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Entretien avec Adyboo, Shaytwan et Zaroide au sujet de l'avenir de Paris Eternal

Entretien avec Adyboo, Shaytwan et Zaroide au sujet de l'avenir de Paris Eternal
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Paris Eternal a longtemps porté sur ses épaules l’espoir qu'une équipe composée de joueurs européens se hisse parmi les meilleures en OWL. Elle y est parvenue cette année et pourtant, à la surprise générale, SoOn, BenBest et NiCOgdh viennent d’être congédiés. Une question subsiste donc : pourquoi ?

Entretien avec Adyboo, Shaytwan et Zaroide au sujet de l'avenir de Paris Eternal

Paris Eternal se lance dans l’aventure Overwatch League en 2019, en tant que deuxième équipe européenne et avec la ferme intention de respecter le statut d’équipe portant les couleurs d'une grande ville du monde. La structure est censée représenter Paris, elle aura donc des joueurs ainsi qu’une organisation "made in Europe".

Le pari est osé et force est de constater qu’il n’a pas payé. L’équipe termine dans le bas du classement lors de sa première saison de compétition, à la 14ème place, avec 11 victoires pour 17 défaites. C’est un réel coup dur pour les Eternals, sur qui l’espoir de voir des joueurs européens gravir les plus hauts sommets de la ligue reposait.

Qu’à cela ne tienne ! Pour ne pas rester sur cet échec, une décision aussi controversée qu'intelligible est prise à l'aube de la troisième saison. La moitié des joueurs de l’équipe seront désormais coréens. Tout comme chez les confrères de chez London Spitfire, il fallait se rendre à l’évidence : la Corée est la nation de l’esport, ses joueurs font donc partie des meilleurs au monde.

Le compromis entre la volonté de faire mieux et celle de garder des liens avec la France semble être le bon. Les résultats sont là puisque l’équipe a bien performé cette année, se hissant à la quatrième place de la saison régulière. Elle atteint même les Playoffs, où elle échouera lors de son match de la dernière chance.

Mais c'est le coup de tonnerre en octobre ! En pleine période de free-agency, plusieurs annonces de départ chez Paris Eternal inondent les réseaux sociaux. Parmi elles, celles de Terence "SoOn" Tarlier, Nicolas "NiCOgdh" Moret et Benjamin "BenBest" Dieulafait — trois joueurs emblématiques de la scène Overwatch française.

SoOn est un vieux de la vieille. À 26 ans, c'est désormais un vétéran de la scène Overwatch. Malgré sa régularité, il se pourrait que l'équipe ait tout simplement décidé de donner sa chance à un rookie qui coûtera moins cher tout en étant mécaniquement très bon. Néanmoins, il ne faut pas négliger le quotient star player que la structure perd en se séparant de lui.

Quant à NiCO, il a été mis plusieurs fois sur le banc de touche cette année. Il n'en reste pas moins un excellent joueur dont la capacité à s’adapter rapidement — comme l’exige son rôle de flex DPS — n'est plus à prouver. Il pourrait être un élément crucial pour la prochaine saison si Overwatch 2 sort au bon moment. Un nouveau jeu est souvent synonyme d’un nouveau hero pool.

C'est finalement le cas de BenBest qui surprend peut-être le plus. Son rôle de main tank est actuellement le plus recherché et le plus difficile à trouver. Il a également connu l'une des progressions les plus impressionnantes en l'espace d'un an. Ajoutez à cela son aura de leader, et l'étonnement de le voir évincé de l'équipe n'en est que plus grand.

Une fois l’incompréhension passée vient le temps des questions. Pourquoi faire ce choix alors que l’équipe a fait une saison plus que bonne ? Comment va-t-elle rebondir alors que l’intersaison touche bientôt à sa fin ? Pour nous aider à y répondre, nous avons pu nous entretenir avec trois des Bro'casters : Adyboo, Shaytwan et Zaroide.

Money, Money, Money

L'Overwatch League reste un organisme qui a besoin d'une chose primordiale pour exister : de l'argent. Alors que le monde est depuis presque un an touché de plein fouet par une pandémie dont les conséquences sociales et économiques sont déjà désastreuses, la ligue n'a pas été épargnée.

