Tyranny : Le test
Après l'excellent Pillars of Eternity sorti en 2015, les développeurs d'Obsidian nous livrent un nouveau RPG isométrique à l'ancienne : Tyranny. Nous l'avons testé longuement et vous proposons de découvrir ici ce que nous en avons pensé. Préparez vous à ajuster votre morale car des choix cruels vous attendent une fois le jeu lancé, ainsi que de la lecture, beaucoup de lecture.
Tyranny - Trailer de lancement
Genre : RPG / Temps réel / Solo
Date de sortie : 10 novembre 2016
Plateforme : PC, Mac, Linux (disponible sur GoG)
Développeur : Obsidian
Éditeur : Paradox Interactive
Prix : 41,99 € pour l'édition de base
Chapitre I, II & III : Créer son personnage
En digne héritier d'un genre devenu populaire avec Baldur's Gate, Tyranny s'avère particulièrement complexe et massif dès la création du personnage. Outre les habituelles distributions de caractéristiques, spécialisations, ainsi que la configuration de son apparence, vous pourrez choisir ses origines et sa classe en termes de role play (mais pas de gameplay). Il y en a déjà pour un moment, mais les choses ne font que commencer.
Le monde dans lequel se déroule Tyranny n'a pas su gérer son "Sauron" local : celui-ci a multiplié les conquêtes et quatre siècles plus tard il ne reste plus qu'une minuscule poche de résistance qui n'attend plus que d'être écrasée. La question n'est même plus de savoir si elle va repousser l'envahisseur, mais de déterminer quelle armée de Kyros, le seigneur suprême, aura l'honneur de mettre fin à sa longue campagne. Il est intéressant de découvrir pour une fois ce qu'il va se passer après la victoire du "mal", oubliez les méchants caricaturaux d'Hollywood et de beaucoup d'animés qui veulent tout détruite, ici Kyros a l'intention d'établir sa loi et d'imposer sa vision de la paix. Vous allez incarner un des agents de son bras droit, Tunon l'Archonte de la justice. En tant que scelleur de destin, votre rôle est de faire office de juge, de jury et de bourreau, un peu comme Juge Dredd, ce qui vous coupe d'office de la possibilité de jouer le paladin solitaire : vous êtes un méchant. Ce parti pris scénaristique a son charme mais il ne conviendra probablement pas à tout le monde.
Nous espérons que les inventaires chaotiques ne vous dérangent pas.
Le studio Obsidian a eu l'excellente idée de ne pas nous faire sauter dans les bottes d'un aspirant/apprenti/débutant pour une fois, vous êtes déjà un vétéran avec une longue histoire au service de Kyros. Ceci est reflété dans le mode Conquête, une fois votre personnage créé vous pourrez retracer les actions de votre personnage lors des précédentes années. Vous pourrez donc choisir à quelles batailles vous avez participé, quels choix vous avez fait, qui vous avez favorisé et qui vous avez tué. Chacun de ces choix aura une immense influence une fois l'aventure lancée puisque les factions présentes réagiront différemment, certains compagnons seront disponibles ou pas et votre réputation peut être très différente, après tout vous pouvez être considéré comme clément ou cruel même en faisant partie du mauvais camp. Tous ces choix préalables offrent une assez solide rejouabilité, même si vous êtes toujours libre d'orienter l'histoire dans le sens que vous souhaitez et qu'il y a un manque singulier de zones secondaires non-liées à l'intrigue. Si vous n'avez pas envie de passer trente minutes à configurer le mode Conquête, une option existe afin de choisir un profil prédéterminé particulier, mais ce serait dommage.
Le tribunal de Tunon : quand mettre son patron en colère devient rentable.
L'amour vache
Une fois tout cela configuré, vous pourrez finalement sauter dans le feu de l'action et démarrer votre nouvelle aventure. Nous n'allons pas vous dévoiler le déroulement du scénario mais il est important de préciser que, même si l'histoire et son contexte vous forcent à rester sur des rails, vous aurez une assez grande liberté dans vos choix. À vous de voir quelle armée vous souhaitez voir gagner, si vous allez tenter de prendre le pouvoir en votre nom, ou si vous souhaitez aider les rebelles. Vous pourrez aussi tenter de faire preuve de bonté dès que possible même si votre position vous forcera régulièrement à faire couler le sang. Le système de réputation un peu étrange du jeu reflète bien la chose : chaque faction et chaque compagnon dispose de jauges, une pour la faveur et la loyauté, une autre pour la colère et la peur. Nous disons "étrange" car vous pouvez remplir les deux au maximum contrairement à ce qu'on peut voir habituellement. Comme à certains paliers de chaque jauge vous débloquez des capacités uniques, on se retrouve fortement encouragé à jouer un héros bipolaire qui va aider et charmer une faction avant de lui mettre un grand coup de pied dans l'entrejambe juste histoire de provoquer leur colère et optimiser ses deux jauges. Ce choix est peut-être délibéré afin de représenter la dualité dans les relations des personnages maléfiques, qui mélangent effectivement faveur et peur, mais il vous faudra probablement un petit moment pour vous y habituer, même en affichant l'évolution des relations dans les choix contextuels.
