Avant de débuter une année 2023 qui risque fort de marquer une nouvelle étape pour le jeu vidéo, grâce à un nombre de sorties très attendues bien plus haut que la moyenne (coucou Hogwarts Legacy et Zelda TotK), on revient sur les temps forts de cette année 2022, que ce soit du côté des jeux, mais aussi plus globalement de l'industrie liée à notre passion commune.
Le GOTY des Game Awards 2022 n'a pas volé son titre
On n'avait pas vraiment eu de jeu "milestone" en 2021, ces fameuses expériences qui nous font dire que le média jeu-vidéo avance et réussit à nous choper par le col avec quelque chose de vraiment spécial. Cette année, il y a eu Elden Ring, un soulsborne en monde ouvert qui a surement fait découvrir le genre à des millions de personnes. Bien plus accessible aux joueurs les moins patients grâce à son système d'invocation, c'est surtout dans cette maestria du level design que FromSoftware a réussi à surprendre. Sekiro misait sur des espaces très ramassés et avait parfois des allures de boss rush, Elden Ring en est tout simplement l'antithèse avec des zones gigantesques cachant elles-mêmes des sous-zones de bonne taille... Un pur kif d'exploration si l'on met de côté les dernières zones bien moins inspirées. ER a clairement tendance à en faire trop et alors que vous pensiez arriver au bout, il vous remet une grosse louche de rab jusqu'à l'indigestion. Un tableau imparfait qui réussit tout de même à marquer durablement l'esprit par sa profondeur et le gigantisme indécent de ses environnements. Cette année, le titre de "GOTY" est loin d'être usurpé, merci à Miyazaki et ses équipes qui ont eu à subir un rythme de travail infernal pendant des années pour aboutir à ce résultat.
Nouvelle génération en attente
Le rythme des grosses sorties a été un peu plus élevé cette année, les PlayStation Studios ont tiré plusieurs de leurs grosses cartouches, notamment les suites de licences cultes comme Horizon ou God of War. Chez Nintendo, on s'est fait plaisir avec deux sorties de Pokémon la même année et Xenoblade Chronicles 3 pour du RPG japonais hyper-ambitieux. On sent par contre une certaine stagnation sur les grosses machines AAA, la nouvelle génération peine à démarrer et les stigmates de la crise du COVID-19 sont encore bien présents avec une offre qui n'a pas encore rattrapé la demande (PS5 et Xbox Series).
On devrait surement y voir plus clair sur les réelles capacités du matos newgen l'année prochaine, avec l'arrivée des jeux uniquement dédiés à ces supports et l'exploitation de l'Unreal Engine 5 ailleurs que sur Fortnite. Par contre il faut tout de même noter l'absence totale de jeux first party côté Xbox en 2021, avec un Microsoft qui s'est énormément reposé sur le Game Pass pour réaliser de petits coups d'éclat tout au long de l'année. La division Xbox était même totalement absente aux Game Awards, le dernier grand bal d'annonces pour 2023 : les jeux ne sont surement pas prêts à être montrés, mais ce silence reste assez surprenant de la part du troisième gros constructeur consoles.
Rachat de Activision-Blizzard par Microsoft, c'est Dallas !
Tout le monde pensait que ce serait beaucoup plus simple de conclure ce deal pour Microsoft, mais Sony PlayStation n'a pas l'air prêt à se laisser faire. La firme nippone est farouchement opposée à cette acquisition Xbox et pour cause : la licence Call of Duty est l'une des plus juteuses jamais créées et il est impensable pour le constructeur de se passer d'elle sur PS4 et PS5. En se plaignant d'un comportement anti-concurrentiel, Sony a réussi à alerter la Federal Trade Commission, le service d'état qui se charge d'étudier ce genre de transaction aux États-Unis et les conséquences vont à minima retarder l'opération de rachat.
