Le mois de mars a cela de formidable qu’il nous donne l’occasion d’observer ce qu’est un changement de saison. Plus encore que l’automne, qui prend du temps à s’installer, que l’hiver, que nous occultons - trop occupés par les fêtes de fin d’années - ou même que l’été, que nous attendons avec tellement d’impatience que nous le voyons dans le moindre rayon de soleil dès le mois de mai. Le printemps prend ses quartiers avec nonchalance en mars, sous nos yeux fatigués par une carence en lumière et donc en vitamine D. Il réchauffe lentement nos pupilles et nous signifie que oui, ça y est, on va enfin arrêter de se les peler.
Mais peut-on en dire autant dans le monde d’Azeroth ? Existe-t-il des climats saisonniers et donc, cyclique, rythmant le monde principal de notre MMORPG préféré ? En réalité, la question est moins facile à traiter qu’il n’y paraît.
Azeroth ne semble pas connaître de saisons, à proprement parler, telles que nous les connaissons dans le bas monde. Pas d’hiver universel qui recouvrirait les trois continents principaux de 10 cm de neige et pas non plus de canicule estivale. Le temps est attaché à chaque zone et si Dun Morogh reste imperméable au moindre rayon de soleil, aucune goutte de pluie n’est tombée sur Tanaris depuis des millénaires. Pourtant, les saisons paraissent bel et bien présentes, à travers le design de zones météorologiquement marquées. Dun Morogh pour l’hiver, Tanaris pour l’été ne sont que des exemples, on pourrait également citer le printemps perpétuel de la Forêt d’Elwynn, ou l’automne statique du Bois des Chants Eternels. Quelques zones semblent échapper à l’influence de la météo, comme Teldrassil, plongée dans les ténèbres perpétuelles de ses arbres gigantesques – enfin, faut reconnaître que le climat s’y est nettement « réchauffé » depuis l’intervention de Sylvanas. L’Outreterre ne connaît pas non plus de saisons, mais en même temps, elle fut tellement ravagée par la magie qu’elle n’est plus qu’un morceau de roche à la dérive dans l’espace. D’autres zones encore, sans s’apparenter à une saison précise, paraissent plus propices à un jeu pendant certaines périodes de l’année. Je vous expliquais, dans un précédent article, que j’encourageais les joueurs à accomplir les quêtes de Kul Tiras à l’automne, tant le background visuel et musical de la région, colle bien aux mois de septembre et octobre.
Pourquoi n’y a-t-il pas un cycle de saisons dans World of Warcraft, alors qu’il existe un cycle jour/nuit ? On pourrait invoquer une difficulté technique. Pour changer quatre fois de saisons sur une année, il faudrait des mises à jour, qui viendraient s’ajouter aux traditionnels patchs que nous téléchargeons régulièrement, et cela finirait sans doute par lasser le joueur impatient de poursuivre ses tribulations sur les terres d’Azeroth. C’est une explication, mais ce n’est pas la seule.
Nous jouons avec les réflexes acquis dans nos régions d’origine. En Europe, nous trouvons normal de voir refleurir les arbres en mars, les feuilles tomber en octobre et la grippe se propager en janvier. Pourtant, cette représentation des saisons qui est la nôtre est indissociable de notre hémisphère et de nos latitudes. Le joueur australien, lui, fête la fin de l’année sur sa terrasse et souvent sous la canicule. Le joueur singapourien ne voit pas tellement la différence entre les mois de juin et de novembre, si ce n’est par la mousson. World of Warcraft est un jeu qui, depuis sa première publication, s’est voulu universel, permettant aux joueurs partout dans le monde de trouver un univers d’évasion équilibré, à la fois suffisamment proche de leurs références et suffisamment surprenant pour les émerveiller. Pourtant, il était normal que le système des saisons reflète cette diversité. Une différenciation marquée des climats, à « l’occidentale », aurait été conçue comme excluante pour une bonne partie des joueurs non occidentaux.
En lieu et place, Blizzard a implémenté un concept de saisons « à la carte », ou la possibilité de choisir dans quelle saison, dans quel climat, on veut jouer. Les extensions successives et la multiplication des zones de jeu ont renforcé ce phénomène, avec l’arrivée de plusieurs groupes de zones différents pour progresser sur de larges échelles de niveaux. Le choix est l’objet du libre arbitre du joueur qui peut soit choisir de jouer dans une zone correspondant à sa temporalité saisonnière, soit opter pour un dépaysement total – les joueurs accrochés à Baie du Butin en plein hiver, c’est à vous que je parle, soit décider de ne prêter aucune importance à l’impact saisonnier – vous qui ne connaissez pas la dépression saisonnière, appréciez votre chance.
Ce qui est certain, c’est que World of Warcraft a introduit une forme d’autonomie des saisons, détachée des événements comme Halloween, les fêtes de fin d’année, ou les Solstices, pour offrir une palette climatique la plus variée possible. Alors, certes, l’extension Wrath of the Lich King était tombée à point nommé, en novembre 2008, nous permettant de courir les étendues enneigées du Norfendre pendant l’hiver 2009, mais son succès a bien dépassé les limites de la saison hivernale. On ne dira donc pas qu’il n’y a plus de saisons sur World of Warcraft, mais qu’il y en a finalement autant que le joueur ne veut en changer.
