En créant son jeu de plateau Les Colons de Catane (Die Siedler von Catan) en 1995, Klaus Teuber ne se doutait sans doute pas du succès qu'allait rencontrer celui-ci. Il a en effet été traduit dans de nombreuses langues, a donné lieu à pas mal d'extensions, ainsi qu'à une adaptation sur PC et sur smartphone, et est désormais décliné en réalité virtuelle sous le nom de Catan VR. Klaus Teuber a d'ailleurs participé en personne à cette création en collaboration avec le studio de développement Experiment 7, déjà derrière Magic Table Chess et Dungeon Chess, deux jeux d'échec en VR destinés à l'Oculus Rift. Edité par Asmodee Digital, Catan VR est également disponible sur l'Oculus Store pour 14,99 € sur Oculus Rift et pour 9,99 € sur Samsung Gear VR, et sera accessible sur l'Oculus Go dès sa sortie.
- Genre : Simulateur de Jeu de Société
- Date de sortie : 23 mars 2018
- Plateforme : Oculus Rift, Samsung Gear VR (et Oculus Go lors de sa sortie)
- Développeur : Experiment 7
- Éditeur : Asmodee Digital
- Prix : 14,99 € (Rift), 9,99 € (Gear VR)
Qu'attends-tu pour lancer les dés ?
Catan VR reprend à l'identique le jeu de plateau original. Vous vous retrouvez donc assis autour d'une table face à 3 adversaires pour disputer une partie des Colons de Catane. Pour ceux qui ne connaîtraient pas le jeu, Catan est une île sur laquelle vous êtes les premiers colons à mettre les pieds. Vous devrez donc rapidement établir des routes pour explorer l'île et recueillir ses ressources afin de développer votre colonie, car vous n'êtes pas seul à avoir débarqué ici, et les premiers arrivés seront les premiers servis. Le commerce sera un autre moyen de vous procurer ce dont vous avez besoin mais encore faut-il avoir de quoi échanger.
L'île est découpée en 19 hexagones, chacun d'eux étant consacré à l'une des cinq ressources nécessaires à votre croissance et donc votre victoire : bois, laine, blé, argile et minerai. Nous nous retrouvons ainsi face à 4 cases de forêts (bois), de pâturages (laine), et de terres arables (blé), ainsi que 3 cases de collines (argile) et de montagnes (minerai), auxquelles il faut ajouter une case désert ne produisant rien mais sur laquelle se trouve au départ un voleur.
Au début de chaque partie, tous les joueurs doivent déposer deux colonies et deux routes et il faudra ensuite disposer des ressources nécessaires pour en construire davantage ou pour upgrader une colonie en ville. Pour cela, chacun joue à son tour, en commençant par lancer deux dés de 6 faces permettant d'obtenir 11 résultats différents, de 2 à 12. Or, chaque case s'étant vu attribuer l'un de ces numéros en début de partie, cela permet de connaître celle(s) qui donnera(ont) lieu à une production au cours du tour, en fonction du type de terrain concerné. Chaque colonie adjacente reçoit une production correspondante sous forme de carte, et chaque ville adjacente en reçoit deux.
Tous les numéros se retrouvent sur deux cases, ce qui donne donc lieu à deux productions, sauf le 2 et le 12, les moins probables, qui ne sont représentés qu'une seule fois, ainsi que le 7 qui détient la statistique la plus élevée et qui ne correspond à aucune case (ou alors le désert qui n'a pas de numéro). En effet, dans le cas d'un tel résultat, non seulement aucune production n'a lieu, mais il faut aussi se défausser de la moitié de ses cartes ressources (arrondi à l'entier inférieur) si l'on en détient 8 ou plus en main. De plus, celui qui a jeté le dé déplace le voleur sur une case de son choix qui ne pourra plus produire tant qu'il s'y trouvera, et tire une carte ressource au hasard dans la main d'un joueur possédant une construction adjacente (il peut choisir lequel s'il y en a plusieurs).
Une fois cette première étape franchie, le joueur dont c'est le tour peut proposer un ou plusieurs échanges de ressources avec les autres joueurs ou auprès de la banque. Cependant, cette dernière propose un ratio de 4 contre 1, ce qui n'est vraiment pas intéressant. On peut toutefois construire une colonie, puis une ville adjacente à un port, ce qui réduit le taux de change auprès de la banque. Si le port indique un point d'interrogation, toutes les ressources passent à 3 contre 1, et s'il désigne une ressource particulière, alors celle-ci seulement passe à 2 contre 1.
Enfin, le joueur peut aussi, à condition de détenir les ressources nécessaires, construire une route (15 au maximum) qui doit toucher une autre de ses routes ou une de ses constructions, une colonie (5 au maximum) distante d'au moins une intersection de toute autre construction et en contact avec une de ses routes, une ville (4 au maximum) en remplacement d'une colonie existante ou encore acheter une carte de développement. Celle-ci, qui ne pourra être jouée qu'au tour suivant, sera au hasard soit une carte chevalier permettant de déplacer le voleur avec les avantages que cela implique, soit une carte monopole obligeant tous les joueurs à lui donner les cartes de la ressource de son choix en leur possession, soit une carte construction de routes permettant de poser gratuitement deux routes, soit une carte année d'abondance octroyant la possibilité de prendre deux cartes ressources de son choix auprès de la banque, soit enfin une carte point de victoire faisant bénéficier, comme son nom l'indique, d'un point de victoire supplémentaire qui sera dissimulé aux adversaires jusqu'à ce qu'il permette d'obtenir la victoire définitive.
