Si le concept de jeu de stratégie tactique d’infiltration en temps réel aux commandes d’une escouade a été initié à la fin des années 90 par feu Pyro Studio, c’est désormais bel et bien Mimimi Games qui en a repris le flambeau. Le principe de base reste en effet comparable, mais le studio allemand a délaissé la seconde guerre mondiale retenue par les Espagnols pour d’autres univers. C’est ainsi qu’il nous a tout d’abord emmenés dans le Japon féodal avec Shadow Tactics : Blades of the Shogun, puis au far-west avec Desperados III, et enfin aujourd’hui dans les eaux turquoise des Caraïbes avec Shadow Gambit : The Cursed Crew. Et c’est Mimimi lui-même qui édite pour la première fois le jeu sur PC, PS5 et Xbox Series. Emballés par la démo que nous avions eue entre les mains au mois de juin, nous attendions avec impatience de voir le résultat final. C’est dorénavant chose faite, et nous ne sommes pas déçus, bien au contraire.
- Genre : infiltration stratégique en temps réel
- Date de sortie : 17 août 2023
- Plateforme : PC, PS5, Xbox Series
- Développeur : Mimimi Games
- Éditeur : Mimimi Games
- Prix : 39,99 €
- Testé sur : PC
Cinq assemblés sur le pont du Marley
L’équipage que nous contrôlons a beau être constitué de 8 pirates maudits, c’est uniquement avec Afia Manicato que nous démarrons l’aventure. Celle-ci se rend en effet au Tombeau du Pêcheur pour rencontrer l’Arlequin et passer un accord avec lui. Elle souhaite monter à bord du Red Marley, un bateau pirate doté d’une âme maudite, afin de trouver le trésor de Mordechai Œil Noir, et obtenir ainsi la célébrité. Mais l’Inquisition, qui sévit dans les Rivages Intemporels et cherche à exterminer la corruption, a déjà mis la main dessus après avoir brûlé l’âme de son capitaine avec le feu purificateur. Grâce à la magie de l’Arlequin, elle est téléportée sur l’île où se trouve retenu le navire, et va devoir le libérer des mains de l’inquisitrice Ignacia, également à la recherche du trésor. Heureusement, le Marley est là pour l’aider, notamment grâce à son pouvoir qui lui permet de manipuler les souvenirs qu’il peut relâcher à tout moment afin d’annuler un dénouement regrettable et retenter sa chance.
Une fois l’objectif atteint et le large regagné, le navire maudit passe un pacte avec Afia. En échange d’une partie du trésor et de l’assistance du Marley, elle va devoir retrouver et ranimer son équipage en rapportant suffisamment d’énergie d’âme et de perles noires nécessaires pour la résurrection. Afia rejoint donc l’équipage en devenant la navigatrice officielle du Marley, même si celui-ci n’a aucunement besoin de cela pour tracer sa route. Tout en cherchant à résoudre l’énigme du capitaine qui parle de « Cinq assemblées sur le pont du Marley », c’est ainsi que nous visiterons les différentes îles de l’archipel caribéen en se confrontant à l’Inquisition et à son nouveau rituel. Et si la vengeance motive chacun des pirates maudits à s’en prendre à l’impitoyable Inquisitrice de l’Immaculée, celle-ci ne se prive pas non plus de provoquer le navire. Un duel se met peu à peu en place. Mais que vient faire l’Arlequin là-dedans ? Quel rôle joue-t-il et que veut-il ?
Chaque mission que l’on doit accomplir part du Marley et c’est à nous de choisir laquelle effectuer lorsqu’il y en a plusieurs de proposées. Comme à l’accoutumée, cela commence par une présentation du contexte et des lieux en cinématique avec exposition des objectifs successifs, et parfois optionnels, à atteindre. Il s’agit ensuite de choisir où débarquer, puisque plusieurs options peuvent être possibles. Enfin, il ne reste plus qu’à choisir quels membres de l’équipage participeront, dès lors que l’on en a plus que de places nécessaires, à moins de préférer recourir au hasard. Cela représente donc pas mal de possibilités qui viennent s’ajouter aux différentes approches envisageables et militent très favorablement pour la rejouabilité. Nous n’avons certes pas pu essayer toutes les options possibles, mais les choix que nous avons opéré se sont toujours avérés fonctionnels. Rajoutons que c’est aussi à nous de choisir qui ressusciter en premier et donc qui sera disponible ou pas dans les premières missions, même si le premier choix ne propose que deux pirates.
