Devant un parterre de 5000 spectateurs, venus des quatre coins du pays ou de plus loin encore, Carl-Antoni ‹‹ CarlJr. ›› Cloutier soulève son trophée. Son quatrième dans l'histoire de la ZrT Trackmania Cup. Sur la scène du Zénith de Toulouse, le prodige québécois et ses concurrents se sont prêtés au jeu. Vêtus comme des pilotes professionnels et enfoncés dans des Formule 1 factices, CarlJR., Bren, Badlulu et les autres avaient déjà gagné avant même le coup d'envoi. Le cœur des spectateurs d'abord, la reconnaissance et l'adhésion du grand public ensuite.
Plus qu'une idée, un besoin
Le décor minimaliste qui domine la scène est trompeur. Les huit finalistes de la ZrT TrackMania Cup 2018 ne sont pas venus jouer aux petites voitures, la tâche qui les attend est autrement plus sérieuse. Au beau milieu d'une arène en ébullition, les pilotes rivalisent d'habileté pour offrir une compétition relevée et captivante. Mises en valeur par une production soignée, les performances de chacun attirent l'œil bienveillant des fans, venus en nombre défendre les couleurs de l'écurie ZT ou des Gamers Origin, entre autres. Un moment de liesse que parachève le sacre émouvant de CarlJr., qui marque à jamais de son exploit l'histoire de la licence.
Derrière la réussite de cet évènement se dissimule une conception pragmatique des enjeux de l'esport. Une vision éclairée d'une industrie à laquelle est administrée une véritable leçon, celle d'entreprendre avec bienveillance la conversion de son audience.
Un an après le succès de l'édition Lyonnaise, Adrien ‹‹ ZeratoR ›› Nougaret renouvelle le format TrackMania Cup dans la cité Toulousaine, avec cette science du divertissement que l'on abandonne volontiers à la figure de proue du streaming francophone. Une appétence pour l'animation et pour la scène qui a à nouveau conduit le Montpelliérain à porter sur ses épaules la responsabilité d'un projet colossal mais toujours plus entreprenant. Un dessein qui correspond au personnage, à son ambition et qui fait écho à l'engagement qu'il voue au succès des LAN et à tous les rassemblements de joueurs en général.
Car la ZrT TrackMania Cup s'insère dans cet objectif plus large, celui de fidéliser le public à ces manifestations récurrentes autour du jeu vidéo. De l'aveu de ZeratoR lui même, ces évènements sont importants pour consolider le lien entre les joueurs et les spectateurs. Diversifier, mais aussi concrétiser l'expérience du public dans ce qu'il n'a pas l'habitude de consommer. Et dans ce sens, le pari est réussi.
Mariage heureux
Il faut beaucoup d'audace pour tenter de réunir la maigre scène esport de TrackMania et l'audience éclectique d'un stream populaire. C'est à ce titre que la ZrT TrackMania Cup mène cette initiative avec beaucoup de mérite, touchant le grand public d'un côté, faisant grandir la scène de l'autre.
TrackMania Stadium n'est pas un blockbuster. Il s'agit d'une licence qui revendique une modeste fanbase, ou c'était tout du moins le cas avant l'avènement de la ZrT TrackMania Cup. Aujourd'hui, le grand public connaît TrackMania. Aujourd'hui on connaît la scène esport de TrackMania chez les amateurs. CarlJr., Bren, Badlulu, les GO : les spectateurs se sont attachés à ces personnalités talentueuses, accessibles et qui font vivre le jeu.
L'intégration et la mise en avant de streamers réputés pendant le déroulement du tournoi est intelligente. Observer Sardoche, Kenny, Gius ou ShaunZ s'adonner à TrackMania participe à l'émulation, donne du corps à la compétition et permet au néophyte de se raccrocher à un visage familier. Au final, c'est la ZrT TrackMania Cup toute entière qui gagne en crédit et en publicité.
Spectaculaire
A mi-chemin entre une manifestation esportive et un vrai show, la ZrT TrackMania Cup assume le parti pris d'être un spectacle, une attraction authentique. La culture du divertissement est une nécessité absolue au développement de ce genre d'évènement et l'objectif n'est jamais perdu de vue.
Pour la conception du tournoi, les internautes ont été systématiquement associés à la création des maps et à la réflexion globale autour des circuits. Là encore l'initiative est cohérente, surtout lorsque toute la communauté est conviée à venir s'entrainer sous le regard attentif (et souvent espiègle) des constructeurs. Mobiliser chaque curieux pendant la création du tournoi a permis au public de s'approprier pleinement le succès de l'évenement et de revendiquer un statut qui va bien au delà du simple témoin.
Pourtant c'est bien au Zénith de Toulouse que tout le monde en a pris plein la vue. Un décor original, une production minutieuse et sobre, des mises en scène convaincantes et correctement rythmées, puis des défis amusants qui ont eu le mérite de sortir les joueurs de leur zone de confort. Et comment ne pas évoquer la prestation hallucinante de ZeratoR dans son costume de chef d'orchestre, tant dans l'habillage sonore que dans le commentaire technique. Tout simplement talentueux, sincère dans la proximité qui s'est immédiatement installée avec le public et les joueurs. Un niveau de maîtrise qui ferait presque oublier ce regret de ne pas avoir vu de duo pour cet évènement, avec un streamer éxperimenté, par exemple.
La ZrT TrackMania Cup est une réussite car elle est pensée pour les spectateurs. Seul un autodidacte perspicace dans sa démarche et lucide face à cette industrie peut arriver à façonner un évenement d'une pareille honnêteté avec son public.
Celles et ceux qui ont fait le déplacement n'ont pas été acceuillis avec la condescendance ordinaire de ce genre de rendez-vous, mais avec la promesse de s'affranchir de tout ce qui a un jour pollué l'expérience de l'esport. Exit le fan service niaiseux et l'embarras d'un merchandising endémique, la ZrT TrackMania Cup offre l'espace d'une véritable communion, une bouffée d'air pour tous ceux qui ont un jour tenu une manette.
Alors c'est oui. A l'année prochaine.