Le but du jeu est simplissime : le premier joueur qui cumule 10 points de victoire remporte la partie. En plus de ceux pouvant être obtenus par le biais des cartes de développement, ces points s'obtiennent essentiellement grâce aux colonies possédées (un point de victoire chacune) et aux villes (2 points de victoire chacune). Enfin, deux marqueurs permettent également d'obtenir deux points de victoire supplémentaires : celui de la route la plus longue, obtenu par le premier joueur atteignant 5 routes continues, et celui de l'armée la plus grande, attribué au premier joueur ayant joué 3 cartes chevalier. Ces marqueurs ne sont toutefois pas attribués de manière définitive et seront perdus au profit du joueur qui obtiendra une route plus longue ou une armée plus grande. Jouer le(s) marqueur(s) est donc un défi risqué puisqu'il faudra dépenser ses ressources dans les routes et/ou les cartes de développement qui ne rapportent pas directement des points, au détriment des colonies et des villes qui rapportent des points, mais aussi des ressources. En même temps, ne pas s'en occuper pourrait laisser l'avantage aux adversaires qui le feront. De ce fait, Catan repose beaucoup sur les choix stratégiques qui nous mèneront à notre succès ou à notre perte.
Assieds-toi et joue
Afin de bien comprendre et maîtriser les règles du jeu, un tutoriel est proposé sous forme de vidéo. Néanmoins, celui-ci est entièrement en anglais, comme tout le reste du jeu, sans sous-titrage. L'ensemble de l'expérience proposée par Catan VR s'accompagne d'une musique qui aurait pu s'avérer rapidement lassante du fait de sa répétitivité, mais elle sait être discrète et passe finalement inaperçue. Histoire de varier les plaisirs et pour que chaque partie soit différente, les numéros attribués aux cases changent à chaque fois, comme dans le jeu original, mais on peut aussi modifier de manière aléatoire le positionnement des différents hexagones sur le plateau.
Sur le plan technique, il n'y a pas grand chose à signaler, mis à part quelques soucis passagers de repositionnement de vue intempestifs ainsi que l'impossibilité rageante de fermer certaines fenêtres, à l'image de celle du tutoriel. Sinon, tout le reste va de soi, la manipulation est très intuitive, on peut même déplacer l'interface si son positionnement sur notre droite légèrement en bas ne nous convient pas. Un petit regret ira tout de même vers l'utilisation de nos mains. On peut certes sélectionner les actions avec un pointeur ou en touchant avec le doigt, mais il aurait peut être été judicieux, d'un point de vue réalisme, de nous laisser lancer les dés plutôt que cela se fasse automatiquement. Ce plaisir simple est un des attraits des jeux de société après tout.
Jeu de plateau oblige, toutes les parties se passent assis, immobile devant le plateau de jeu. Le décor retenu colle à l'ambiance du jeu puisqu'il s'agit d'une auberge toute en bois décorée de divers tableaux et avec une magnifique vue sur le soleil couchant derrière la colline (le symbole de Catan). Le style graphique cartoonesque est plutôt agréable, mais comme l'on restera souvent au même endroit, il aurait été appréciable de mettre un peu de variété en permettant de changer de décor. C'est ce que les développeurs ont aussi dû se dire puisqu'il est possible de changer de lieu de jeu. Malheureusement, sur ce plan, bien que de qualité comparable, c'est un peu pauvre puisqu'un seul autre "terrain de jeu" est disponible : un intérieur japonais. Il y a bien la possibilité de changer la décoration (les tableaux) mais c'est un peu juste et, encore une fois, les propositions ne sont pas légion.
Pour ce qui est du plateau de jeu, celui-ci prend plus de relief en VR, mais une option est tout de même proposée aux inconditionnels du jeu originel pour retourner au plateau classique avec ses routes en bouts de bois et ses pions simplistes. A moins d'être un puriste, c'est tout de même dommage de ne pas profiter de la réalité virtuelle pour voir l'île de Catan prendre vie. On peut en effet observer diverses animations : un oiseau qui plane, une tornade dans le désert, un moulin avec ses ailes qui tournent, des moutons paissant l'herbe, quelques oscillations de l'eau autour de l'île et les échanges de cartes et de ressources. On en aurait tout de même aimé un peu plus, pourquoi pas des villageois qui circulent sur les routes ou qui travaillent dans les champs par exemple, ou des commerçants circulant entre les villes, voire des soldats aussi. On peut également voir les adversaires bouger, mais l'IA représente les personnages sous forme de cartes, ce qui donne un style mais nuit à l'immersion. Ceux-ci sont animés mais il ne s'agit que d'une animation en 2D. Les joueurs réels, eux, sont représentés par leur masque (que l'on peut choisir parmi quelques propositions) et leurs mains, ce qui est un peu plus réaliste.