Pour le capitaine !
Chacun aura clairement ses préférences, mais c’est très bien équilibré et le level design est bien pensé. Précisons en effet que, comme dans les autres jeux de Mimimi, tous ne peuvent pas nager, ni grimper aux lierres, ce qui oblige à trouver un chemin pour chacun. La téléportation d’Afia, le passage par l’Au-Dessous du charpentier ou encore le kanol de la canonnière, sont aussi d’autres moyens d’accéder à certains lieux. Les compétences létales comme non létales de nos camarades sont sympathiques et fortement empreintes de surnaturel. Outre la téléportation, Afia peut aussi figer le temps d’un garde pour le rendre sourd et aveugle, tout comme le nuage de fumée de la tireuse d’élite réduit leur champ de vision, toujours représenté sous forme de cône vert devenant progressivement jaune en cas de suspicion, puis rouge s’il nous atteint, déclenchant ainsi l’alerte. Nous avons aussi le Katashiro du maître coq qui lui permet de marquer les ennemis et les exécuter directement d’où qu’il soit, les buissons créés par le médecin de bord pour se cacher, la capacité à contrôler les corps des adversaires du quartier-maître, ou encore la canne du chasseur de trésor pour tirer à soi les corps ou les mécanismes.
Les capacités offertes sont variées et originales et se complètent parfaitement. Elles disposent de plus d’une version améliorée que l’on peut débloquer en accumulant assez de vigueur que l’on obtient en accomplissant les missions, mais aussi grâce à l’impatience des membres non sélectionnés lors des missions précédentes, une très bonne idée pour pousser à varier la composition de votre équipe d’intervention. On retrouve aussi classiquement la possibilité pour chacun d’utiliser une arme à feu que l’on peut recharger sur le terrain si l’on trouve une caisse de munitions, ainsi que des moyens de distraction à même d’attirer les adversaires les plus faibles : pièce, sifflet, pétard, poisson domestique surgissant de l’Au-Dessous et crâne doré. À défaut, laisser des traces de pas dans le sable ou éteindre les lumières fera tout aussi bien l’affaire. Dissimuler les corps pour éviter qu’ils ne soient découverts et qu’une alerte ne soit lancée, obligeant ainsi à se cacher le temps que tout le monde se calme, est aussi un incontournable. Inutile en revanche de se méfier des civils qui, une fois n’est pas coutume, restent plus ou moins indifférents à nos actions.
Compte tenu de la taille de notre équipe et de l'ampleur des forces qui se trouvent en face, il s’agit bien évidemment de privilégier l’infiltration et donc de passer le plus inaperçu possible. Pour cela, l’observation est indispensable préalablement à l’action. Les gardes s’inscrivent dans une routine bien marquée, y compris dans les dialogues qui se répètent invariablement. Il est également possible de mettre à contribution l’environnement pour provoquer des « accidents » : pousser un rocher, relâcher le contenu d’une grue, allumer la mèche d’un canon… La synchronisation de l’équipe est de mise, et le mode Ombre nous aide beaucoup à cela. On peut grâce à lui mettre le jeu en pause et planifier une action par personnage que l’on pourra ensuite déclencher au moment voulu, permettant ainsi des exécutions synchronisées. Ceci est par exemple bien pratique pour se défaire des appariées, deux adversaires liées entre elles et qui ressuscitent systématiquement leur binôme s’il vient à mourir. Attention aussi aux Prognosticars qui peuvent prévoir votre action et l’interrompre en vous emprisonnant dans une cage magique jusqu’à votre trépas, à moins qu’un de vos camarades parvienne à l’exécuter avant. Le gameplay reste classique, mais toujours aussi efficace.