Si vous aimez passer une heure ou deux sans avancer dans l'histoire, explorez toutes les options de dialogue de vos compagnons et des PNJ locaux.
L'histoire en elle-même est vraiment intéressante, tout comme l'est ce nouvel univers, même s'ils manquent peut être un peu de fantaisie et que la majorité des décors sont désolés (victoire du mal oblige ?). Les ennemis et personnages rencontrés sont presque exclusivement humains et les exceptions se comptent sur les doigts d'une main. La qualité d'écriture est excellente et c'est un réel plaisir que de lire les dialogues, d'autant qu'à présent les mots-clés et les noms importants sont liés à des infobulles. Vous avez juste à passer la souris dessus pour avoir les détails, vous n'avez donc pas besoin de connaître par cœur le lore et on ne vous fait pas non plus l'insulte en jeu de vous prendre pour un demeuré qui ignore tout de tout alors que vous avez un score de Connaissance digne des plus grands sages. Cela n'a l'air de rien dit ainsi mais c'est un important gain de qualité de vie, au point où on pourrait se demander pourquoi personne n'y a pensé avant. Vu la quantité écrasante de textes et de dialogues que comprend le jeu c'est un grand plus. Au risque de nous répéter, il vaut mieux être patient et aimer la lecture pour savourer Tyranny, il est parfaitement possible de passer une heure à parler à tous ses compagnons avant d'épuiser leurs options de dialogue.
Les décors ne sont pas très riants en général mais ils disposent tout de même d'une forme de beauté macabre.
Pillars of Eternity 1.75
Tyranny possède un système de combat très similaire aux autres RPG isométriques occidentaux, si vous avez joué à Pillars of Eternity vous ne devriez pas du tout être dépaysé. Tout se fait en temps réel avec la possibilité de ralentir l'action voire de la mettre sur pause afin de donner des ordres extrêmement précis. Les différentes actions comme l'attaque, le blocage ou la résistance aux sorts sont réglés automatiquement via des jets de dés faits par l'ordinateur. Comme d'habitude il faudra donc bien attribuer les statistiques et compétences de vos personnages et leur donner l'équipement qui convient puis faire usage de consommables pour l'emporter. Les combats vont d'ailleurs vite se corser et il faudra très rapidement faire un usage important de tous les outils à votre disposition pour vous en sortir. À terme, avoir un groupe doté d'une bonne composition et d'une stratégie cohérente ne sera pas du luxe.
Les premiers vrais combats de groupe sont des étapes difficiles pour les nouveaux joueurs.
Les classes sont elles aussi très classiques même s'il convient de préciser que nous sommes dans un de ces cas où le personnage principal peut théoriquement adopter n'importe laquelle, ou former des combinaisons inédites, alors que les compagnons ont des classes prédéterminées et fixes. Les différentes compétences servent aussi régulièrement lors des dialogues ce qui permet d'aborder l'histoire d'une façon un peu plus pacifique à grand coup de bluff et d'intimidation mais ce ne sera pas non plus une méthode miracle. Il existe de nombreuses façons de jouer mais l'équilibrage laisse à désirer pour le moment, avec des personnages en armure lourde qui peuvent s'approcher furtivement d'un groupe d'ennemis en terrain ouvert et en plein jour.
Comme les autres éléments contextuels basés sur une caractéristique fixe, les sauts au dessus de la lave sont basés sur l’athlétisme, dommage cela manque d'un jet de dé pour savoir si vous allez mourir instantanément.
