La Playstation 5 manque encore d'exclusivités, mais peu de joueurs ont prêté attention à Returnal, un Rogue-Like par le studio finlandais Housemarque Games. Les titres de grande qualité n'ont pas manqué dans le genre ces dernières années, mais ce nouveau titre a des ambitions à un tout autre niveau, que ce soit en termes de réalisation, d'ambiance ou d'histoire, comme nous allons le voir.
- Genre : Rogue-Like, Jeu de tir à la troisième personne, Exploration, Horreur
- Date de sortie : 30 avril
- Plateforme : PS5
- Développeur : Housemarque
- Éditeur : Sony
- Prix : 69,99€ disponible sur Amazon
Selene rentrer maison
Returnal réserve une première surprise assez rare aux joueurs, celle de parvenir à développer avec beaucoup de succès une ambiance horrifique qui se développe petit à petit au fil de votre progression. Le jeu semble commencer comme tant de Rogue-Like dans lesquels il faut s'échapper ou atteindre un objectif quelconque au bout du labyrinthe, avec l'immortalité ou la boucle temporelle en excuse scénaristique pour justifier la préservation de certains bonus afin d'aller encore plus loin la prochaine fois. Mais c'est bien plus que ça, il s'agit ici d'une part intégrante de l'intrigue.
Les environnements explorés par Selene sont sombres et inquiétants, et les monstruosités tentaculaires qui sortent de partout n'aident pas à rendre les lieux accueillants, mais l'horreur ne vient pas de là. Au fil de sa progression à la surface changeante de la planète, elle découvre de plus en plus d'éléments perturbants qui viennent remettre en question la nature de sa situation. Si chacune de ses morts la ramène sur le lieu du crash à la surface la planète, pourquoi croise-t-elle ce qui semble être ses cadavres passés ? Il en est de même pour des messages qu'elle ne se souvient pas avoir enregistrés. Quid de l'antique maison perdue dans les bois et de l'astronaute qui la pourchasse ? Le tout avec une réalisation de haut vol, sans temps de chargement et avec des musiques d'ambiance appropriées pour le genre.
Le jeu n'hésite pas à nous faire passer en vue à la première personne lors de certains passages scénarisés de l'histoire, et l'ambiance devient alors assez terrifiante par moments, au point qu'on préférerait qu'un boss nous attaque directement pour briser la tension insoutenable. Tout cela ne manque pas de rappeler Alien: Isolation, d'autant qu'une grande partie de l'univers, des ennemis aux jeux en passant par l'ambiance, font que ces deux jeux se rapprochent. Si on y ajoute la boucle temporelle, les flash-backs et les propos de Selene, on se retrouve plus profondément immergés dans l'histoire, pour peu qu'on joue à Returnal dans de bonnes conditions (seul, avec des écouteurs et dans une pièce sombre idéalement).
Un des mérites de Returnal qui mérite d'être salué est que le jeu ne brise vraiment jamais l'immersion. Presque tous les éléments d'interface sont tirés du petit écran low-tech sur le brassard de Selene, et les ordinateurs à bord de l'épave de l'Helios ont tous le même design rétro-futuriste purement utilitaire. Le jeu ne vous propose quasiment jamais de menus : oubliez le fait de sauver ou de charger une partie, même le menu du jeu semble inexistant. Tout est fait pour nous plonger dans la peau de Selene, une protagoniste peu conventionnelle à bien des égards. Quelque part, le joueur est prisonnier du cycle avec elle, puisqu'il est impossible de modifier la difficulté ou de choisir comment aborder l'aventure. Notre seule option est de progresser en espérant en voir le bout, ce qui est fascinant sous certains aspects, mais cela peut aussi s'avérer frustrant, surtout pour les joueurs n'ayant pas un fantastique niveau de jeu.
Par vocation, les Rogue-Like sont des jeux difficiles, et la mort fait partie de l'expérience. Returnal ne fait pas exception en la matière. Si le début de l'aventure qui sert aussi de tutoriel est plutôt simple, la difficulté va rapidement augmenter, et on se retrouve face à des ennemis absolument redoutables. La mort n'est pas une délivrance dans le cas présent, puisqu'après avoir débloqué une poignée de bonus permanents et être mort pour la première fois, nous avons eu la mauvaise surprise de découvrir que la difficulté du début du jeu a grimpé en flèche. On se retrouve donc dans une situation encore plus précaire qu'auparavant, et progresser plus loin que la fois précédente n'est pas une garantie. Le point positif est que les choses restent intéressantes, tant au niveau des combats que de l'histoire, la tension et la progression restent permanentes, mais cela pourra s'avérer un peu trop pesant pour certains.