Saluons en revanche les passages sur le Marley entre les missions. C’est non seulement l’occasion de discuter avec les différents protagonistes pour apprendre à mieux les connaître, mais aussi d’effectuer des missions de personnages cocasses et scriptées à leurs côtés (5 pour chacun, plus un défi du capitaine). À chaque nouveau personnage ressuscité, on peut également se rendre dans la soute pour s’entraîner à utiliser ses compétences et relever un défi proposé par le Marley. Cela permet d’étoffer le lore, tout en apportant un peu de changement et en effectuant une petite pause entre les missions. Bien vu. Enfin, il existe tout un tas d’insignes à acquérir, à la fois par membre d’équipage, par île et par mission. Leurs conditions d’obtention ne sont connues qu’une fois obtenus, mais dès que vous aurez bouclé le scénario une première fois et obtenu un joli cadeau surprise, elles vous seront révélées. Il ne vous reste alors plus qu’à relever les défis proposés pour obtenir les insignes correspondants. Un autre aspect militant clairement pour la rejouabilité. Il y a donc largement de quoi faire.
La mort n’est pas la fin
Les missions prennent toutes place sur de petites îles pouvant être exploitées à plusieurs reprises. Et si nous craignions un peu trop de répétitivité de ce fait, il n’en est rien, car il n’y en a pas tant que cela par île et que chacune vise sur une partie différente du caillou. À moins de vouloir exterminer tout le monde à chaque fois, ce qui n’est nullement nécessaire, mais pas interdit, vous ne devriez pas avoir l’impression de vous répéter. Rappelons de plus qu’il existe différents points de débarquement que vous pouvez choisir selon vos objectifs, ce qui évite de repasser par les mêmes lieux. Dès lors que votre mission est accomplie, vous êtes libre de continuer à visiter les lieux jusqu’à ce que vous empruntiez une des brèches présente sur le terrain pour rejoindre le Marley. Celles-ci sont toutefois maintenues hermétiquement closes par le chant de Custodes qu’il faudra éliminer pour pouvoir rejoindre l’Au-Dessous. Mais avant cela, vous rencontrerez certainement la Mort à plusieurs reprises, Shadow Gambit étant un jeu de stratégie où l’on trouve la solution par l’expérimentation et où l’on progresse par l’erreur.
Il est d’ailleurs conseillé (et régulièrement rappelé, avec possibilité désormais d’en régler la fréquence) de sauvegarder pour pouvoir recommencer si besoin. Le principe du pouvoir des souvenirs du Marley justifie d’ailleurs parfaitement cette faculté. Il n’est également pas indispensable que tout le monde survive. Si l’un des membres de votre escouade tombe, vous avez un certain temps pour le ranimer, temps qui décroît au fur et à mesure des morts successives. Et si jamais vous ne parvenez pas à le sauver, il suffira de ramener son corps à la brèche pour valider la mission. Il sera alors à nouveau disponible la prochaine fois. À vous de choisir avant chaque mission la difficulté à laquelle vous voulez vous confronter, avec 4 niveaux possibles (le dernier n’est toutefois accessible qu’après avoir bouclé une première partie). Vous pouvez aussi personnaliser chaque élément de difficulté, y compris le nombre de captures de souvenirs (de 0 à 20, ou illimité). Et en cours de mission, les éléments interactifs peuvent être affichés ou non en surbrillance pour vous aider.
Le maître mot du titre est vraiment celui de la liberté : liberté de réglage, liberté d’évolution et nombreux choix (membres d’équipage, lieu de débarquement…). Une réussite en la matière que l’on apprécie grandement. Le scénario, qui réserve des surprises et autres twists, n’est pas en reste, et l’ambiance de piraterie est la bienvenue, avec un humour omniprésent. La bande son accompagne également très bien l’aventure. Graphiquement, il n’y a rien à redire non plus. Très coloré avec des personnages stylés de type cartoon, le jeu est appréciable pour la rétine avec un aspect visual novel dans sa partie narrative, lors des discussions entre les personnages. Jouable à la fois au clavier-souris et à la manette, il s’avère tout à fait praticable dans les deux cas. On regrettera seulement l’absence des infobulles avec la manette. Et il bénéficie de doublages convaincants, en anglais ou en allemand, avec sous-titres et textes en français.
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