment, chez Ubisoft, vous devez rentrer dans le cadre d'une année fiscale, ça verrouille votre date de sortie, et c'est dur d'obtenir des délais supplémentaires.(…) Je voudrais préciser qu'à Montpellier, beaucoup de travailleurs sur Beyond Good & Evil 2 demandent à bosser sur des projets comme Prince of Persia. Certains collègues planchent sur BGE 2 depuis cinq ans, sept ans, ils ont passé toute leur carrière dessus, ils n'ont jamais pu sortir un seul jeu, donc ils regardent le projet d'à-côté avec envie. Le CSE a lancé une alerte de danger grave et imminent quant au bien-être au travail sur BGE 2 et l'inspection du travail a mené une enquête il y a de ça un an et demi. Nous voudrions d'autres créations comme The Lost Crown pour éviter d'enchaîner les AAA. Les gens ont besoin de perspectives d'avenir, de ne pas stagner sur le même jeu durant quatre à cinq ans, d'un genre de roulement avec des projets à taille plus humaine, mais ce n'est pas ce vers quoi Yves Guillemot se dirige dans ses derniers communiqués. Il déclare plutôt vouloir accélérer sur les AAAA. Ce qui est très inquiétant quant aux risques psycho-sociaux" - Clément
"Les risques psycho-sociaux, c'est tout ce qui peut engendrer une dépression, de l'anxiété, bref, des blessures psychologiques. C'est omniprésent dans le jeu vidéo. Souvent, quand il faut expliquer nos luttes sociales dans notre secteur, on va nous répondre "ouais, vous vous battez pour des salaires et tout, mais vous faites déjà un métier cool". Et c'est vrai qu'il est cool ! Mais justement, les travailleurs qui font ce métier sont venus pour chercher une espèce de satisfaction, une espèce de fierté, en fait, à avoir bossé sur un jeu bien fini. Chaque dégradation de nos conditions de travail engendre des risques psycho-sociaux ; tu vas retrouver des gens en larmes, des personnes en grave situation psychique parce qu'ils n'arrivent simplement pas à travailler. Il y a une telle désorganisation, un tel chaos, de si mauvaises décisions... C'est très dur pour l'état mental des travailleurs qui sacrifient beaucoup pour leurs productions (qui durent de plus en plus longtemps), ils ont l'impression de faire du sur-place ou de se jeter dans un mur en disant : "on va se le prendre, on peut rien faire" - Vincent