Catan VR peut en effet être joué en multijoueur, et c'est bien là une grosse partie de son intérêt pour profiter de toute la convivialité qu'il propose et sur laquelle repose le succès du jeu de base, conjuguée à sa profondeur stratégique qui n'empêche pas la simplicité de ses règles. Et cela, Experiment 7 l'a bien compris et propose d'ailleurs une expérience cross-platform afin de multiplier les possibilités de trouver des camarades de jeu en mélangeant les joueurs sur Oculus Rift avec les joueurs sur Samsung Gear VR ainsi que, bientôt, ceux sur Oculus Go. Malheureusement, à l'heure actuelle, à moins de disposer d'amis eux-mêmes équipés d'un des casques sus-cités, il faudra s'armer de beaucoup de patience si l'on compte recourir au matchmaking, ce qui fait que l'on se rabattra bien souvent sur une partie contre l'IA. Espérons que par la suite, notamment avec l'arrivée de l'Oculus Go, la fréquentation soit plus grande, et pourquoi pas aussi avec la sortie du jeu sur d'autres casques VR.
Allez, venez les amis
Le gameplay de Catan VR repose sur sa dimension tactique et stratégique avec les échanges de ressources au coeur du jeu. Il faudra en effet sans cesse faire des choix, à commencer par bien placer ses colonies en fonction des ressources auxquelles elles donneront droit ou des avantages procurés par les ports, ou encore du chiffre affecté aux cases limitrophes. On peut aussi les placer de façon à circoncir le développement d'un adversaire. Et il faudra sans cesse choisir ce que l'on veut produire. Ériger une nouvelle colonie peut faciliter l'accès à de nouvelles ressources, mais une ville permettrait d'accroître la production. Développer le réseau routier peut permettre de bloquer un adversaire, d'atteindre un point particulier pour y créer une nouvelle colonie, ou simplement d'obtenir la route la plus longue. Mais on peut aussi tenter notre chance avec les cartes de développement afin, par exemple, d'obtenir l'armée la plus grande, ou simplement des points de victoire. Quel que soit notre choix, il faut encore disposer des ressources nécessaires pour atteindre notre but (chaque production demande des combinaisons de ressources différentes).
Or sur ce plan, certains reprochent à Catan la trop grande importance du hasard (ce sont les jets de dés qui déterminent les ressources obtenues). Certaines variantes des Colons de Catane existent d'ailleurs en ce sens : Les Colons de Catane équitable (un seul dé de 10 au lieu de 2 dés de 6 pour des statistiques plus équilibrées), Les Colons de Catane vraiment équitable (un seul dé de 12 pour retrouver les statistiques primordiales du voleur), La Pauvreté n'est pas un Vice (si l'on ne reçoit pas de ressource, on obtient un jeton à cumuler que l'on échange ensuite contre des ressources), Tremblement de Terre (redistribution régulière des numéros, notamment pour lutter contre la rareté des 2, 3, 11 et 12). Mais aucune de ces variantes n'a été prévue dans Catan VR, cela ne semblait pourtant pas bien difficile d'ajouter ces options.
En attendant, on peut toujours cumuler les ressources jusqu'à avoir ce qu'il faut mais on court alors le risque d'en perdre la moitié si le voleur intervient et que l'on dispose de plus de 7 cartes ressources. Si bien que l'on se résoudra parfois à faire avec ce que l'on a ou à compter sur les échanges. Et sur ce dernier point, il est incontestable que jouer avec des amis reste la meilleure option, d'autant plus que l'on peut communiquer oralement. Avec des inconnus, l'expérience risque d'être un peu moins agréable, et peut devenir compliquée en cas de barrière de la langue. Quant à jouer contre l'IA, c'est tout un pan du jeu qui disparaît. En revanche, contrairement aux jeux de société dont c'est la grosse difficulté, on peut jouer à tout moment, même sans amis. Et, contrairement au PC ou au smartphone, en VR on se retrouve devant un vrai jeu de plateau. Si l'on rajoute la mobilité apportée prochainement par l'Oculus Go, il sera même possible d'y jouer n'importe où. Et ça, c'est la grande force des jeux de société en VR.
Catan VR propose une expérience confortable et une bonne immersion dans le jeu de plateau, même s'il reste pour l'instant difficile de regrouper suffisamment de partenaires autour de la table. On reste toutefois face à un seul et unique jeu avec peu de variations même dans l'environnement proposé. A 15 € sur Oculus Rift, on serait en droit d'en attendre tout de même un peu plus. Au-delà des variantes, il y a également toutes les extensions qui auraient pu être incluses : Barbares et Marchands, Villes et Chevaliers, Les Marins de Catane, Pirates et Découvertes, Extensions 6 joueurs, largement de quoi renouveler le plaisir du jeu. Mais on peut toujours espérer que des DLC viendront combler tout ceci par la suite.
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