On est très exactement à J-15 avant Halloween, et j’ai décidé de vous parler de P.T, introduction à un potentiel chef d'œuvre mort dans l'œuf, ou chef d'œuvre à part entière.
Bien entendu cet article est personnel et il s’agit uniquement de mon opinion.
Pour ceux qui ne connaîtraient pas, P.T catapulte les joueurs dans une maison de banlieue assez flippante, dans laquelle vous arpentez un couloir sans fin pour trouver des indices et résoudre des énigmes, le tout dans une perspective à la première personne. Vous rencontrerez au détour du couloir un fantôme du nom de Lisa. Si elle vous attrape, vous retournez au début de la "boucle" dans laquelle vous vous trouvez, les boucles étant différentes incarnations de la même maison, mais avec divers changements et de nouvelles énigmes à résoudre.
Un jeu dans l’horreur plus qu’un jeu d’horreur
Lorsqu’on parle de jeu d’horreur, on imagine d’abord un jeu, dans lequel il y a des objectifs et des conditions de victoire et de défaite, avec des mécaniques : du combat, comme dans les Resident Evil, par exemple, des puzzles, comme dans Amnesia, ou encore des courses poursuites, comme dans Outlast, pour ne citer que lui. Bref, un jeu d’horreur à proprement parler, en tout cas comme nous en avons l’habitude, c’est un jeu avec une ambiance et des éléments horrifiques. Dans P.T, ce serait plutôt l’inverse.
En effet, on est immédiatement propulsé dans un contexte imprévisible et impénétrable sans aucun ménagement. Pas d’explication, pas de tutoriel, seulement vous, votre lampe torche et votre gorge sacrément nouée. Vous incarnez quelqu’un que vous ne connaissez pas, et explorez un endroit inconnu, avec comme objectif uniquement de comprendre un peu plus les règles du jeu, ce qu’il se passe, qui vous êtes, etc… En fait, P.T n’est presque pas un jeu, c’est un cauchemar.
Ici, impossible de vous enfuir ou de vous battre. Vous vous enfoncez de plus en plus loin dans la boucle, ou plutôt la descente aux enfers, et la seule solution pour vous en sortir est d’affronter, assumer vos peurs et vos démons. Parce que la peur, les traumas, eux, ne vous quitteront pas. C’est la, dans un premier temps, que P.T voit juste : la vraie terreur est psychologique, et elle n’est pas passagère.
Le seul moyen de vous en sortir, c’est de vous imprégner de la narration extrêmement immersive, écouter, regardez autour de vous, tout en gardant Lisa à distance. Plus facile à dire qu’à faire, surtout quand on connaît l’esprit tordu de Kojima-san. Les puzzles sont obscurs, compliqués et franchement pas instinctifs pour certains. Il s’agit après tout d’un trailer jouable : une fois les secrets percés par les premiers joueurs et partagés sur internet, chercher les solutions aux énigmes tout seul n’a pas vraiment de sens, à part bien sur si vous adorez avoir très, très peur à répétition et pendant une longue période.
Parce que vous aurez peur à chaque expérience de jeu, et pour un jeu si court, c’est tout bonnement incroyable.
J’ai toujours aimé l’horreur. Pour moi, c’est plus qu’aimer se faire peur, même si ça n’arrête jamais d’être amusant, c’est une esthétique à part entière, c’est un média très puissant pour véhiculer des idées, et qui permet, en plus, d’utiliser le pouvoir de la symbolique comme aucun autre genre à mes yeux. Je suis aussi plutôt bon public, voire carrément flipette : Amnesia ? Terrifiée. Dead Space ? Terrifiée. Outlast ? Vous avez compris le principe. Peu importe le style de jeu, d’ambiance, ou de gameplay, j’ai peur. Mais P.T est resté avec moi bien des années après sa sortie, il y a maintenant 8 ans déjà.
Et même lorsque je me suis retrouvée à bout de courage (oui c’est arrivé assez vite je vais pas vous mentir), et que j’ai choisi de regarder mes Youtubeurs préférés résoudre les énigmes du jeu à ma place, j’avais peur. Une peur insidieuse, qui reste, et qui ne s’oublie pas. Bref : un digne successeur à la licence Silent Hill.
Mais, à part ce côté imprévisible, puisque les boucles changent à chaque fois, même s’il s’agit de détails, et l’horreur psychologique qui vous prend par la gorge, pourquoi P.T fait-il si peur ?
Le souci du détail
Kojima, on l’aime ou on ne l’aime pas, mais il mérite le respect pour ses créations. Je vous vois venir, vu que j’encense P.T, je dois être une fan de la première heure. Et bien non ! Déteste-moi internet, mais je n’aime pas les œuvres d’Hideo Kojima. Ce n’est pas tellement une question de gameplay, ou de level design, mais plutôt ses histoires et sa narration. Je ne vais pas rentrer dans les détails, parce que je sens déjà le sang de beaucoup d’entre vous bouillir, mais pour moi, les histoires de clones à répétition et Norman Reedus qui agite ses cheveux gras au vent en livrant des colis post-apocalyptiques, très peu pour moi.
