La DreamHack Winter 2014 se jouera ce week-end et l'événement devrait marquer un tournant en terme de contrôle des compétiteurs. Suite à la vague de bannissements qui a touché deux joueurs tricolores (deux membres d'équipes différentes qui devaient d'ailleurs se rendre en Suède), il est désormais capital pour tous les organisateurs de modifier leurs comportements et surtout de s'appuyer sur Valve afin de trouver des solutions. Car désormais il est acté que les logiciels anti-triche on plus d'un train de retard, que tout le monde a été berné pendant des mois voir des années et qu'il semble, à l'heure actuelle, que les réponses proposées soient loin d'être suffisantes. Par exemple dernièrement nous apprenions que la DreamHack a réclamé aux joueurs d'envoyer par mail leurs fichiers de configuration (config jeu et drivers) bien en amont du tournoi de manière à les contrôler et à empêcher les éventuelles données modifiées. Dans le même temps, Robert « LillRobbaN » Jonasson, qui sera le patron des admins sur place, nous promet une LAN propre.
Une starification perverse
Si les deux bannissements successifs du joueur Titan Titan Hovik « KQLY » Tovmassian et de son camarade chez Epsilon Gordon « Sf » Giry ont jeté le trouble sur la scène, les révélations qui ont suivi cette affaire ont de quoi interroger quant à l'intégrité des tournois qui ont pu avoir lieu ces derniers mois. Si personne n'admet avoir triché en LAN ou lors d'un match officiel, et si d'autres refusent tout simplement de répondre aux questions, on ne peut nier que les détails concernant l'utilisation du ou des logiciels de triches réservés aux professionnels mettent en lumière une facilité déconcertante à leurrer n'importe quel arbitre ou administrateur de tournoi. C'est aussi pour cette raison que le Valve Anti Cheat (VAC) est mis à jour régulièrement et que les sanctions se sont durcies. Aujourd'hui lorsqu'un tricheur est détecté dans votre équipe, c'est l'ensemble des joueurs du groupe qui trinquent.
Mais posons-nous la question de savoir comment et pourquoi la triche en compétition officielle semble avoir pris une ampleur disproportionnée ? Après les actes de tricherie lors des paris permettant d'empocher de l'argent facilement, il faudra désormais compter sur les joueurs sans scrupules capables de tout pour gagner les dizaines de milliers de dollars promis aux champions. Car une victoire aujourd'hui cela signifie bien plus qu'une simple coupe comme il y a quelques années. Non, aujourd'hui si vous gagnez vous empochez un beau chèque, vous vous faites remarquer, vous envisagez une carrière professionnelle donc rémunérée et pour peu que vous souhaitiez vous bâtir une communauté de fans, vous pouvez également gagner de l'argent via le stream et les dons. En clair quand la vie d'un joueur eSport était relativement précaire il y a encore deux ou trois ans, elle peut être très lucrative aujourd'hui pour peu que l'on parvienne à atteindre un certain niveau de jeu.
Une réforme structurelle
Il est donc nécessaire pour les organisateurs et l'éditeur Valve en particulier de réagir fermement mais surtout dans la durée. Aujourd'hui que ce soit l'un ou l'autre il semble qu'ils soient tous légèrement pris de court. La DreamHack sera le premier événement « post-VAC Ban » et vraisemblablement elle devrait être très sévère car, à l'heure actuelle, personne ne sait vraiment sur quel pied danser. Est-ce que les tricheurs découverts sont seuls ? Y a-t-il d'autres programmes non-détectés ? Comment s'assurer qu'à la DreamHack nous n'aurons pas de joueurs qui sont passés à travers les mailles du filet ? Le simple contrôle de la configuration ne sera bien entendu pas suffisant, ni même l'absence de connexion internet, une réforme de fond doit s'opérer de manière à redonner un aspect sérieux à une scène qui vient clairement de prendre un coup. L'image du jeu vidéo n'est déjà pas glorieuse dans les médias généralistes, encore moins la compétition, alors si ces derniers s'emparent du sujet de la triche ce sont des années de travail qui seront réduites à néant en quelques minutes de reportage.
Beaucoup d'espoirs reposent par conséquent aujourd'hui sur les seules épaules de Valve, un éditeur qui s'est racheté une conduite vis-à-vis de la scène compétitive mais qui, pendant plus de dix ans, avait laissé cette dernière se débrouiller seule sans apporter le moindre soutien. Difficile donc de mettre tous ses œufs dans le même panier quand celui-ci a été troué pendant aussi longtemps. Les grands organisateurs et les grands clubs doivent donc reprendre leur marche en avant, voir se réunifier comme par le passé pour réfléchir à des actions communes de manière à endiguer ce phénomène qui touche leur gagne-pain après tout. Le G7 des équipes professionnelles (regroupement des sept plus grandes structures mondiales) n'a jamais servi à grand chose et il a d'ailleurs depuis été enterré, mais nul besoin d'une structure organisée pour se retrouver et réfléchir ensemble à des solutions. Il semble toutefois que ce ne soit pas à l'ordre du jour, chacun espérant limiter la casse à sa façon, dans son coin, en espérant avant tout dépasser une fois encore des records d'audience, de connexion ou de n'importe quelle autre valeur permettant de se faire sa petite publicité.
