Pokemon est une franchise aussi célèbre que délicate à cerner. Attirant année après année les très jeunes générations, continuant à séduire les vieux nostalgiques comme votre serviteur, et conservant un vivier de compétiteurs acharnés sur VGC ou TCG... Il ne serait pas évident de déterminer une direction marketing unique propre à la firme.
Heureusement, nous avons eu la chance de tomber sur Anthony Cornish, le Directeur Marketing de The Pokemon Company International (la filiale qui gère le circuit compétitif Pokemon, entre autres, à distinguer de Nintendo et Game Freak, ndlr), au détour d'un couloir. L'occasion rêvée pour essayer de comprendre comment la compagnie parvient à déplacer des foules multi-générationnelles, constituées de Pokéfans en herbe et d'esportifs confirmés.
En quoi le circuit compétitif Pokemon est-il différent de celui d'autres jeux vidéo ou TCG ?
C'est une question difficile. Le championnat Pokemon reste centré sur la camaraderie et l'amitié entre dresseurs. L'accent est mis sur le fair play : il y a beaucoup d'enfants qui jouent en Junior. L'atmosphère doit être chaleureuse, tout en étant intense, tendue par moment. Si vous regardez les très jeunes joueurs de TCG qui mélangent leurs cartes, l'expression de leur visage : ce sont des compétiteurs ! Nos grands rendez-vous compétitifs se doivent de mettre au premier plan l'interaction sociale entre les fans, que ce soit pour le VGC ou le TCG.
Diriez-vous que Pokemon est un esport ? En France, on ne voit pas souvent la franchise associée à ce phénomène ?
Ce n'est pas une question qu'on se pose sciemment. On veut depuis le début créer une dimension compétitive sur Pokemon, alors on l'a fait. Je crois que la première compétition de jeu vidéo Pokemon était un Showdown USA vs Japon, qui s'est tenu en 2008. Et nous ne sommes pas contre le fait de parler d' "esport Pokemon", mais pour nous c'est autre chose, qu'on fait côté VG depuis maintenant 11 ans. Le terme d'esport s'est démocratisé et généralisé plus tardivement. Comme je l'ai dit, nous organisons des tournois pour réunir les gens avant tout ; le rassemblement IRL, c'est la motivation numéro 1. Et l'interaction du versus, du face à face, est une interaction qu'on veut voir massivement chez les dresseurs. Ce concept de duel est à l'origine du TCG et du VGC.
Alors qu'aujourd'hui, l'heure est à la transition digitale pour la grande majorité des TCG, Pokemon continue de mettre en avant son jeu de cartes à collectionner "physique". Pouvez-vous expliquer ce choix ?
Il est important de rappeler qu'il existe une version online du TCG Pokemon. Mais la notion de "collection" de Pokemon est au cœur de la marque elle-même, avec le Pokédex par exemple. Les cartes physiques existent réellement, ont une valeur pour les joueurs. Les cartes à jouer et à collectionner sont apparues en 1996. Et ces cartes ont une histoire : si elles avaient été virtuelles, les joueurs ne les auraient plus. Les gens aiment collectionner, et ont de l'affection pour leur collection. Pour nous, c'est important de conserver cette dimension de face à face réel, même si dans bon nombre de jeux Pokemon, les duels se font maintenant sur écran.
Le stream de l'événement de Berlin est clairement taillé pour plaire aux gamers, aux consommateurs d'esport. Que visez-vous comme audience à travers ce tournoi? Des compétiteurs ?
Les joueurs que vous voyez là, c'est la crème de la crème. Nous avons les championnats du monde en août, et ce tournoi est une étape primordiale pour y parvenir. Mais ce que nous voulons avant tout, c'est fournir un cadre de jeu à tous ceux qui en ressentent le besoin. Et ceci à échelle locale, dans les magasins spécialisés, qui organisent des ligues internes. Le stream doit donner vie à ce qu'il se passe, rendre le jeu accessible. Les commentateurs ont pour rôle de détailler les plays et de les rendre compréhensibles, même pour ceux qui regardent du Pokemon pour la première fois.
N'avez-vous pas peur de devoir, un jour, trancher et faire un choix radical entre "casus" et joueurs expérimentés ?
On aime ces deux catégories de joueurs ! Et on veut satisfaire leurs attentes ! Le plus important pour nous, c'est le fun. Jouer pour devenir le meilleur dresseur, c'est avant tout prendre du plaisir, que vous soyez bon ou pas sur le jeu.