Qu’est-ce qu’un jeu indépendant ? Si l’on écoute la définition « officielle », il s’agirait d’un jeu créé sans l’aide d’un éditeur et du support financier apporté par celui-ci. Néanmoins, cette explication est loin d’être au goût de tous. Pour certains, ce serait des jeux développés par un studio qui garde sa liberté lors de la création de leur œuvre. Alors qu’en est-il ? Les jeux indépendants sont-ils un modèle économique ou une liberté dans la création ? Nous vous proposons ici quelques pistes de réflexion.
Le modèle économique et l’influence éditoriale
Il est clair qu’aujourd’hui, les éditeurs ont un poids dans le monde vidéoludique. Celui-ci est souvent visible lorsque l’on regarde l’appui financier qui est, parfois, apporté à certains studios de développement. Mais ceux-ci peuvent intervenir de bien d’autres façons, que ce soit par des campagnes marketing, par l’utilisation d’un tissu relationnel ou tout simplement, en mettant leur nom sur le jeu, posant par la même occasion une sorte de « label » qui influencera des joueurs.
Néanmoins, si l’influence que peuvent avoir les éditeurs est bien réelle, elle n’en est pas pour autant incontournable. Si on prend le cas de l’investissement économique, KickStarter est l’un des exemples les plus probants que l’on n’a pas forcément besoin d’une maison d’édition pour réussir. Et s’il est vrai que tous les projets ne réussissent pas leur campagne ou n’obtiennent pas ce qu’ils auraient pu avoir avec des sociétés comme Konami ou encore Capcom, nombre de jeux ont déjà vu le jour grâce aux supports des internautes qui peuvent, s’ils le désirent, apporter leurs contributions afin d’aider les développeurs à réaliser leur projet.
Pour ce qui est des campagnes marketing, l’essor d’internet a permis la création de nouveaux moyens de communication touchant de larges publics. Il est ainsi possible d’envoyer un jeu indépendant à la presse spécialisée pour que celle-ci en fasse un test et en parle. De même, certaines compagnies proposent un ou plusieurs exemplaires de leur titre à un ou plusieurs youtubers, pour qu’en échange, ceux-ci en fassent une vidéo. Et il ne faudrait pas oublier que durant la GDC (l’un des événements les plus importants du monde vidéoludique) a lieu l’Independant Game Festival, mettant en avant un grand nombre de jeux indépendants. Des méthodes qui restent non négligeables, puisqu’elles ont l’avantage de toucher un public réceptif aux produits proposés, même s’il reste moins large que celui des publicités, des salons ou des conventions.
De plus, il faudrait se poser la question concernant certains développeurs, ceux-ci étant également leur propre éditeur, comme c’est le cas de Sony, Microsoft ou Nintendo, pour ne citer qu’eux, puisque ceux-ci ont la possibilité d’auto financer leurs titres. Une autre interrogation pourrait concerner les jeux amateurs et fanmades, que quelques-uns ne considèrent pas comme indépendants malgré le fait qu’ils n’aient pas un appui éditorial.
Il existe aussi un autre modèle économique, différent du coût de développement, qui a tendance à être oublié : le modèle économique pour le joueur, car, la plupart des jeux indés sont disponibles à bas prix. Il est assez rare de voir des indies dépasser les quinze euros et encore plus de s’en aller au-dessus de la barre des 30 euros, prix la plupart du temps minimal pour les jeux en boîtes à leur sortie sur PC. Quelque chose qui s’y s’avère peu courant, mais qui n’est pas impossible, puisque certains titres indépendants se révèlent être plus cher que des softs que l’on trouve en magasin, sans oublier qu’il existe une fluctuation des prix selon la plate-forme de téléchargement ou le commerce qui est capable de tout modifier.
La liberté dans la création
Néanmoins, il existe un second point important concernant la définition des jeux indépendants : la liberté dans la création. Une chose qu’il ne faut pas oublier quand on parle des éditeurs, c’est que ceux-ci sont rarement des mécènes, ils sont plus souvent des investisseurs, ce qui signifie qu’ils auront envie de rentabiliser leur investissement. Et pour atteindre ce but, il leur arrive de donner des directives aux développeurs et d’intervenir lors de la création d’un jeu.
Dead Space 3 en est d’ailleurs un cas notable. Visceral Game, les dévs du jeu, désiraient implémenter un système de gestion des munitions à leur soft, pour rendre celui-ci plus riche. Quelque chose qui a déplu à EA, puisque ceux-ci ont refusé, cela risquait de rebuter des joueurs potentiels et donc de diminuer les chiffres de vente. Dans ces situations-là, on ne peut pas dire que les entreprises d’éditions ne brident pas la liberté des développeurs lors de la création de leur titre.
Et même si ces cas existent, ils ne sont pas absolus. Par exemple, des titres comme Ico ou Shadow of the colossus ont reçu le support d’un éditeur, mais ont eu toutes libertés dans leur création. Pourtant, ces derniers ne sont pas considérés comme des indies. À cela ajoutons la polémique des jeux amateurs et fanmades, qui ne sont pas considérés par tous comme des jeux indés. Les créateurs de ces derniers sont tout autant libres dans la création de leur soft que les indépendants.
De plus, ils ne faut pas oublier que de nombreux titres indépendants ont pour but de se vendre. Dès lors, ne voient-ils pas leur liberté de création bridée par l’oppression dictatoriale d’un monde mercantile ? Une question à laquelle il est difficile de répondre, puisqu’elle dépend de l’organisation interne de chaque groupe de développeurs et comme on ne connaît pas la façon dont chacun d’entre eux fonctionne, on ne peut rien affirmer.
Entre les deux ?
Alors, où se trouve la voie pour définir un jeu indépendant ? Si elle ne se trouve ni dans le modèle économique, ni dans la liberté de création, peut-être se trouve-t-elle entre les deux ? De cette manière, on considérerait qu’un jeu indépendant serait fait avec des moyens réduits, tout en gardant la liberté dans sa création. Une définition qui permettrait d’intégrer certains jeux comme Trine 2 qui, sans bénéficier d’un grand budget, possédait un éditeur. Et de refuser Shadow of colossus, qui lui avait un gros soutien financier, mais restait libre dans sa conception.
Au final, il n’est pas si facile de définir précisément ce qu’est un jeu indépendant. D’une part l’essor, fort récent du crowdfunding et d’internet ont permis l’apparition de nombreuses autres voies pour subventionner et promouvoir les indies. D’autre part, leur nombre ne cesse d’augmenter et leur diversité rend la classification de ceux-ci assez difficile à faire. Et il ne faudrait pas oublier que l’envol des titres indés est encore fort récent et que son évolution ne fait encore que commencer. Dès lors, ce domaine sera encore sujet à de nombreuses modifications dans l’avenir et est bien malin celui qui peut d’ores et déjà les voir venir.
Ainsi, je ne peux que vous conseiller de vous renseigner et de prendre en compte les arguments et contre-arguments proposés afin que vous puissiez vous faire votre propre avis. Et qui sait, peut-être arriverez-vous à trouver vous-même « la » définition, celle qui conviendra à chacun d’entre nous ?
Merci à Kaillens