Éditeur : Ubisoft
Développeur : Ubisoft Montréal
Plateforme : PC / PS3 / Xbox 360/ PS4 / Xbox One / WiiU
Date de sortie : 27 mai 2014
« Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités », avec Watch Dogs Ubisoft se lance à la poursuite des saints patrons de l'open world. Fort d'un savoir aiguisé et d'une reconnaissance avérée avec sa série multi-millionnaire Assassin's Creed, l'éditeur français tente l'approche transversale, celle qui pourrait le mener à la place de numéro un mondial sur un marché que la boîte ne cesse de transfigurer avec ses blockbusters atypiques. Watch Dogs a tout du jeu ambitieux : son contexte, son approche du gameplay ou son décor, en sont une preuve évidente. L'open world à la sauce cyberpunk se dévoile à travers des mécaniques entendues rejuvénilisées pour le plaisir des joueurs. Premiers pas dans le sombre de la ville, et premiers retours de Millenium.
Avec son monde à ciel ouvert, constellé de ruelles et d'avenues où le bitume est roi, Ubisoft dresse le portait digital d'un Chicago en pleine mutation. La mégalopole au passé troublé par les histoires de gangsters et les figures du grand banditisme, ouvre son horizon aux possibilités d'un futur ambivalent. Les mega-corporations ont tissé leur réseau invisible dans l'infrastructure de cet univers, les petites frappes se baladent avec des armes lourdes dans le coffre de leurs voitures de sport, les communications sont surveillées et la police chasse le hacker à même l’hélicoptère. Une journée banale dans ce Chicago décomplexé, où le moindre téléphone peut presque devenir une arme de destruction massive.
Watch Dogs ne perd pas de temps pour mettre les joueurs au cœur de l'action, out donc les longs préliminaires d'Assassin's Creed 3, place à la réalité du gameplay. Celle où vous dirigez Aiden Pearce, ninja moderne à la gabardine au cuir tanné et à la psychologie complexe et obscure. Watch Dogs joue la carte d'un futur proche, presque anticipé, à la trappe les implants électroniques aux alliages nouveaux, les prothèses de collagène modifié ou les voitures volantes en plein centre ville. Watch Dogs c'est un peu plus Retour vers le Futur épisode 2, que Blade Runner, le tout remanié comme un Vigilante movie des années 70. Le jeu répond à une thématique ancrée dans une réalité altérée où la technologie est reine et les systèmes de communication inter-connectés. C'est principalement cette interface entre la possibilité d'influer sur l'électronique du décor qui agrège le game-design de cet open-world à la sauce "réalité augmentée".
Décrypter le jeu, son gameplay et l'arborescence des possibilités offertes aux joueurs s'avèrent assez délicats dans une premier temps, tout du moins, inversement proportionnelle à la clarté d'un scénario qui joue du clair obscur pour nous raconter l'histoire de Pierce. Le personnage central de Watch Dogs est rongé par la colère, lui qui a perdu sa petite nièce dans un accident de voiture après un braquage qui a mal tourné. Ne parlons pas ici de sa situation familiale qui a tout d'un casse tête chinois. Violent, le jeu l'est assurément. Il joue cette dualité névrotique entre la culpabilité d'Aiden et son désir de connaître la vérité entourant les motifs de la perte de cet être cher. Dès lors tous les moyens mis en œuvre pour découvrir le fin mot de l'histoire entrent comme des excuses ludiques pour légitimer la rage qui habite le mystérieux personnage. Sur la piste de Maurice Vega, vous voilà partis dans un Chicago complètement ouvert et habité. The World is Yours.
Dans les sous-sols d'un hôtel ou dans un stade bondé à craquer, Watch Dogs reprend les mécaniques de jeu traditionnelles de l'open world. Une map, des objectifs pour suivre la trame de l'histoire et une pléthore de choses annexes à réaliser en marge de ce chemin tout tracé par le soft. Watch Dogs à ce niveau joue le met gourmand. D'autant que très vite il met en situation le joueur avec sa particularité. Dans Watch Dogs, le décor est votre ami. Loin d'un shooter linéaire, les motifs imprimés dans le gameplay du jeu forcent le joueur à utiliser leur capacité à hacker tous les appareils électroniques situés aux alentours. Caméras, boîtiers de commande, téléphones, tout peut être contrôlé par le joueur. Ces éléments permettent de singulariser l'expérience de Watch Dogs, car le jeu est avant tout pensé pour que l'infiltration devienne un leitmotiv pour le joueur. Passer sous le radar n'a donc rien de compliqué une fois assimilés les dispositifs du jeu.
