Alors que l'appréciation à l'égard de Blizzard Entertainment, et tout particulièrement de World of Warcraft, remonte la pente après une descente aux enfers à l'issue incertaine, l'un des vétérans de la Team 2 dédiée au développement du MMORPG phare de l'éditeur américain et notamment de sa version Classic a choisi de claquer la porte. La raison ? Une profonde sensation d'injustice à l'égard des salariés qu'il contribuait à diriger, et l'ex-Technical Lead Developer de WoW Classic n'a pas mâché ses mots à l'égard de son ancien employeur.
- Brian Birmingham était salarié de Blizzard Entertainment depuis 2006 et est crédité dans tous les jeux qui ont été produits par le studio depuis, de chaque extension de World of Warcraft à Hearthstone jusqu'à Warcraft III: Reforged.
Pratiques douteuses en interne : la goutte de trop
La nouvelle est tombée par le biais d'un article publié ce lundi 23 janvier 2022 par nos confrères américains de Bloomberg : Brian Birmingham a quitté son poste de Technical Lead Developer dans la Team 2 dédiée à World of Warcraft. La raison à cela, c'est un profond sentiment d'injustice envers ses anciens collaborateurs.
Dans cet article, Jason Schreier y révèle que Brian Birmingham aurait envoyé un mail particulièrement cinglant aux équipes en interne, chez Blizzard Entertainment. Dans celui-ci, il y évoquerait sa grande frustration à l'égard d'une pratique qui oblige les managers de l'entreprise à évaluer les salariés qu'ils dirigent selon un système de notation. Plus précisément, ce système impliquerait que les managers de Blizzard Entertainement devraient désigner régulièrement si tel ou tel salarié est "Successful", une évaluation très positive donc, ou bien "Developing", qui est déjà bien moins prometteur pour l'avenir du salarié en question.
Il inciterait alors chaque salarié à se dépasser en promettant aux mieux évalués plus de facilités en matière de promotion au sein de l'entreprise, et même de salaires, tandis que les moins bien classés seraient placés en grande difficulté et peineraient à évoluer. Le problème, outre nos considérations personnelles, c'est que Brian Birmingham a révélé que peu importe les performances de ses collaborateurs, il aurait du quoiqu'il arrive en placer au moins 5% dans la case "Developing" à cause d'un quota imposé par la direction de l'entreprise. En d'autres termes, que ses collègues travaillent bien ou pas, il aurait du en dénigrer une partie et indiquer qu'ils se tournent les pouces. Les punir en fait, comme ça, gratuitement.
Pour l'ex-Technical Lead Developer, cela aurait été insupportable. Il aurait indiqué dans son mail envoyé en interne que "ce type de politique encourage la compétition entre les employés, le sabotage du travail des uns et des autres, et la volonté de dénicher et dénoncer les équipes les moins performantes afin de se démontrer plus efficaces qu'elles, pour au final éroder la confiance en interne et détruire toute créativité". Cette méthode d'évaluation serait en vigueur depuis l'année 2020 au sein de Blizzard Entertainment.
"Activision Blizzard King devrait avoir honte"
Pourtant, l'affaire ne s'arrête pas là. En réponse à cet article publié par Bloomberg, puis massivement relayé, Brian Birmingham s'est publiquement exprimé sur son compte Twitter personnel, invoquant en premier lieu qu'il n'avait jamais été contacté par Jason Schreier et qu'à l'origine cette démission n'avait pas vocation à faire autant de bruit. Il a également exprimé son souhait de travailler à nouveau avec Blizzard Entertainment à la seule condition que ces évaluations injustes soient abolies, ou bien dans le but de les combattre en interne. L'objectif initial n'aurait ainsi pas été de tout déballer en public, mais plutôt d'exprimer son opposition marquée en interne. Mais la surmédiatisation de l'affaire en aurait choisi autrement malgré lui.
Désormais libéré de ses devoirs de salarié d'Activision Blizzard King, il a rédigé une succession de tweets dévoilant des informations capitales dans le fonctionnement de l'entreprise afin que chacun comprenne sa décision, et surtout la raison de son réveil si soudain après des années de loyaux services.