Si il y a un truc qu’on peut toutefois reconnaître chez Hideo Kojima, c’est son amour du détail. C’est peut-être la seule chose que nous avons en commun, mais c’est très important, surtout, je vous le donne en mille, dans P.T.
P.T est une masterclass de sound design, pour commencer. L’ambiance, l’histoire de meurtre qui boucle à la radio, les grésillements de celle-ci, les bruits de Lisa, les pleurs de bébé. Tous les sons sont faits pour vous mettre mal à l’aise, chaque grincement de porte vous fera sursauter, et c’est terriblement efficace.
Le jeu n’est bien sûr pas dénué de jumpscare (ou screamers si vous préférez), mais c’est vraiment l’ambiance sonore et visuelle qui vous use jusqu’à la moelle.
Et puis il y a LE détail qui tue. Vous savez comme on peut se sentir observé et suivi tout au long de l’expérience — et du couloir ? Comme on peut entendre des bruits derrière nous, et que lorsqu’on se retourne, il n’y a personne en vue ? Le hacker et modder australien Lance McDonald avait jeté un œil à ce qu’il se passe derrière le joueur avant qu’il se retourne pour regarder derrière lui, et devinez quoi :
LE FANTÔME EST TOUJOURS DERRIÈRE NOUS, TOUT LE LONG DU JEU !
Le mythe autour de P.T
Je me souviens encore de la hype immense que j’ai ressenti lorsque Kojima a annoncé développer un jeu avec deux génies de l’horreur, Guillermo del Toro, et surtout l’immense Junji Ito, et quelle ne fut pas ma déception lorsque j’ai appris l’annulation de Silent Hills.
Mais en y réfléchissant un peu plus, l’annulation du titre dont P.T servait de trailer a peut-être aidé P.T a atteindre le statut de classique du jeu d’horreur. Je m’explique : déjà, il est évidemment plus simple de créer une expérience réussie lorsque celle-ci est très courte et centrée sur un seul tout petit lieu, comme P.T et son fameux couloir. Ensuite, question de logique : difficile de gâcher P.T avec un jeu qui ne sortira jamais.
Et puis, il y a tout le mythe autour des désaccords entre Kojima et Konami. P.T était initialement disponible gratuitement sur PlayStation, au grand dam des joueurs PC et Xbox, d’ailleurs, mais Konami a rapidement retiré le contenu de la console Sony une fois que le divorce avec Kojima a été officialisé. Résultat : la machine a été “piratée” de nombreuses fois pour avoir de nouveau accès à P.T, les consoles avec le jeu toujours installé se vendaient même à des prix exorbitants, et les efforts continuent chaque année. Récemment, un joueur avait même trouvé le moyen de se procurer P.T sur sa PS5.
Il semblerait que des hackers aient profité d'une faille de sécurité dans la dernière mise à jour firmware de la PlayStation 5 pour la jailbreak. Concrètement, il s'agit de modifications qui peuvent éventuellement conduire au lancement de jeux PS5 téléchargés illégalement sur le net.
Ça donne un peu un feeling de “jeu maudit”, vous ne trouvez pas ?
En tout cas, au cours de ces 8 ans depuis la sortie de P.T, qui à mes yeux, a véritablement révolutionné le genre du jeu d’horreur, nombreux sont les studios qui ont cherché à reproduire l’expérience. Malheureusement, et même si certains ont sorti des jeux tout à fait corrects sur le même concept de “loop”, aucun n’a réussi à détrôner P.T dans mon cœur.
Et maintenant que j’arrive au bout de cet article, je me sens un peu stupide : j’aimerais vous conseiller de jouer à P.T pour fêter Halloween, mais la majorité d’entre vous ne pourrons pas. Vous pouvez toujours regarder nostalgiquement un de vos Youtubeurs favoris tenter l’aventure.
J’espère que vous aurez quand même pris plaisir à lire mes déblatérations sans fin sur ce que je considère être le meilleur jeu d’horreur de tous les temps, au cas ou vous ne l’aurez pas compris.
Je croise bien sûr très fort les doigts pour que les prochaines itérations de la franchise Silent Hill qu’on nous promet depuis des années vaudront le détour. Je vous attends au tournant, Konami.
Comme la majorité des fans, vous en avez probablement assez de lire chaque semaines des nouvelles rumeurs sur un éventuel reboot/remake de Silent Hill. Cependant, cette nouvelle info pourrait pourtant bien être la bonne.
S'il y a bien une licence que les joueurs du monde entier rêvent de voir renaître, c'est bel et bien celle de Silent Hill, et il semblerait que cela soit bien parti si l'on en croit toutes les dernières rumeurs qui laissent entendre le retour de la franchise horrifique.