Pendant que le dossier est examiné plus en détails par la FTC, MS a tenté de prouver sa bonne volonté en faisant des propositions à ses principaux concurrents, avec un deal de 10 ans sur Nintendo Switch pour les prochains jeux COD, ou la série Call of Duty qui pourrait éventuellement être disponible sur le service PlayStation Plus. Ce feuilleton nous aura occupés pendant une bonne partie de 2022 et ce sera surement encore le cas l'année prochaine : Microsoft parviendra-t-il finalement à mettre la main sur ActiBlizzard et son portfolio de zinzin ? Vous pouvez garder votre pop-corn au chaud.
La bataille du temps de cerveau disponible
Une autre tendance qui s'est accentuée cette année, c'est celle des mécaniques prédatrices qui tentent coûte que coûte de retenir les joueurs, en les rendant accro grâce à des récompenses données à des timings précis, avec le concours de designers engagés précisément pour faire de la rétention. Si le modèle du free-to-play a eu tendance à s'assagir ces derniers mois, en partie grâce à la grande mode des battle pass bourrés de cosmétiques, quelques jeux se sont copieusement vautrés dans l'abus pour tenter de vous faire cracher quelques euros par ci par là.
Allez comme ça, au hasard, Overwatch 2 et son modèle f2p intégré au chausse-pied ont fait bondir la communauté, avec un battle pass réclamant de jouer des heures et des heures afin de récupérer un personnage, autrefois intégré par de bonnes vieilles mises à jour gratuites : pour un hero shooter qui base son gameplay autour du travail d'équipe, ça la fout mal. La production de Blizzard est loin d'être la seule à tâtonner avec maladresse sur le sujet sensible de la monétisation, Halo Infinite s'y est cassé les dents l'année dernière et on sent la douille arriver pour le passage en free-to-play de Disney Dreamlight Valley. Quant à NBA 2K et FIFA 23 ? Eh bien le braquage à ciel ouvert continue tranquillement, merci pour eux.
Une belle année pour le média jeu vidéo malgré tout ?
On ne va pas bouder notre plaisir, en dehors des énormes productions dont chaque sortie fait un bruit assourdissant, les indé nous ont aussi une fois de plus régalés, avec de très belles surprises qui ont ponctué une année d'actualités qui va dans le bon sens : de plus en plus de développeurs et d'équipes prennent la parole pour évoquer la précarité de leur emploi et s'il est plus affaibli que jamais, le journalisme dédié aux jeux vidéo et porté à bout de bras par quelques personnes, a permis aux langues de se délier.
Ce n'est pas encore suffisant et cela prendra surement des années pour que le développement de jeux vidéo, notamment celui des AAA, ne devienne une industrie saine qui respecte ses employés et leur temps. De l'autre côté du miroir, certaines des expériences les plus sincères de 2022 proviennent d'équipes plus modestes proposant des titres uniques et qui posent, à leur manière, leur brique à l'édifice gigantesque qu'est devenu le jeu vidéo. C'est un fait, notre média favori manque encore cruellement de maturité, mais les choses avancent, petit à petit.
La presse spécialisée JV en souffrance
Impossible de conclure ce bilan de l'année jeu vidéo sans parler de l'hécatombe subie dans le milieu de la presse spécialisée jeu vidéo. Du côté de la France, on note évidemment la perte de l'équipe de rédaction de Gamekult, l'un des derniers piliers à résister à la course à l'audience dans laquelle la plupart des gros sites sont lancés, grâce à un modèle payant qui leur permettait de garder une certaine indépendance éditoriale. Et lorsque l'on dézoome, on se rend compte que même les publications les plus imposantes licencient à tour de bras.
Pour ne citer que l'exemple le plus récent, au moins 10 personnes ont été remerciées juste avant la diffusion des Game Awards chez IGN. Cette crise est vécue dans tous les domaines de la presse web spécialisée et elle dure de toute façon depuis un petit moment maintenant, mais les choses se sont sensiblement accélérées depuis 2022. Quelques résistants parviennent encore à maintenir le débat à un certain niveau mais il ne faut pas d'y tromper, nous assistons à la mort lente de la presse web, comme celle de la presse papier avant elle.