Il a ainsi révélé qu'on lui aurait dit que cette politique d'évaluation qu'il estime injuste ne proviendrait pas de Mike Ybarra, le directeur de Blizzard Entertainement, mais d'au-dessus de lui, des dirigeants d'Activision Blizzard King eux-mêmes. D'après lui, "tout le monde chez Blizzard a parlé de ça (les évaluations)", incluant ses superviseurs directs, et tous étaient en désaccord avec cette politique.
Toujours selon les propos de Brian Birmingham, c'est au cours de l'hiver 2020 que ce système de quotas d'évaluation négatives aurait débuté. L'objectif aurait été d'unifier les trois studios (Activision, Blizzard et King) afin qu'au total on dénombre 5% d'évaluations négatives en interne, plutôt que des évaluations disparates d'un studio à l'autre comme cela aurait été le cas jusqu'alors. Les choses ne se seraient pourtant pas passées comme prévu, puisque Blizzard Entertainment aurait fait en sorte de repousser cette politique qui leur était imposée jusqu'en 2021, au point même de penser qu'ils avaient réussi à changer un petit peu les choses quand les affaires judiciaires ont éclaté au grand jour et que la direction de l'entreprise aurait joué la carte du lâcher de lest dans le but de jouer l'accalmie.
Malheureusement pour Brian Birmingham et les équipes de Blizzard Entertainment, cela n'aurait été qu'une façade et les quotas auraient bel et bien été en vigueur pour eux également. C'est pour cette raison qu'il ne se serait exprimé que maintenant à ce sujet, puisqu'il pensait jusqu'alors que lui et ses équipes avaient eu une influence sur la politique qui leur était imposée et qu'ils n'y étaient pas contraints jusqu'à ce qu'on lui révèle récemment qu'il devait se prêter lui aussi à ce petit jeu.
De plus, et c'est sans doute le cœur de cette succession de tweets, Brian Birmingham a exprimé publiquement qu'à ses yeux Activision Blizzard King serait une entreprise-mère problématique, et qu'elle nuirait à l'épanouissement des équipes de Blizzard Entertainement envers lesquelles il a affirmé n'avoir aucune rancœur. Pour lui, le problème c'est la direction d'ABK qui accable les développeurs de Blizzard en particulier d'une pression démesurée, allant même jusqu'à révéler que Dragonflight et Wrath of the Lich King Classic auraient été déployées trop tôt à cause des directives imposées par Kotick et ses associés.
- Contexte et précisions : Il est important de distinguer Activision Publishing, Blizzard Entertainment, King, et Activision Blizzard King. Les trois premiers sont des entreprises individuelles de la quatrième qui est l'entreprise-mère qui les regroupe toutes sous une seule et même bannière, pour faire simple. A la tête de chacune de ces entreprises individuelles on trouve un directeur, Mike Ybarra pour Blizzard Entertainment par exemple, et tous ceux-ci opèrent sous les ordres du bureau des directeurs d'Activision Blizzard King dont Robert "Bobby" Kotick est à la tête depuis peu après le rachat de Vivendi, en 2008.
C'est Activision Blizzard King qui est mis en cause par Brian Birmingham, pas les entreprises individuelles et les salariés qui les font tourner au quotidien. Les joueurs font souvent l'amalgame, la précision est pourtant cruciale : le problème ce serait la direction de l'entreprise-mère, bien plus haut que la simple entreprise qu'est Activision Publishing !
Finalement, l'ex-salarié de Blizzard a affirmé sa volonté de ne pas boycott les jeux de cette entreprise malgré tout. Il laisse à chacun le soin de faire ses choix personnels, mais pour lui les jeux produits par ses ex-associés sont bons et méritent d'être joués et reconnus, et il affiche largement un attachement marqué à Blizzard Entertainment. En revanche, il refuse de jouer un rôle dans ce qu'il estime être une mascarade visant à "voler de l'argent à des employés méritants".