Sorti en 2015, Life is Strange a marqué les joueurs grâce à son approche narrative unique, centrée sur les choix moraux et les conséquences. La profondeur émotionnelle du jeu, renforcée par des dialogues réalistes et une bande-son envoûtante, a créé une connexion puissante avec le public, faisant de Life is Strange un jeu culte dans le genre des aventures narratives.
Les studios français Don't Nod ont passé le flambeau à Deck Nine Games pour poursuivre l'histoire, que l'on croyait terminée, de Max Caulfield. Life is Strange: Double Exposure est-il une suite justifiée ou un ajout superficiel à la série ?
- Genre : Aventure
- Date de sortie : 29 octobre 2024
- Plateformes : PC, PlayStation 5 et Xbox Series
- Développeur : Deck Nine Games
- Éditeur : Square Enix
- Prix : 49,99€
Près de dix ans après les évènements d'Arcadia Bay, Max est devenue la photographe résidente de l'université prestigieuse de Caledon, dans le Vermont, dans laquelle elle donne des cours. La vie est douce pour Max qui s'est entouré d'amis loyaux dans les personnes de Safi, étudiante en écriture créative, et Moses, diplomé d'astrophysique. Mais lorsque Safi est assassinée dans de mystérieuses circonstances, Max se retrouve dans un tourbillon chaotique similaire à celui qu'elle a vécu quelques années auparavant dans sa ville natale.
En essayant de sauver son amie en remontant le temps, pouvoir qu'elle avait perdu après avoir arrêté de s'en servir, Max ouvre un portail vers un univers parallèle où Safi est encore en vie, mais toujours en danger.
Au début du jeu, les joueurs pourront choisir ce qu'il s'est passé à la fin de Life is Strange : Max a-t-elle sauvé Arcadia Bay en sacrifiant Chloé, ou a-t-elle choisi Chloé au prix de sa ville natale et des vies qu'elle abritait ? Cette décision influencera fortement l'histoire de Life is Strange: Double Exposure.
Accès anticipé payant et bugs en tout genre
Avant toute chose, il nous faut adresser le sujet qui fâche : les deux premiers chapitres de Life is Strange: Double Exposure accessibles deux semaines avant la sortie du jeu complet pour 20 euros de plus. Cette décision de Square Enix a été vivement critiquée par les fans, notamment à cause des spoilers que pouvaient entrainer ce choix de dévoiler une partie du jeu en avance à ceux qui en ont les moyens financiers.
Si les deux premiers "épisodes" de Life is Strange: Double Exposure se révèlent être une excellente introduction qui a su intriguer les joueurs sans trop gâcher l'expérience pour les autres, on ne peut que déplorer cette décision de Square Enix en raison des sérieux problèmes de performances que nous avons rencontrés, ainsi qu'un certain nombre de joueurs.
Contrairement à la grande majorité des joueurs de l'avant-première, qui se sont plaint de bugs graphiques lors de l'utilisation des pouvoirs de Max, nous n'avons pas rencontré de problèmes à ce niveau-là. Toutefois, nous avons subi de nombreux de bugs et problèmes de performance plus ou moins sérieux lors de notre partie.
Chaque tentative de personnalisation des paramètres graphiques a engendré des bugs, notamment la disparition des ombres et un éclairage défaillant qui altèrent considérablement l’atmosphère du jeu, et des crashs avec des messages d’erreur "fatal error" ont également interrompu notre progression à plusieurs reprises et à plusieurs moments du jeu.
Un autre problème majeur concerne les PNJ qui se figent en position "T-pose" lors des passages d’un monde à l’autre, brisant complètement l’immersion. Ces bugs, particulièrement fréquents dans une production où l'immersion est essentielle, rendent difficile de profiter pleinement du potentiel narratif du jeu.
Si les personnalisations graphiques offertes par le jeu ne sont pas très étoffées et ne fonctionnent qu'à moitié, on a apprécié les customisations de gameplay : le jeu propose de pouvoir rallonger le temps donné pour faire un choix important, l’option de confirmer la décision lors d’un choix important, et la possibilité d'avertir le joueur lorsque certains sujets sensibles sont abordés.
Un gameplay fade à cause de mécaniques mal exploitées
Le gameplay de Life is Strange: Double Exposure souffre de mécaniques de changement de monde mal pensées, rendant l’expérience souvent frustrante plutôt que captivante. Le pouvoir de Max, censé être un atout unique, n’a réellement d’impact qu’au deuxième chapitre, mais sa mise en œuvre reste répétitive et peu stimulante.
Le fait de devoir constamment trouver des lieux spécifiques pour alterner entre les mondes ralentit le rythme du jeu et rend la progression laborieuse. Vers la fin du second chapitre, une utilisation alternative de ce pouvoir donne un aperçu de son potentiel en situation furtive, mais ce moment reste unique et n'est jamais réitéré. Cette même scène laisse entendre que Max pourrait découvrir une nouvelle capacité, qui, elle aussi, est malheureusement resté confinée dans deux moments de cinématiques très scriptées, ne permettant jamais au joueur d’explorer ces possibilités par lui-même.