Une action groupée et radicale
En l'état actuel des choses impossible de savoir qui a pu tricher ou non avec certitude. Les principaux clubs internationaux se doivent donc de s'entendre sur des sanctions à prendre sur les éventuels futurs tricheurs. Qu'elles soient financières mais surtout dissuasives en bannissant à vie ou sur une durée suffisamment longue tout joueur qui aurait fauté. Une défense de ces derniers doit également pouvoir être mise en place, ce qui n'est absolument pas le cas aujourd'hui. N'importe qui devrait pouvoir justifier de ses actes et cela éviterait les éventuels procès à charge, comme on peut les voir s'étaler depuis plusieurs mois. De ce côté-là nous ne semblons pas prendre ce chemin, aucune cohésion n'existe et vraisemblablement aucune structure n'a la volonté ni le pouvoir de mener des négociations avec ses collègues d'en face, qui sont avant tout il est vrai des concurrents.
Ce serait donc aux organisateurs d'événements de prendre les choses en main et de mener la danse. La DreamHack, l'Electronic Sports League (ESL), l'Electronic Sports World Cup (ESWC), le Star Ladder ou encore l'E-Sports Entertainment Association (ESEA) sont suffisamment importants pour trouver des solutions à leur niveau. Mais là encore ça n'était visiblement pas dans les plans il y a encore quelques jours, la preuve l'ESEA a choisi de partager son savoir avec Valve mais pas avec les autres tournois. Pourtant l'ESL possède, par exemple, une grande expérience dans la lutte anti-triche (Aequitas, ESL Wire) et elle aurait pu apporter son expertise, ou tout du moins un retour enrichissant pour tout le monde. La DreamHack n'a pas non plus communiqué à ce sujet pour ce week-end, elle aurait pu annoncer un grand partenariat avec l'ESEA ou l'ESL par exemple, deux structures réputées aujourd'hui dans la lutte contre la triche mais que nenni, ils se débrouilleront seuls. Seul point positif ils nous promettent une compétition propre, à croire que jusqu'à maintenant c'était plutôt sale ... Rassurant parait-il.
Valve en dernier rempart
Tout le monde se repose finalement uniquement sur Valve, que ce soit les équipes ou bien les organisateurs. Du côté des clubs notons par exemple les propos du président des Ninjas in Pyjamas, le clan le plus influent sur la scène Counter-Strike: Global Offensive internationale, à ce sujet dernièrement :
Emil « HeatoN » Christensen - président des NiP (Traduction - Source)
Valve a eu vent que des gens ont triché et une enquête de grande envergure a été lancée à ce sujet. Il y aura certainement plus de joueurs touchés prochainement. Les tricheurs ne sont pas quelque chose que vous pouvez voir si vous vous tenez derrière les écrans, c'est un peu comme le dopage dans le sport traditionnel.
HeatoN ne propose donc pas, voir même n'intervient pas dans l'enquête menée par Valve. Il fait plutôt une confiance presque aveugle à l'éditeur, or c'est une personnalité de la vieille école qui a connu toutes les péripéties des années 2000 à 2012. La scène Counter-Strike: Global Offensive semble ainsi s'être totalement dévouée à ceux qui ont permis son épanouissement : la firme de Seattle. Pourtant pendant plus de dix ans les joueurs, dirigeants, administrateurs, arbitres et organisateurs ont su mettre en place leurs propres circuits, leurs propres règles et faire régner une certaine discipline à travers le monde. Où sont partis tous ces savoir-faire ? Comment expliquer qu'aujourd'hui Valve a pris l'ascendant sans rencontrer la moindre résistance ? Beaucoup se plaignent d'une absence de communication officielle concernant l'enquête menée par l'éditeur mais personne ne semble envisager de mettre la pression sur d'autres acteurs de la scène qui, pourtant, ont bien plus besoin pour leur propre survie que le FPS numéro 1 sur PC soit propre.
Comme nous vous le disions en introduction la DreamHack sera le premier test. Elle nous permettra d'avoir une vision, même parcellaire, de ce qui risque d'être envisagé dans les prochaines semaines. Ce qui est certain c'est que l'on se dirige tout droit vers une simple utilisation du VAC comme c'était le cas auparavant, que les joueurs seront peut-être plus surveillés en LAN mais qu'il n'y aura apparemment pas de grands chamboulements en ce qui concerne le reste. La coupure des connexions et les mesures prises par les Suédois ce week-end n'engagent qu'eux-mêmes et n'ont certainement pas vocation à être déployées partout. En ce qui concerne les sanctions, la défense des accusés ne devrait toujours pas être à l'ordre du jour, ils seront tous coupables par défaut comme c'est le cas aujourd'hui au risque de faire des erreurs. Mais sans syndicat des joueurs ou d'actions groupées il sera bien difficile de faire entendre sa voix.
En clair CSGO a encore beaucoup de chemin à parcourir s'il souhaite éviter à l'avenir ce type de scandale. Son développement tout comme celui de la scène eSport en général est bien loin d'être terminé et il reste encore beaucoup de chemin à parcourir.