Rogue-Like Primer
Dans les grandes lignes, Returnal fait bon usage des fondations du genre Rogue-like. Il y a bien entendu la mort qui met un terme au cycle et qui vous renvoie au début de l'aventure, avec un labyrinthe à la structure et au contenu changeants à chaque fois, ce qui fait que deux parcours ne seront jamais identiques. C'est encore plus vrai dans Returnal avec la difficulté qui s'adapte automatiquement à votre progression, et même la topographie peut changer diamétralement. La forêt de départ est relativement plate les premières fois, avec des zones en hauteur inaccessibles ou des obstacles impossibles à franchir à l'occasion, un peu comme dans un Metroidvania. Mais lorsque le fouet icarien est obtenu plus tard dans l'aventure, vous allez devoir effectuer des sauts sur des plateformes aériennes et des acrobaties qui en feront lourdement usage.
Nous avons mentionné un aspect Metroidvania, puisque le jeu diffère grandement de la concurrence sur ce point. Pour une fois, vous êtes totalement libre de faire demi-tour et d'explorer chaque embranchement du labyrinthe, sans aucune porte pour vous en empêcher, il y n'y a pas non plus de limite de temps ni de vagues de monstres surpuissants pour vous forcer à toujours aller de l'avant. À la place, il y a la gestion des clés, mais aussi des risques. Entrer dans une arène pleine de monstres peut vous valoir quelques belles récompenses, mais cela peut aussi vous laisser dangereusement bas en vie avant le boss. Faire des allers-retours dans tous les sens après avoir trouvé un nouvel objet qui permet de surmonter certains obstacles est normal. Malheureusement, le jeu va aussi vous encourager à choisir quand ramasser les objets de soin ainsi que les objets corrompus qui peuvent provoquer des dysfonctionnements, ce qui a tendance à devenir lourd, puisqu'à moins d'être vraiment très bon, c'est une nécessité pour survivre. On se retrouve donc à traverser des dizaines de salles quasiment vides pour aller chercher un objet de soin oublié dans un coin, dont on a mortellement besoin.
Cela va bien au-delà d'une simple question de difficulté, et de nombreux objets ont des circonstances dans lesquelles il est plus rentable de les ramasser ou de les utiliser. Les nombreux objets et coffres corrompus du labyrinthe vont vous infliger de très lourds malus, par exemple en vous infligeant des dégâts quand vous rechargez rapidement, qui réduisent votre vie maximale ou qui vous empêchent de changer d'arme. Les conditions pour les réparer sont déterminées aléatoirement, cela peut être de tuer un certain nombre d'ennemis, d'utiliser une clé, d'ouvrir des coffres ou de ramasser certains types d'objets. Une fois encore, vous êtes donc encouragé à laisser des objets au sol pour aller les ramasser plus tard lorsque vous en aurez besoin ou qu'un dysfonctionnement vous le demandera. Cela multiplie encore les allers-retours. Le fait que les objets corrompus soient si séduisants voire nécessaires crée donc un cercle vicieux. Après avoir réglé ses dysfonctionnements du moment, on peut aller chercher d'autres objets corrompus et s'en infliger d'autres sans s'infliger un dysfonctionnement critique qui va détruire de précieuses pièces d'équipement.
Tout cela a tendance à créer des gros temps morts qui ralentissent la progression et qui réduisent un peu la tension si durement construite, c'est assez épuisant à gérer en prime si vous aimez optimiser votre run. C'est en tout cas dommage, puisque les combats sont vraiment très intenses de leur côté. Là ou la majorité des Rogue-like action adoptent une vue isométrique qui offre une excellente vue d'ensemble sur la situation, Returnal nous limite à une vue à la troisième personne, ce qui est probablement le compromis trouvé entre l'immersion et le gameplay. Comme mentionné plus haut, le jeu n'hésite pas à nous faire passer en vue à la première personne dans certains passages liés à l'histoire, mais cela serait presque injouable au combat. Les combats rappellent fortement ceux de Doom Eternal, dans la mesure où notre protagoniste sprinte en permanence, saute, dash et s’agrippe en l'air avec son fouet pour échapper aux hordes de monstres prisonniers avec elle dans chaque zone "arène".
