Crédit photo : Timo Verdeil (Léo Maurice) et Guillaume Anjoran (Yann-Cédric Mainguy)
Ils se connaissent depuis des années. A vrai dire, ils font à peu près la même chose depuis dix ans, et depuis 2017 ils s’affrontent régulièrement en LAN, au point de créer cette relation unique à mi-chemin entre la rivalité et la complicité. Ce ne sont pas des joueurs et pourtant ils vivent la compétition en dehors de l’arène, dans les coulisses de la ligue.
Tous deux sont des managers.
Le premier s’est fait un nom en fondant le Meltdown en 2012, mais on pouvait apercevoir son visage dans la plupart des LAN françaises dès le milieu des années 2000. Alors joueur de ce qui correspondrait aujourd’hui au subtop français de Counter-Strike, Yann-Cédric Mainguy échoue à faire carrière face à l’absence d’une véritable scène professionnelle. En 2015, il rejoint GamersOrigin en tant qu’associé, puis devient Head of eSports l’année suivante.
Le second a fait partie de la première génération de joueurs français de League of Legends. Eclypsia.Luna, aAa, SPARTA : certains se souviendront de la glorieuse époque où Léo “Lounet” Maurice officiait en tant que Support. Après cinq ans de LAN et de compétitions, Lounet fait un passage rapide chez Melty eSport Club en tant que coach, avant de rejoindre LDLC en tant que Manager en 2015. La même année où Yann-Cédric Mainguy devient lui-même en charge du roster de GamersOrigin.
Le recrutement des joueurs, la logistique ou encore l’administratif : depuis quatre ans, ces hommes de l’ombre travaillent pour rendre la compétition possible, en forgeant des rosters capables d’aller arracher des victoires et soulever des trophées.
Du Spring Split de la LFL aux European Masters
Avec la LFL, GamersOrigin comme LDLC OL ont aujourd’hui trouvé une ligue dans laquelle ils pouvaient briller.
Pourtant, du côté de GamersOrigin, le pari n’était pas gagné dès le début. Après un départ en fanfare lors du Spring Split 2019, et une 3ème place du podium décrochée en Playoffs, GamersOrigin dégringole à la 6ème place lors du segment d’été, hors de portée du titre. “Une année où on a mal réfléchi à notre roster,” selon Yann-Cédric Mainguy, “et où ça s’est mal passé.”
Pour LDLC OL, l’année 2019 était au contraire celle de toutes les victoires. Premiers au classement à l’issue des deux splits, vainqueurs des deux Playoffs, les joueurs lyonnais achèvent alors leur grand chelem avec deux titres en poche. Pourtant, que ce soit au printemps ou à l’été, leur rodéo s’achève systématiquement en quarts de finale des European Masters. Dominants sur le sol français, les lions de LDLC échouent alors à s’asseoir sur le trône d’Europe.
“Y avait un truc, dès qu’on était en European Masters, ça marchait pas,” commente Léo “Lounet” Maurice. Pourtant, l’année 2020 semble avoir annoncé la fin de cette malédiction, puisque LDLC OL repart enfin victorieux des European Masters, après une finale expéditive l’ayant opposé à K1CK Neosurf. Malheureusement, cette victoire au sommet de l’Europe reste entachée d’une défaite car, après avoir dominé le Spring Split 2020 de la LFL, LDLC s’est vu arracher le titre de champion de France par GamersOrigin.
“On a fait 12-2 sur le Spring, je pensais pas qu’on pouvait perdre” explique Lounet alors que Yann-Cédric Mainguy rigole doucement, “Et on s’est pris 3-0 au final.”
Faisant table rase du Summer Split 2019, GamersOrigin talonne LDLC durant l’intégralité du Spring Split 2020, semblant parfois capable de détrôner les champions en titre. Malheureusement, l’équipe souffre de ses irrégularités.
“On s’est rendu compte qu’on avait une équipe qui était capable de battre n’importe qui, en mettant de très bons matchs,” explique Yann Cédric-Mainguy “puis qui faisait des matchs catastrophiques contre des équipes beaucoup moins fortes.”
Grâce à une 3ème place décrochée à l’issue de la saison régulière, GO s’envole tout de même vers les Playoffs, et rejoint LDLC OL en finale après avoir vaincu Vitality Bee et Misfits Premier. Pour Yann-Cédric Mainguy, cette finale est à l’image du match ayant opposé GamersOrigin à Vitality, en finale de l’Open Tour 2018.
“On les attendait en finale, ils avaient remonté l’arbre. Ils sont arrivés et ils nous ont éclatés, parce qu’ils étaient en remontée.”
L’histoire semble se répéter à l’inverse, car GamersOrigin crée en effet la surprise en arrachant trois promptes victoires à domicile, et le titre de champion de France au passage.
Le retour de YellOwStaR
Difficile de passer sous silence le rôle joué par l’épidémie du coronavirus puisque les mesures sanitaires ont forcé les différentes équipes de la LFL à changer les conditions dans lesquelles leurs joueurs s’entraînent et jouent. Et, si la pause ainsi que le passage au format online ont apparemment réussi à GamersOrigin, c’est semble-t-il le contraire pour LDLC OL.