Le système de création de sorts est probablement l'élément le plus original par rapport aux RPG dont nous avons l'habitude. Vous disposez de noyaux de sorts qui représentent chaque école (feu, givre, foudre, etc.), vous pouvez ensuite les modeler en leur donnant une forme, des accents et un signe. Chacun de ces éléments va donner des propriétés spécifiques et augmenter le prérequis en connaissance pour les lancer. Par exemple vous avez par défaut une poigne brûlante, mais en changeant la forme vous en faites une boule de feu, puis vous ajoutez quelques accents à la formule pour qu'elle fasse plus mal, ait plus de portée et finalement vous lui donner un signe pour qu'elle gagne un attribut de gel en bonus. C'est alors devenu un sort de très haut niveau, que vous pouvez configurer pour vos différents personnages. Cela permet par exemple de donner un sort de soin assez simple à un guerrier si votre mage n'est pas disponible pour lancer la version surpuissante de zone. Multipliez cela par onze et vous avez une fantastique boite à outil que vous pouvez configurer à volonté en fonction des besoins. Cela a tendance a rendre les lanceurs de sorts plus amusants à jouer, mais les nombreux talents de classe sont loin d'être mauvais.
En visant un score de connaissance aussi élevé que possible vous pouvez multiplier les accents sur un sort et le rendre dévastateur.
Un sympathique système de combinaisons entre membres du groupe a aussi été introduit. Des personnages qui s'entendent suffisamment bien ou qui ont développé une relation suffisante (qu'elle soit basée sur la peur ou la loyauté) pourront se coordonner pour libérer une technique souvent dévastatrice. Par exemple, après qu'un personnage ait fait une balayette à un ennemi et l'ait fait tomber au sol, le second lui plante son arme dans la gorge, ou bien votre mage fait s'envoler un gros rocher et la chanteuse le fait exploser, ce qui arrose le champ de bataille d'éclats meurtriers. N'oublions pas de mentionner au passage les artefacts que vous pourrez trouver ou créer, ces puissants objets gagneront en puissance au fur et à mesure que votre renommée (et donc la leur) grandit, ce qui débloquera de nouveaux pouvoirs. C'est une des nombreuses perles du jeu qu'on ne peut s’empêcher d'apprécier et qui donnent l'impression de jouer à quelque chose de neuf.
Élément presque incontournable dans les RPG modernes : l'édification de votre base sera bien au rendez-vous.
Passez par la case patch
Malheureusement à l'heure actuelle, comme beaucoup de titres récents, Tyranny souffre d'un grave manque de finition qui peut sérieusement nuire à votre expérience de jeu. La faute semble en incomber au moteur de jeu Unity, quand ce n'est pas le jeu qui se lance sur le mauvais écran ce sont les chargements qui s'éternisent (même sur un SSD). La version française du jeu est bien présente pour la partie écrite cependant elle n'est pas au niveau de ce que peuvent se payer les gros jeux, entre les tournures maladroites, les traduction erronées et les textes qui sont parfois totalement absents (c'est fort rare mais nous avons dû repasser le jeu en version anglaise une fois ou deux). Le pire est cependant l'interface qui n'a visiblement pas été conçue pour aménager autant de techniques. Votre personnage peut posséder une dizaine de sorts, autant de compétences, des tonnes de combos, et une vingtaine de compétences de réputation ou d'artefact, tout cela sans même compter les différentes armes et les consommables. En fin de partie vous pouvez donc en théorie lancer plus de cinquante compétences différentes... mais vous n'avez que neuf raccourcis. Les autres seront cachés dans plein de petits sous-menus qu'il faudra penser à ouvrir et vérifier un à un plusieurs fois par combat afin de voir s'ils sont disponibles ou juste pour consulter ses options. Le pire reste que cliquer sur l'un d'entre eux va souvent interrompre directement ce que votre personnage faisait, comme une incantation en cours, voire celle d'un autre personnage dans le cas des combos. De ce point de vue les combats sont donc assez pénibles au départ, le temps de bien prendre en compte les défauts de conception de l'interface, le pathfinding défaillant des membres du groupe, et les interruptions d'actions au moindre clic.
Les compétences ultimes et les combos sont souvent surpuissants, ils rendent triviaux beaucoup de combats si vous prenez le temps de vous reposer avant.
En conclusion
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Les plus et les moins |
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Le mode conquête | À déconseiller aux allergiques de la lecture | ||||
Univers original et intéressant | Version française qui laisse à désirer | ||||
Histoire bien rythmée et prenante | Un peu court pour un RPG | ||||
Des choix à la pelle | Système de combat souvent pénible | ||||
Gameplay adaptable et profond | Chargements trop lents et affligés de bugs | ||||
De nombreuses nouveautés | Interface vraiment médiocre | ||||
Il est bon d'être mauvais | Ennemis peu variés | ||||
Le meilleur de l'isométrique |