Avec l'annulation des Homestands, c'est l'un des plus gros projets d'Activision-Blizzard qui part en fumée. Plus de marketing local, donc plus de vente de maillots, ne parlons pas des billets... Les rentrées financières sont quasi inexistantes alors qu'un slot en Overwatch League est estimé entre 30 et 60 millions de dollars. Pourtant Adyboo l'affirme : "Si le business model avait eu sa chance, cela aurait pu changer à jamais le futur de l'esport."

Suite à ce mauvais coup du destin couplé à des prises de décisions discutables, il a très vite fallu s'adapter — chose que la ligue a en partie su faire. L'organisation de mini-tournois comme le May Melee au sein même de la saison régulière a permis de redynamiser une compétition qui devait initialement se dérouler à travers le monde et avec du public.

L'annonce des Homestands de Paris - Overwatch
L'annonce des Homestands de Paris

Était-ce suffisant pour sauver la ligue ? Tout juste. Les organisateurs pouvaient-ils faire beaucoup plus ? Pas vraiment. Il faut maintenant qu'ils s'inspirent de ce qui a marché cette année et apprennent de leurs erreurs pour permettre à l'Overwatch League d'exister "pendant encore minimum dix ans", espère Adyboo.

Les équipes de l'Overwatch League sont elles aussi directement affectées par le COVID-19, puisque comme Zaroide le dit "c'est sur les Homestands que Blizzard a vendu aux investisseurs que les équipes feraient de l'argent."

Il faut se réorganiser. Paris Eternal devait jouer sur plusieurs continents dont l'Europe. Cela aurait été l’occasion pour les joueurs de rencontrer les fans, mais aussi de revoir leurs proches. Contrairement aux Américains ou Coréens, nos Frenchies n'ont pas pu rentrer chez eux.

A la charge mentale causée par les entraînements quotidiens s'est ajoutée celle dûe à la pandémie mondiale. Le soutien de la communauté devient alors quasiment indispensable.

La Parisian Touch

La communauté française a toujours été très mobilisée sur Overwatch. Il suffit de regarder l'engouement que la phase de poule parisienne a suscité lors de la World Cup 2018. Les murs de la Défense Arena ont alors tremblé sous les cris des fans faisant l'éloge du DPS star de l'équipe avec un slogan devenu aujourd'hui mythique : "SoOooooon."

Dans la foulée survient l'annonce que huit nouvelles équipes rejoignent l'Overwatch League pour l'année 2019. Paris Eternal en fait partie. Il n'en fallait pas plus aux supporters français pour réveiller leur ferveur patriotique.

Ensuite vient l'histoire que l'on connaît tous avec une première saison désastreuse puis un retour en force avec un roster franco-coréen. D’abord boudé par les fans, il a très vite fait l’unanimité.

La première réaction logique est donc celle d'être déçu suite aux annonces de départ. L'équipe a bien performé. C'est normal d'être en colère de perdre ce collectif. Adyboo ajoute cependant que "tout cela n'est pas inattendu par rapport à la saison précédente." Les soucis au niveau de la gestion et du sponsorship sont certainement liés à cette décision. Alors que faire maintenant ?

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Il reste plusieurs options aux fans, et nos Bro'casters sont plutôt d'accord sur le sujet : soit on supporte les joueurs de Paris Eternal, et donc qu'importe l'équipe où ils iront ; soit on supporte Paris Eternal plus que son roster, et il faudra attendre de voir le visage qu'elle aura en 2021 avant de se faire une idée.

Cela pose malgré tout un autre problème : celui de l'identité française. Alors que l'équipe avait mis un point d'honneur à tout faire pour que Paris Eternal soit composée d'un roster majoritairement français, on a du mal à voir comment cela pourra encore être le cas en 2021. Comme le souligne Shaytwan, "c'est au niveau commercial que cela aura le plus d'impact."

Si l'idée des Homestands est simplement repoussée, il faut penser sur le long terme. On peut se demander si faire jouer une équipe parisienne, en France, pour que les fans français la soutiennent avec leur argent, qui ne compte aucun joueur venu de l'Hexagone, n'est pas un projet plus nébuleux qu'ambitieux...

Et si tout n'est qu'une question d'argent, pourquoi prendre cette décision de remercier trois des joueurs phares de l'équipe alors que leurs performances étaient bonnes et qu'ils étaient tous Français ? C'est là que les nouveaux budgets de la ligue entrent en jeu.

Des budgets au régime

Si vous ne le saviez pas encore, le format budgétaire ainsi que les contrats changent pour la saison à venir. L'objectif ? Favoriser les structures qui peinent souvent à joindre les deux bouts. Ainsi, une équipe pourra décider de se séparer de l'un de ses talents avec seulement un mois de préavis et pourra également revoir à la baisse le contrat de ses joueurs pour atteindre le salaire minimum.

