À l'occasion du mois sur la santé mentale, MGG a décidé de publier une série d'articles sur les impacts potentiels du jeu vidéo sur la santé mentale des joueurs. Le sujet du jour est l'esport, un domaine où les plus beaux rêves peuvent hélas côtoyer les pires cauchemars. Voici comment la compétition vidéo-ludique peut influencer sur la santé mentale de ses pratiquants.
*Les risques potentiels présentés dans cet article ont été décrits par la psychiatre ARNAUD CASTIGLIONI BRIGITTE, spécialisée dans l'enfance et l'adolescence. La majorité des joueurs professionnels commencent leur carrière entre 17 et 20 ans, ce qui nous a poussé à recueillir l'avis d'une spécialiste dans ce domaine. Il s'agit ici de risques potentiels, et non pas de règles générales.
Impact de la compétition sur la santé mentale
Les impacts de l'esport sur la santé mentale peuvent commencer dès le début de cette pratique, tout du moins dès que la personne a un objectif en tête et ne lance plus son jeu vidéo préféré juste pour s'amuser. Sans forcément parler de vouloir devenir champion du monde ou joueur professionnel, rien que le fait de vouloir progresser sur un jeu peut générer des problèmes mentaux.
Pour les joueurs parvenant à atteindre le niveau professionnel, de nouveaux défis apparaissent alors. Non seulement, ils doivent encore continuer de progresser pour rester au sommet, mais aussi faire face à la pression du public et des résultats. Ces joueurs, dont la plupart commencent leur carrière pendant leur adolescence, ont donc une première expérience professionnelle où ils ne doivent pas seulement apprendre un métier, mais être les meilleurs dans leur discipline, tout en étant jugé en permanence par des milliers, voire des millions de personnes, qui critiqueront leurs performances avec toute la délicatesse dont Internet sait faire preuve.
Il faut aussi ajouter à cela de potentielles remarques sur ce que la personne est réellement. Ces critiques peuvent viser le genre, l'orientation sexuelle ou l'origine ethnique d'un(e) joueur(se). L'exemple de Liooon sur Hearthstone est assez parlant. Juste après avoir obtenu son titre de championne du monde, alors que le commentateur lui demandait ce qu'elle ressentait en étant devenue la première femme championne du monde, la joueuse a partagé une anecdote concernant son premier tournoi, où un homme lui a dit : "Si tu es une fille, tu ne devrais pas venir ici. Ce n'est pas un endroit pour toi." De telles anecdotes sont hélas assez courantes, et ajoutées aux autres critiques dont sont victimes les professionnels, elles peuvent intensifier leur mal-être très facilement et réduire leur ego en miettes. Les risques de dépression (et toutes les conséquences liées) sont alors accrus.
L'environnement, un élément primordial
En plus, même si les éditeurs de jeux et les équipes esport prennent de plus en plus conscience de l'importance d'un bon état mental non seulement pour l'équilibre personnel des joueurs, mais aussi pour leur permettre d'obtenir de meilleurs résultats, il y eut plusieurs dérives. L'une des plus célèbres sur la scène League of Legends est l'affaire TSM, où certains joueurs ont été maltraités par le grand patron lui-même, qui n'hésitait pas à les traiter entre autres de " personnes stupides et sans valeurs". Pour tous les joueurs, c'était une expérience horrible, et il était très compliqué pour eux de se défendre. Outre l'inexpérience de certains dans le domaine professionnel, d'autres viennent carrément de continents différents et ne savent même pas si cette pratique est normale ou non.
L'esport n'apporte pas forcément du négatif
De nombreux joueurs ont également témoigné que l'esport a changé leur vie de manière positive. Outre un certain confort matériel, leur réussite dans l'esport leur a apporté une certaine confiance en eux, qui leur a donné le courage de se lancer dans d'autres domaines. Même sans devenir champion du monde, réussir dans ce domaine peut fournir une bonne base pour se construire, à condition de ne pas se limiter à ce domaine. Comme une personne ordinaire qui va séparer son travail, ses loisirs et sa vie sociale, il est important d'avoir un certain équilibre afin de ne pas s'identifier que par un seul domaine.
L'esport peut donc être à la fois dévastateur mais aussi bénéfique sur la santé mentale et la construction d'un adolescent. Plus que le domaine en lui-même, c'est l'encadrement externe (les structures, mais aussi soutien des proches) qui influencera énormément l'expérience vécue par la personne. Les structures comme les éditeurs sont de plus en plus conscients et voir des coachs mentaux, psychiatres ou psychologues employés par des équipes se banalise. L'esport en lui-même n'est pas plus dangereux pour la santé mentale d'un individu qu'un autre domaine, c'est surtout le fait de ne s'identifier et de se juger uniquement au travers de lui qui est mauvais pour la construction d'une personnalité équilibrée.
- Pour plus d’informations sur la semaine de la santé mentale, rendez-vous sur cet article.
Sources :
Entretien avec Brigitte Arnaud Castiglioni, pedo psychiatre, psychothérapeute et psychanalyste pour un cabinet privé de la ville de Marseille.
Interview de Liooon
Liooon, de son vrai nom Li Xiaomeng, est une joueur professionnelle d'esport chinoise spécialisée sur le jeu vidéo Hearthstone. Elle a notamment été championne du mondeen 2019, elle est devenue grâce à cette victoire la première femme à être sacrée championne du monde depuis la création des tournois Hearthstone, soit depuis l'année 2014.
Affaire TSM
Une enquête réalisée par le Washington Post sur les coulisses de deux structures esport Américaines, TSM et Blitz. L'enquête se concentre sur le témoignage du personnel qui y décrit un lieu de travail toxique et une direction instable pour les salariés.