Depuis que cette chronique des zones de World of Warcraft a commencé, votre servante a eu l’honneur et l’avantage, chaque dimanche, de vous livrer quelques mots sur des zones « affectives », des territoires attachants, pour des raisons différentes, mais qui ont tous en commun de présenter un intérêt narratif. Malheureusement, s’il y a autant de zones sur Azeroth que de cravates dans les armoires de Sam Vostok, force est de constater qu’elles ne présentent pas toutes le même intérêt, loin de là – la comparaison avec les cravates de Sam s’arrête là. Mais bien sûr, on ne le dira pas, hein, on fera semblant d’être content de parler de la Forêt d’Elwynn, car oui, évidemment, hashtag territoire historique, hashtag Warcraft – insérez ici aléatoirement un chiffre de 1 à 3, ça marchera.
Mais en fait non, on n’est pas super content de parler de la Forêt d’Elwynn parce qu’en toute franchise, rien ne tourne rond dans ce bosquet plus ratiboisé qu’un chantier d’autoroute, et d’ailleurs, rien n’y a jamais tourné très rond. A commencer par la zone de départ des humains, Comté-du-Nord qui, entre les Kobolds, les Défias et les Orcs Rochenoire, aurait dû être déclarée zone sinistrée depuis au moins Cataclysm. Mais non, on continue à nous faire croire qu’il faut sauver le vignoble alors qu’aucune grappe de raisin n’est jamais sortie de cette fournaise. Je ne sais pas, mais à un moment, si les représentants de l’administration locale avaient le courage de couler une dalle de béton sur les cendres de ce qui fut, peut-être, dans des temps très anciens, une vigne, on pourrait peut-être se débarrasser des Orcs Rochenoires qui squattent l’endroit depuis que les Défias l’ont déserté.
Depuis Cataclysm donc, les Orcs Rochenoire ont envahi Comté du Nord… enfin, pas trop non plus. C'est de l'invasion plutôt cool. Ils ont envoyé des espions qui observent l’activité de l’Abbaye au vu et au su de tout le monde, littéralement à 10 mètres des gardes royaux, des Worgs pas très très agressifs - alors qu'on parle bien de Worgs, hein - et finalement, le gros des troupes est occupé à garder la vigne carbonisée parce que… parce que je ne sais pas… Il y a peut-être un gisement d’Azérite en dessous. Ne me demandez pas, je ne comprends pas. A Comté du Nord, la menace Rochenoire est représentée de manière tellement burlesque qu'on sent bien que tout le monde fait semblant de se sentir en danger pour maintenir une très faible apparence.
Mais restons sur les vignes avec le conflit entre les familles Maclure, vignerons de leur état, Champierreux, qui tiennent la ferme d’à côté et Saumepuits qui cultivent des… non mais, en fait, on s’en fout. Ces gens n’ont rien trouvé de mieux que d’implémenter une intrigue « litiges de voisinage » alors qu'ils sont cernés par les Kobolds et les Gnolls et qu'on pourrait donc en déduire qu'ils ont d'autres chats à fouetter. Enfin, les Kobolds ne doivent pas être si terribles que ça puisque même Billy, le délinquant infantile qui pique des colliers, peut ensuite tranquillement les perdre dans la Mine de Fondugouffre, au nez, à la barbe et à la bougie des Kobolds qui, visiblement, ne sont pas en mesure d'empêcher un enfant d'entrer sur leur territoire. Vous noterez au passage le nom de la mine : Fondugouffre, belle mise en abyme, merci ! Sinon, entre Maman Champierreux qui vous engage comme tueur(se) à gage de la truie des Saumepuits et les amoureux, Maybell et Tommy Joe - oui, "Tommy Joe", je sais... - qui sont visiblement trop soumis à leurs familles respectives, ou trop débiles, pour prendre leurs cliques et leur claques et aller se marier à Hurlevent, on est littéralement plongé dans un épisode de Confessions Intimes ou de Strip-Tease et je ne souhaite ça à personne !
Mais c’est pas fini, parce que la Forêt d’Elwynn, c’est aussi et encore la seule zone de tout Azeroth où des humains arrivent à se faire tuer par des Murlocs. Je vous rappelle qu’on parle de lézards qui font le tiers de la taille d’un humain, qui ont du mal à coordonner leurs mouvements et qui poussent des cris caractéristiques qui permettent de les repérer à 150 mètres. Ces créatures subtiles donc, semblent bénéficier d’une aura de létalité à Elwynn puisqu’elles y ont dégommé pas moins de deux gardes royaux, armés jusqu’aux dents. Et on ne parle pas des Murlocs ultra-pimpés du Norfendre. On est bien sur du Murloc de base qui s'est fabriqué une lance avec trois bouts de bois.
C'est tout juste si on ne te dit pas que le Murloc du Lac de Cristal est la plus grande menace pour l'humanité, devant el famoso Lardeur qui, lui, était un adversaire redoutable, mais qui a fini par être délocalisé à la Prison de Hurlevent, sans doute parce qu'il était beaucoup trop fort et qu'il constituait un danger crédible.
Mais bon, ce qui est bien dans la Forêt d'Elwynn, c'est que quête après quête, on se sent utile. Comme quand on doit protéger la Tour de la Crête, un formidable ouvrage de surveillance militaire. Et il faut reconnaître que construire une tour d'observation en forêt, en pensant à la concevoir moins haute que les arbres alentours, c'était vraiment une excellente idée !
Bref, la Forêt d'Elwynn, sous son vernis de sérieux très propre aux Humains de Hurlevent, c'est un grand n'importe quoi. Et c'est précisément pour ça que je l'aime.
Cette chronique est dédiée à Tanguy Pastureau.