Cela concerne les vingt équipes franchisées, Paris Eternal y compris. D'après Zaroide, les trois joueurs étaient supposément sur un contrat en 2+1. Quèsaco ? Il s'agit simplement d'un contrat sur deux ans (2) stipulant que l'équipe peut faire ce qu'elle veut du joueur (+1).

À propos des salaires, Zaroide confie que "BenBest et NiCOgdh étaient proches du salaire minimum" qui s'élève à 50 000 dollars par saison (soit environ 43 000 euros). "Pour SoOn, la situation est un peu différente puisqu'il a été racheté auprès de Los Angeles Valiant."

Les statistiques publiées par Activision Blizzard montrent que la moyenne salariale en Overwatch League est d'un peu plus de 100 000 dollars par saison, le montant médian étant de 92 000 dollars. On peut donc imaginer que SoOn touche une somme relativement proche de ces chiffres. Bien loin des 200 000 dollars que peuvent empocher les superstars de la ligue.

Zaroide précise également que "Paris aurait eu la possibilité de ne pas les reconduire sur leurs contrats signés en 2018 pour leur en proposer des nouveaux." La structure aurait très bien pu expliquer la situation et les coupes budgétaires qu'elle entraîne aux joueurs tout en leur proposant de continuer de faire vivre le projet en se serrant un peu la ceinture pour une année transitoire. Néanmoins il est très clair : "Ce n'est pas une option qui a été envisagée."

Vraisemblablement, aucun contact de ce genre n'a été pris par l'équipe. Aucune explication n'a été donnée aux joueurs qui ont appris quasiment en même temps que tout le monde qu'ils étaient congédiés. Selon Zaroide toujours, "Xzi et FDGoD ne resteront pas à Paris". Quel est le projet alors ?

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L'équipe aura bel et bien un roster pour janvier. L'inquiétude demeure sur le visage qu'il aura. Un staff et des joueurs coréens coûtent cher, on imagine donc mal Paris aller dans ce sens. Mais quelles sont les options restantes ? La scène T2 peut-être.

Recruter des joueurs des Contenders ou moins connus n'est pas une alternative intéressante. "Changer ses joueurs pour en prendre des moins chers ne signifie pas un niveau de jeu moins qualitatif." Shaytwan poursuit : "Cela permet également de faire tourner la scène ce qui, d'après moi, n'est pas une mauvaise chose."

Face à la réalité financière, les équipes n'ont pas d'autre choix que de trouver des solutions pour sortir la tête de l'eau. Est-ce la raison pour laquelle trois des meilleurs joueurs de l'équipe sont désormais "Looking For Team" (LFT) ? Impossible de l'affirmer mais les indices vont dans ce sens.

Reste à savoir si cette décision a été mûrement réfléchie. Si tel est le cas et que le travail en amont a été bien fait, on imagine que la structure a déjà fait des try outs et qu'elle a mandaté un General Manager ou un Head Coach pour effectuer des recrutements. Si à l'inverse, le choix de congédier ces trois joueurs a été fait à la hâte, la situation semble bien plus problématique pour Paris Eternal.

Elle a jusque début janvier pour déclarer son roster d'au moins sept joueurs à Activision-Blizzard afin de pouvoir participer à la prochaine saison de l'Overwatch League. L'intersaison est déjà bien entamée. Deux mois c'est court, encore plus lorsque tous les bons transferts ont déjà été effectués. "Paris Eternal est en retard sur tous les plans", souligne Zaroide. "Le bébé est en train de sombrer."

Adyboo craint aussi pour l'avenir de l'équipe. "Je n'ai pas l'impression qu'il y ait de projet Paris Eternal bien fixé. C'est pour le moment un gigantesque point d'interrogation." Et si l'idée de voir de jeunes joueurs de la scène T2 française rejoindre ses rangs fait saliver, dans les faits il est possible qu'il en soit tout autrement.

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L'Overwatch League en sursis ?

Quand on regarde d'un peu plus près le cas Paris Eternal, on se rend vite compte que la structure doit affronter des problèmes qui s'appliquent plus généralement à l'Overwatch League et à Activision-Blizzard. D'après Adyboo, il faut absolument que la franchise de Drew McCourt "engage une équipe de communication", Shaytwan conseillant à la ligue de faire de même.