Comme un 14 juillet
Ici pas de gestion de l'endurance, ni de gestion des stocks de munitions (même s'il faut recharger). Il est vital de rester mobile en permanence pour survivre, tout en gérant bien le temps de recharge du dash et le timing pour accélérer la recharge de son arme. Les ennemis deviennent progressivement plus nombreux et redoutables, et le jeu incite vraiment à ne pas se faire toucher, car les soins sont limités et enchaîner les kills sans se faire toucher fait grimper la jauge d'adrénaline, qui s'accompagne de différents bonus. Mais ce n'est pas une mince affaire, les ennemis qui attaquent en mêlée sont une minorité dans le cas présent, ils préfèrent vous tirer dessus, et là, on passe de Doom à Touhou. Oubliez les boules de feu, ce sont littéralement des barrages de dizaines, voire de centaines de projectiles qui sont tirés dans votre direction.
Vous mettre à couvert ne sera pas forcément suffisant, vous êtes souvent encerclé et les combat de boss sont dénués d'obstacles salvateurs. Il faut donc multiplier les esquives entre les rangées de boules de couleur. Les choses se corsent d'autant plus quand on y ajoute des projectiles à tête chercheuse qui viennent vous empaler derrière un pilier, ou des anneaux de couleur par-dessus lesquels il faut sauter. La vue à la troisième personne aide alors grandement, même si elle n'est pas toujours suffisante vu le nombre de projectiles qui arrivent du dessus ou de derrière. Esquiver tout cela sur un terrain escarpé en essayant d'échapper à des mini-boss qui vous poursuivent en mêlée est assez difficile, il n'est donc pas étonnant que la visée automatique soit plus que généreuse. C'est une des concessions du jeu, même en visant au pad comme quelqu'un qui n'a utilisé que le combo clavier et souris toute sa vie, vous devriez vous en tirer. Il faut aussi dire qu'on ne sait pas forcément sur quoi on tire exactement dans Returnal.
Si la maniabilité est au poil, on ne peut malheureusement pas en dire autant de la lisibilité des combats. Il est presque impossible de voir les ennemis derrière les murs de projectiles colorés, et on peut même se demander parfois si on tire effectivement sur quelque chose. Cela a la fâcheuse conséquence de nous exposer aux attaques plus rapides et moins visibles, ainsi qu'aux quelques ennemis capables de bondir ou de charger, qui vous atteignent en mêlée en un quart de seconde pour vous mettre une attaque dévastatrice. Le problème est d'autant plus prononcé avec certaines armes qui ajoutent une couche supplémentaires d'effets visuels par-dessus le tout, ce qui incite bien trop souvent à juste courir dans la zone en dashant latéralement et en tirant jusqu'à ce que plus rien ne bouge.
Selene et les mutations
Lors de sa progression dans les biomes, notre brave Selene ne va pas manquer de trouver de nouvelles pièces d'équipement, comme de nouvelles pétoires. Elles sont toutes assez utiles et polyvalentes, probablement parce que nous ne pouvons en transporter qu'une seule à la fois : pistolet, fusil d'assaut, fusil à pompe, lance-roquettes, lanceur de balises lasers afin de vous aveugler vous-même, etc... Il est un peu dommage de voir ces armes alien manquer d'exotisme et de ne pas pouvoir transporter un arsenal adapté à différentes situations. La flexibilité provient davantage des consommables transportés ainsi que des reliques trouvées dans des coffres, au terme d'une épreuve, ou fabriquées en échange d'obolithes, la monnaie locale. La façon dont vous allez jouer et la difficulté peuvent grandement varier en fonction des reliques aléatoires obtenues.