Il est clair que ce nouveau pouvoir se révèle plus fastidieux qu’amusant : l’exploration se limite à des aller-retours entre des lieux spécifiques du campus pour interagir avec quelques objets ou écouter des dialogues. On se retrouve souvent à sauter d’une ligne temporelle à l’autre sans véritable puzzle à résoudre, simplement pour récupérer un objet ou ouvrir une porte. Au final, l'absence de vraies mécaniques d’enquête ou de puzzles engageants nuit grandement à l’immersion et au dynamisme du jeu.
Une direction artistique solide
A l'instar des autres jeux Life is Strange, la direction artistique de Life is Strange: Double Exposure réussit à créer une ambiance visuelle et sonore caractéristique, malgré quelques choix esthétiques qui peuvent étonner. Le design des personnages est parfois inégal : le visage de Max, soigné et relativement réaliste, contraste avec des personnages comme un certain inspecteur au look plus caricatural, presque inspiré des méchants de films d’animation Pixar. Si cette dissonance peut légèrement briser l’immersion, elle n'altère pas fondamentalement l'expérience de jeu.
L'univers du jeu se distingue surtout par son ambiance à double ton : chaque monde possède sa propre identité visuelle et musicale. Dans le "monde de la mort", les tons bleutés et froids dominent, accompagnés d'une musique mélancolique, créant une atmosphère pesante. À l'inverse, le "monde de la vie" est baigné dans des teintes chaudes et dorées, soutenues par une musique apaisante qui apporte de la douceur. Ces contrastes marqués réussissent à renforcer la différence entre les réalités parallèles, tout en plongeant le joueur dans l’émotion propre à chaque univers.
Les environnements sont quant à eux visuellement superbes, en particulier les scènes extérieures enneigées qui dégagent une qualité onirique et poétique. Sans entrer dans les détails pour ne pas révéler les secrets de l'intrigue, les décors de fin de jeu sont également très réussis et renforcent l'impact émotionnel du dénouement.
Bien que le jeu propose relativement peu de lieux à explorer, cela s’inscrit dans la continuité de l’univers Life is Strange, qui privilégie des environnements restreints, mais soignés, au service de la narration.
On saluera également la qualité de l'animation faciale de Max, qui réussit à transmettre une gamme d’émotions correcte et renforce son caractère attachant. Ses expressions sont travaillées, contrairement à certains personnages secondaires, qui bénéficient d’animations faciales nettement moins raffinées, ce qui crée un contraste parfois marqué lors des échanges.
La narration : la force de Life is Strange: Double Exposure
La narration de Life is Strange: Double Exposure constitue le véritable atout du jeu, apportant une profondeur émotionnelle et une richesse aux personnages qui compensent largement certains problèmes d'exécution. L’écriture de Max, ici plus âgée, est particulièrement soignée, et on retrouve une version cohérente et authentique de la jeune femme que l’on a connue dans le premier opus.
Ce retour est d'autant plus puissant grâce au doublage exceptionnel d'Hannah Telle en version originale, qui incarne les monologues intérieurs de Max avec une justesse remarquable. Les personnages secondaires se révèlent également attachants et nuancés.
La narration brille aussi par son souci du détail, notamment grâce à l’utilisation des réseaux sociaux et des messages dans le téléphone de Max, qui permettent aux joueurs de découvrir les vies des personnages dans chaque monde parallèle. Safi, par exemple, se dévoile à travers ses publications artistiques, pleines de sarcasme et de réflexions personnelles. Ses interactions sur les réseaux sociaux avant sa mort, ses pensées sur une pluie de météorites imminente, et ses relations parfois complexes avec sa famille donnent vie à son personnage.
Le basculement vers la réalité dans laquelle Safi est décédée, avec les hommages en ligne et les messages déchirants de ses proches, amplifie le poids de cette perte et souligne les subtilités des deux mondes.
Cependant, Double Exposure présente aussi des faiblesses narratives. Les traductions approximatives ternissent certains dialogues, et certains choix ou actions se révèlent frustrants, laissant peu de place à la subtilité ou à l'initiative du joueur. Quelques répliques, musiques et moments de réflexion paraissent aussi en décalage avec l’atmosphère sombre de l’intrigue, notamment dans des scènes de deuil ou de tension apocalyptique.
L'impact de choix narratifs clés du premier Life is Strange, comme le choix entre "Bae" et "Bay" (le choix Chloé ou Arcadia Bay), ajoute des options de dialogue qui résonnent avec la continuité de l’histoire, rendant l'expérience plus marquante pour ceux qui ont connu le parcours de Max depuis Arcadia Bay. Ce nouvel opus reste néanmoins accessible aux nouveaux joueurs, mais il offre une résonance particulière à ceux qui ont exploré le premier jeu, enrichissant ainsi l'expérience narrative et émotionnelle de cette suite.
Malheureusement, Life is Strange: Double Exposure souffre d'une fin décevante qui, en cherchant à ouvrir la porte à une éventuelle suite, prive les joueurs de la satisfaction d'une véritable conclusion. Les nombreuses questions soulevées au fil de l’histoire, que ce soit sur les nouvelles capacités de Max, les secrets entourant certains personnages, ou les enjeux des deux réalités, restent en grande partie sans réponse, ce qui donne l’impression d’un chapitre inachevé et limite l'impact émotionnel de la fin.