Metal Splinter Gear, Wallhack 2.0 edition
Définir un chemin d'approche, comprendre les routines de déplacements des PNJ armés dans des zones ouvertes ou fermées, crafter des objets qui vous permettront d'induire en erreur ces bots, sont autant d'artifices qui caractériseront votre approche du jeu. Accéder à une caméra vous permettra d'observer les mouvements dans une pièce, de définir combien de petites frappes vous aurez à croiser tapi dans le noir ou dissimulé derrière un mur. Vous aurez la liberté de voguer d'une caméra à l'autre pour anticiper la présence fortuite de PNJ à des endroits inespérés. Les scans de zone modifient complètement votre approche et si inopinément vous tombez nez à nez avec un fusil d'assaut, très difficile de prendre la rencontre avec le sourire.
Watch Dogs offre cette dimension particulière lors des missions principales du jeu mais n'exclut cependant pas le jeu plus martial dans les missions annexes. À la manière d'un Assassin's Creed contemporain, Watch Dogs initie les mêmes perspectives de jeu quant aux déplacements que l'on peut effectuer avec Aiden. À savoir une automatisation de certains mouvements pour parcourir avec fluidité l'espace ouvert de Chicago. Il suffira de presser un bouton de la manette ou du clavier pour escalader des murs ou interagir avec le décor. Les phases de combats à mains nues, lorsqu'elles sont inscrites dans un processus de mise en scène élaborée, joueront du QTE pour offrir des angles de caméras dynamiques pour les rendre plus spectaculaires. Mais il sera toujours possible pour le joueur d'assommer un PNJ d'une simple manipulation du pad lors d'une phase d'infiltration pendant une mission. Les grappes de QTE ne s'imposeront donc pas aux utilisateurs durant leur aventure mais seront juste implémentées à des moments précis de l'histoire.
En dehors des phases de jeu où l'objectif est suzerain, Watch Dogs déploie sur sa carte une quantité de lieux à découvrir. Ces derniers auront une incidence opérante sur le gameplay du jeu. Aller se faire un drink dans le bar du coin, boire un café tout en jouant aux échecs dans une petite échoppe ou se faire un restaurant; seront autant d'activités qui vous octroieront un buff, certes marginal et ponctuel, qui aura une influence sur votre santé ou sur votre indice de recherche. Car qui dit monde ouvert moderne sauce GTA, dit bien sûr course poursuite avec toute l’armada policière aux basques. Vous pourrez à tout moment rallier des stations de métro pour vous déplacer dans Chicago, comme vous pourrez trouver des magasins de vêtements pour changer la garde robe de votre héros vengeur local. D'autres éléments de jeu ont une portée plus profonde sur le gameplay du titre d'Ubisoft. Tout au long de votre aventure vous pourrez ramasser ça et là des composants chimiques qui vous donneront l'occasion de crafter des objets comme des grenades ou des leurres.
Ces objets sont « craftables » depuis l'interface de votre personnage. Cette roue vous gratifie de cette capacité spéciale de paramétrer votre personnage de manière libre en allouant des points de compétences selon votre convenance à votre avatar. De choisir aussi avec quelles armes vous voulez vous équiper, ou encore d'avoir un œil sur les véhicules que vous avez à votre disposition. Si des objets ou composants venaient à vous manquer pour crafter de nouveaux outils ou médicaments, des petites échoppes dans lesquelles vous pourrez acheter ces matériels seront facilement accessibles ou repérables via la map de votre HUD. Bien sûr Watch Dogs n'oublie pas de disséminer quelques armureries dans la ville, histoire de vous donner l'occasion de briller dans des gunfights tout ce qu'il y a d'évident dans un open world. Même si le système de visée est régi par un auto-lock permissif, la violence de certains assauts pousseront les joueurs à bien intégrer le système de couverture dans leur façon d'appréhender certaines situations. Ainsi que son petit système de bullet-time jouissif, auquel cas ils pourraient finir à la morgue bien plus souvent qu'ils ne le souhaitent.
Next gène 2014 ?