Confinés chez leurs parents ou chez eux, les joueurs de LDLC n’ont pas pu compter sur l’encadrement habituel de Bora “YellOwStaR” Kim, tandis que le roster de GamersOrigin a pu s'appuyer sur l’indépendance de ses joueurs. Pour Yann-Cédric Mainguy, il est absolument impossible de négliger l’impact du vétéran sur la performance de LDLC.
“Je pense que l’avantage qu’a LDLC par rapport à nous, c’est d’avoir quelqu’un comme YellOwStaR qui, avec son expérience et son passé, permet de remonter le moral des troupes à n’importe quel moment. Et il nous manque peut-être un joueur comme ça. Un leader, un mec posé qui panique pas.”
Pourtant, là encore, le pari n’était pas gagné d’avance, car le retour dans la Faille de YellOwStaR a clairement fait jaser la communauté française. Semblant oublier les années légendaires où Kim jouait en compagnie de Fnatic, d’aucuns remettaient en question sa capacité à performer en pointant du doigt ses quatre années en tant que coach.
D’autant plus qu’il est devenu père récemment, et que “une vie de papa en LFL, on s’y attend pas.”
Bien au contraire, Yann-Cédric Mainguy pense que le Support est un des atouts phares de LDLC, que ce soit par son aura et sa capacité à leader les joueurs vers la victoire, ou simplement parce que son expérience en tant que coach lui permet d’avoir un peu plus de recul.
“YellOwStar, il voit la map comme nous on la voit en observateurs” explique Yann-Cédric Mainguy. Il est cette personnalité forte autour de laquelle gravite LDLC, une clef de voûte indissociable de leur réussite.
Malgré cet atout, LDLC se fait coiffer au poteau en finale des Playoffs par des GamersOrigin remontés à bloc. Une victoire dont l’éclat est nuancé par le niveau de jeu de LDLC, loin d’être au top de sa forme.
“Je pense qu’ils étaient mieux préparés, ils étaient dans des conditions qu’ils préféraient.” commente Léo Maurice. “Nous c’était pas forcément le cas, et on s’est pris un gros 3-0, un no-match quoi.”
Mais la compétition ne s’arrête pas là. De rivaux, les deux finalistes de la LFL s’apprêtent alors à devenir alliés sur le sol européen en représentant la France aux European Masters.
Le rêve d’une finale franco-française
“En fait, ça s’est super bien goupillé.” commente Yann-Cédric Mainguy, “On n’était pas dans le même groupe… Enfin ça, c’était attendu, mais qu’on soit de l’autre côté de l’arbre et qu’on ait la capacité de se retrouver l’un contre l’autre en finale, alors qu’on aurait pu se retrouver en quarts, bah c’était génial.”
Le roster LDLC se fait peur en Group Stage, mais sort victorieux du Tiebreak, et le rêve d’une finale franco-française au sommet de l’Europe semble pouvoir se réaliser. Malheureusement, celui-ci est éventé en quarts de finale, GamersOrigin succombant à K1CK Neosurf.
“GO, ils ont eu le groupe le plus facile aux European Masters,” explique Léo Maurice, “mais ils sont tombés contre l’équipe qui était pour moi la plus forte en quarts.”
Pour LDLC, le parcours continue jusqu’en finale, où l’équipe retrouve K1CK Neosurf pour un match revanchard venant venger “les bros de la LFL.”
“Y a pas eu de FF mental, y a pas eu de négativité durant toute cette période. C’était que du mindset et de la communication. Genre on arrivait avant les games et tout le monde était heureux.”
“A la fin, quand on a perdu, on était dégoûtés.” affirme Yann-Cédric Mainguy “Mais c’était sincère en interne : on espérait vraiment que LDLC allait montrer à l’Europe que la France est la meilleure.”
Et le moins qu’on puisse dire, c’est que LDLC ne déçoit alors ni GamersOrigin, ni les fans de la LFL. Un 3-0 en apparence expéditif offre finalement à LDLC son premier titre en European Masters, mais ce Best of 5 était loin d’être une promenade de santé.
“C’était galère contre K1CK, même si on a gagné 3-0.” explique Léo Maurice, “S’ils avaient été un peu meilleurs, on aurait probablement dû perdre les deux dernières games qu’on a gagné.”
Pour LDLC, le fait de perdre contre GamersOrigin en finale de la LFL a été un “électrochoc”, doublé par la frayeur d’un tiebreak en sortir du Group Stage des European Masters. Et ces deux claques sont justement venues motiver le roster.
LDLC OL repart avec le trophée des European Masters, semblant affirmer que la France est la meilleure nation européenne de League of Legends. Bien que GamersOrigin ne soit parvenu qu’en quarts, la victoire de LDLC OL cette année, celle de Misfits Premiers l’année dernière ainsi que toutes le performances des équipes françaises, sont autant de résultats qui sont venus confirmer cette domination.
Et pour l’affirmer, Yann-Cédric Mainguy n’a finalement pas besoin de cette finale franco-française pourtant tant attendue par les fans.
“Pour moi, la LFL est au dessus des autres ligues actuellement” conclut le directeur eSports de GamersOrigin.
Mais pourquoi ? Qu’est-ce qui fait de la LFL la meilleure des European Regional Leagues ? Yann-Cédric Mainguy et Léo Maurice nous fournissent quelques éléments de réponse dans le second article de cette série, à paraître d’ici quelques jours.