À défaut de vous forcer à choisir un unique chemin dans le labyrinthe, Returnal vous forcera à faire des choix en permanence dans les objets que vous allez ramasser (et quand les ramasser comme nous l'avons regretté plus haut). Outre les pièces d'équipement aux effets permanents et les reliques aux pouvoirs fort variés et avantageux mais limités au cycle en cours, vous pouvez aussi trouver des machines alien et surtout des parasites. Si les pièces de technologie alien ont une apparence inquiétante, les parasites sont carrément répugnants et on pourrait s'attendre à ce qu'ils sautent au visage de Selene afin de lui pondre un œuf dans l’œsophage. Mais comme cette dernière n'est pas une jeune japonaise, ils se contentent de s'agripper sagement à sa combinaison sans rien tenter de salace, ce qui accorde un puissant bonus, ainsi qu'un malus. Par exemple, un parasite peut prendre un coup mortel à votre place et rétablir toute votre vie, mais vous infliger plusieurs dysfonctionnements lorsque cela arrive. Pour celui-là, le choix est clair, mais c'est généralement un peu plus subtil, comme une augmentation du temps de recharge du dash en échange d'un bonus de vie. Voir notre protagoniste errer dans les abysses obscures, couverte de technologie alien et de parasites tentaculaires, ne manque pas non plus de contribuer à l'ambiance.
Il faudra faire bon usage de tout cela pour progresser à travers les 6 biomes variés du jeu. Chacun a son propre bestiaire et une ambiance propre, mais toujours oppressante à sa façon. La jungle laisse place aux ruines désertiques, qui mènent aux mégastructures d'une cité futuriste délabrées, avant de s'aventurer au milieu d'un glacier mortel, puis de sombrer dans l'abysse, ce qui offre toujours une variété bienvenue visuellement. La structure des lieux change aussi, mais il est dommage qu'il n'y ait pas davantage de dangers spécifiques à chaque environnement. Le vide et des lasers vous attendent dans chaque biome, plutôt que des particularités locales, ce qui lasse un peu et rend le gameplay d'autant plus répétitif.
À défaut de vous permettre de moduler votre expérience de jeu et la difficulté, Returnal vous propose tout de même quelques petites occupations très secondaires. La première est le mode en ligne, qui permet de voir les cadavres infectés des autres joueurs qu'il faudra abattre une seconde fois pour les dépouiller de leur équipement, ou que vous pourrez venger en affrontant un mini-boss, ce qui vous vaudra de l'éther, une monnaie spéciale en récompense. L'autre mode est le défi quotidien, une activité assez courante dans le genre. Elle vous propose d'effectuer une section du labyrinthe en temps limité, avec un équipement fixe. Vous n'avez droit qu'à un seul essai, mais en cas de victoire, vous obtenez une fois encore un peu d'éther, ainsi qu'une éventuelle place au tableau des scores. On regrettera surtout que la récompense ne soit pas plus attractive, elle ne justifie pas vraiment l'effort, sans négliger le fait qu'en cas de mort, vous repartez les mains vides. Ce défi est surtout intéressant pour se changer les idées entre deux cycles au final.
Comme mentionné plus haut, Returnal a misé au maximum sur l'immersion, mais il n'offre pas beaucoup d'outils aux joueurs pour paramétrer et varier leurs runs. Il n'est pas possible de choisir quels talents, bonus, malus, armes et défis sont imposés au départ de chaque cycle, contrairement à ce que propose Hades par exemple. Cela réduit fortement la durée de vie et la rejouabilité si vous n'êtes pas plus fan que cela de l'histoire. On se retrouve toujours à progresser et à jouer à peu près de la même façon d'une partie sur l'autre : on mitraille toujours à distance en esquivant dans tous les sens, ce qui est un défaut majeur pour un Rogue-like moderne. Il n'y a quasiment qu'une seule façon de jouer. L'absence de véritables pouvoirs secondaires ou d'outils offensifs réutilisables en dehors de l'épée fait que leur usage n'est que très ponctuel. Il est difficile de rester accroché bien longtemps dans ces conditions.
Pas de retour
D'un point de vue technique, le jeu est presque irréprochable. C'est beau, fluide et détaillé, et les retours haptiques de la manette font toujours leur petit effet. L'ambiance sonore est aussi très soignée, et nous vous conseillons de jouer au casque. Le test a été réalisé avant le déploiement du patch day one, et nous n'avons croisé que peu de bugs. Le plus notable fut un unique crash de la console (en plus de 20 heures), ce qui a révélé à quel point le jeu peut être punitif au niveau des sauvegardes automatiques, ou plutôt de leur absence, puisque notre aventure a redémarré directement au point de départ. Heureusement que cela ne s'est présenté qu'une seule fois, vu le temps perdu.
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