Il faut dire qu'en plus de ses joueurs, Paris Eternal a congédié dans le même temps l'entièreté de son staff en charge de la communication et du marketing. Concrètement, cela signifie que plus personne ne s'occupe de l'équipe.

Le bateau se retrouve donc sans équipage et les quelques rescapés se retrouvent bien seuls pour gérer une telle machine. Avalla, l'Assistant General Manager, doit tout superviser. De l'organisation des trials de Paris Eternal aux réseaux sociaux, en passant par le recrutement d'un nouveau staff.

Comme le souligne Zaroide : "Tu mets la responsabilité du rebuild de l'équipe sur les épaules d'une seule et même personne" ce qui sonne comme une solution de secours plus qu'autre chose.

Cela n'est pas sans rappeler la ligue au global. Avec deux changements de commissaires en l'espace de quelques mois et le départ de plusieurs figurines emblématiques de la scène esport en janvier dernier, la ligue accuse un peu le coup.

Pete Vlastelica, ancien commissaire de l'Overwatch League. - Overwatch
Pete Vlastelica, ancien commissaire de l'Overwatch League.

Il faut ajouter à cela l'arrivée en juin d'un concurrent de poids sur le marché : Valorant. On ne peut s'empêcher de penser que le FPS de Riot Games a eu son rôle à jouer dans la tourmente que vit l'Overwatch League. De nombreux joueurs stars — on pense notamment à sinatraa ou Hyp — ont décidé de fuir la ligue dont l’avenir est encore aujourd'hui incertain. Notons que SoOn y songe également puisqu'il l’a clairement dit lors de l’un de ses streams.

Pourtant, le circuit de ce nouveau jeu esport n’est même pas réellement construit. Tout est encore très jeune, et même si Riot a rarement déçu en ce qui concerne l'aspect compétitif de ses franchises, on peut se demander si le défi n'est pas plus risqué que de rester dans une ligue qui existe depuis trois ans déjà. "C'est un pari sur l'avenir", soutient Shaytwan.

Ne pas trouver de nouvelle équipe, le ras-le-bol de la gestion parfois chaotique de la structure Blizzard et la pression de performer sont autant de raisons qui pourraient pousser des pros à partir pour une herbe qu'ils espèrent plus verte ailleurs. Shaytwan précise : "Tu peux être lassé de l'ambiance globale de l'esport. [...] Annoncer qu'on est free-agent c'est une manière de dire 'je ne suis plus dans l'équipe' sans dire qu'on se retire de la compétition, mais ce n'est pas impossible."

Adyboo se questionne : "Est-ce que les Français ont la cote en Overwatch League hormis pour les Français?" Il semble légitime, surtout si on regarde d'un peu plus près les cas d'AKM et uNKOE qui ont rapidement été mis de côté. "C'est un peu Dallas Fuel qui les a mis sur Valorant quelque part."

Un projet éphémère

Il y a donc la possibilité d'une année de transition pour Paris. Il y a aussi celle de l'abandon pur et dur du projet de Drew McCourt qui voulait, initialement, garder un lien fort avec la communauté européenne. Zaroide en évoque une troisième. "Cela ressemble à une liquidation ce qui est en train de se passer. On vire tout le monde, on réduit les coûts au maximum et puis derrière on revend le slot (pour 2022)."

Autre facteur à prendre en compte : les VISA. Alors que les élections américaines sont actuellement en train de se jouer, Zaroide précise "qu'aujourd'hui, si tu quittes les US c'est compliqué d'y retourner. [...] C'est un truc qui prend du temps, qui n'est pas garanti et qui en plus coûte de l'argent et de l'énergie à la structure." Il serait donc plus facile de prendre des joueurs américains.

Personne n'a aucune idée du projet puisque rien n'a été officiellement communiqué par la structure. Zaroide pense déjà à "un projet discount sans l'identité Paris Eternal." Concernant nos joueurs français, on espère les voir jouer lors de la saison 4, mais comme le dit Adyboo "ce n'est pas sûr à 200% qu'on les retrouve en Overwatch League l'année prochaine."

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Clémence LEMOAL
Idril  - Rédactrice en cheffe adjointe

Rédactrice en cheffe adjointe de MGG. Experte dans le genre action-aventure, RPG mais aussi des jeux plus cosy. Si vous me demandez de faire un choix, il est évident : The Last of Us.

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