Accompagné par un sidekick bavard, Jordi, Watch Dogs déroule son scénario et récite toutes les ficelles du métier avec courtoisie. Entre humour et flashbacks, le jeu d'Ubisoft offre dès le départ du jeu une planque à notre justicier ombrageux. Une planque connectée à l'interface du jeu, comme Aiden l'est avec tous les appareils des PNJ peuplant Chicago. Le jeu va plus loin encore en vous donnant la possibilité d'avoir un effet immédiat sur des feux de circulation ou encore les ponts de la ville, manipulables à distance; si l'on est pris en chasse. Cette planque permet évidemment de faire évoluer le monde vous entourant à chaque fois qu'une nuit de sommeil vous est imposée. Du moindre badaud, aux membres du gang du coin de la rue, il vous suffit de sortir votre téléphone pour découvrir des informations sur une cible potentielle. C'est une des particularités du jeu.
Vous pourrez même aller plus loin en hackant le compte de votre victime, d'écouter ses conversations ou même de virer leur argent sur votre propre compte. À ce niveau Watch Dogs présente un univers immatériel que le joueur peut brouiller à loisir, avec lequel il peut jouer à tout instant, comme son identité sous le feu des caméras. Il sera dès lors impératif de contrôler cet espace virtuel, ou de pouvoir s'en prémunir grâce à des grenades IED pour parasiter les communications de vos poursuivants. Entre phases de filature et action pure, Watch Dogs essaie de bouleverser les codes du genre pour apporter une patte toute personnelle à sa vision du méta-monde moderne.
Présenté en grande pompe par Ubisoft lors de l'E3 2012, la nouvelle licence présentait une ville foisonnante de détails et un moteur physique qui avaient de quoi impressionner. Sur le plan cosmétique, et après quelques retards en 2014, le jeu a-t-il perdu de sa superbe ? S'il n'est peut être pas du niveau des premières vidéos dévoilées lors de l'événement international, Watch Dogs reste un jeu next-gen ready à la plastique aguicheuse. Bien animé, le jeu affiche une ville vivante à l'écran sur PS4 et PC. Le trafic dans les rues de Chicago est parfois dense, la variété de décors à arpenter bien là, et la météo dynamique apporte son lot de surprises visuelles. Les moments les plus impressionnants sont ceux pendant lesquels on peut d'une simple manipulation éteindre une partie de Chicago, rendant ainsi la ville aussi obscure qu'elle peut l'être lors d'une panne de courant en pleine nuit. Ça fait son petit effet.
Dans son déroulement, mis à part le gameplay axé infiltration, Watch Dogs reste classique et manque de punch au niveau de sa narration. Le fait d'avoir peut être rendues possible les interactions avec tous les PNJ d'un open world aussi vaste, amoindrit la dynamique d'une trame qui pendant les premières heures de jeu manquait déjà cruellement de relief. La profusion d'interactions (parfois inutiles) et le moteur physique un poil rigide lors des phases de conduite, desservent peut être aussi une idée d'ensemble plus ambitieuse que la simple somme de ces quelques désagréments. Le tout reste encore à déterminer. Le début du jeu posant les bases d'une quête plus mystérieuse qu'il n'y paraît, ne nous a finalement pas aidé à y voir plus clair. Reste à voir comment le tout évoluera après plus d'une dizaine d'heures sur le jeu. La réponse, Millenium vous la présentera bientôt dans son test complet du jeu.
Avec sa dialectique mystico-futuriste, dans un monde où les communications sont gérées par des systèmes inter-connectés, Watch Dogs appose sa patte singulière au genre de l'open-world. Jouable, tout ce qu'il y a de plus mignon et assez atypique pour susciter l'intérêt des joueurs, la nouvelle licence d'Ubisoft tente le pari de s'accrocher avec panache dans le paysage ludique des amateurs du genre. Difficile de détrôner Rockstar, quand le savoir-faire du studio est un acquis depuis maintenant plusieurs générations, mais au jeu des chaises musicales Watch Dogs pourrait trouver son public. Parfois scolaire Watch Dogs n'est peut être pas bouleversant au niveau de sa narration durant les premières heures de jeu, mais le potentiel de son intrigue, sorte de polar cyberpunk à la sauce americana, peut laisser penser que l'expérience de jeu montera en puissance par la suite. Surtout si le tout est coordonné par une quête principale bétonnée, parsemée de twists et de scènes mémorables qui donneront du ressort à un jeu qui mérite le coup d’œil. La réalisation globale du jeu pousse en tout cas à la curiosité. Avec sa difficulté bien dosée, son interface foisonnante de possibilités et un arbre de compétences à gérer, les joueurs auront de quoi faire avant l'été.
