La véritable surprise de la fin d'année 2016 était probablement Shadow Tactics : Blades of the Shogun pour beaucoup. Développé par le studio Mimimi et édité par Daedelic Entertainment, ce jeu a fait le pari osé de reprendre le flambeau d'un genre fondé par Commandos en 1998 et que bien peu d'autres ont osé approcher depuis : l'infiltration tactique en temps réel. Dirigez une escouade dépareillée pour éliminer discrètement ceux qui menacent la paix et la prospérité du Japon. Si vous faites partie de ceux qui aiment un gameplay à l'ancienne avec tous les avantages d'un jeu moderne.
Initialement sorti sur PC exclusivement, Shadow Tactics sera disponible sur PS4 et Xbox One le 28 juillet, nous avons donc pris le temps de retester le jeu manette en main afin de nous assurer que le portage soit à la hauteur, retrouvez nos conclusions dans le cadre un peu plus bas.
- Genre : Infiltration / Tactique / Temps réel
- Date de sortie : 6 décembre 2016
- Plateforme : PC, Mac, Linux, PS4, PC, Xbox One
- Développeur : Mimimi Productions
- Éditeur : Daedalic Entertainment
- Prix : 39,99 €
- Testé sur PC
Allons-y Commandos
Shadow Tactics est donc un jeu en 3D isométrique qui vous demandera de contrôler entre un et cinq membres d'un groupe d'élite, chacun avec ses propres caractéristiques spécifiques. Vous avez l'avantage de la vision sur toute la carte, mais vos adversaires qui eux ne sont pas conscients de votre présence initialement et qui ne peuvent vous repérer que dans leur cône de vision affiché en vert, sont des dizaines de fois plus nombreux, ils sont aussi bien mieux armés. De fait, un affrontement ouvert ne sera jamais la solution. Il vous faudra utiliser l'environnement et vos compétences pour échapper à la détection et mettre vos adversaires hors de combat petit à petit comme des ninjas dignes de ce nom, jusqu'à pouvoir réaliser votre objectif, que cela soit un vol de documents, un assassinat ou l'explosion de la porte d'un fort durant un siège. Ici, tout se fait en temps réel et il est impossible de donner des ordres ou de consulter la carte en mettant le jeu en pause, il est donc nécessaire de bien observer chaque garde, leur patrouille, leur champ de vision, puis de planifier avec soin un plan d'action avant de finalement exécuter vos actions sans le moindre accroc sous peine de mort, les gardes étant de parfaits psychopathes qui n'hésiteront pas un seul instant à coller une balle dans le dos d'une fillette en train de prendre la fuite. La majorité de ces éléments sont hérités du jeu Commandos et de la même façon, il vous faudra faire preuve de beaucoup de patience, échouer de nombreuses fois et recommencer jusqu'à y arriver. Autant dire que c'est assez hardcore et que le jeu s'adresse donc à un public averti (ou du moins à des gens qui ne s'attendent pas à juste devoir charger une fois ou deux avant de gagner) car même en mode Normal, le défi est incroyablement relevé, mais c'est ce qui est bon. Entrons à présent dans les détails de cette recette 2016 d'un genre qui n'avait pas tant changé en près de 20 ans.
Les cinq salopards
Notre histoire se déroule au Japon durant l'ère d'Edo, le nouveau Shogun est sur le point de mettre fin à la guerre, mais une nouvelle menace rode dans l'ombre. Pour y mettre un terme,, il ne fait pas appel à James Bond mais aux ninjas, aussi connus sous le nom de Shinobi. Du moins il fait appel à Naru... Hayato, agile, furtif, ce spécialiste de l'assassinat à courte et moyenne distance va rencontrer d'autres personnages atypiques qui vont rejoindre sa petite équipe dans différentes circonstances. Mugen le samouraï bourrin qui fera office de muscles et de seul véritable combattant du groupe, il sera le seul capable de tuer normalement les autres samouraïs et il pourra porter de lourdes charges. Cependant, il s'avère par exemple incapable d'escalader ou de nager par, l'armure n'aidant pas, après tout. Vient ensuite Yuki, la gamine voleuse qui préférera utiliser des appâts ainsi que des pièges pour tuer, n'espérez pas lui faire porter le cadavre d'un homme adulte en armure. Aiko, la spécialiste des déguisements, ajoute quant à elle une dose de subterfuge et de diversion lorsqu'elle réussit à mettre la main sur un nouveau costume. Pour finir Takuma, le vieillard adepte des tirs à distance ainsi que des explosifs, mais dont le grand âge et la jambe de bois le privent de presque toute action physique. Chaque personnage a un ou plusieurs rôles à jouer, et c'est intuitivement qu'on les devine, un personnage n'est pas ultra-spécialisé simplement parce qu'il a décidé de l'être et qu'il a refusé de passer son permis de conduire, on ne s'attend pas à ce qu'un infirme ou une gamine réalisent des épreuves de force, et c'est un bon point en matière d'immersion.
Bien au-delà des rôles assez conventionnels qui étaient déjà présents dans Commandos, Desesperados et d'autres, ce qui fait le charme de Shadow Tactics est la personnalité des membres du groupe. Signalons qu'ils ont tous droit à un doublage intégral à la fois en anglais et en japonais (le jeu vous permet de choisir), tout comme les gardes soit dit en passant. Signalons aussi que les textes français sont presque irréprochables. Chacun dispose de sa propre histoire, de son caractère et de très nombreuses interactions avec les autres membres du groupe. Une partie est montrée lors des cutscenes du jeu, mais le fait que chaque personnage commente les actions de ses collègues en fonction des circonstances et entame une discussion en fonction de vos actions est certainement une touche aussi inattendue que bienvenue. Il est tout à fait possible de passer à coté de certains dialogues si vous ne tentez pas par exemple d'ouvrir la gorge d'un ennemi avec la petite Yuki en la présence d'un personnage ou l'autre, et cela contribue aussi à étendre la durée de vie et le charme du titre. Chaque personnage aura aussi l'occasion de faire évoluer sa relation avec les autres au cours de l'histoire, avec des amitiés naissantes et la résolution de leur propre drame personnel. Sans aller jusqu'à dire que l'histoire de Shadow Tactics est originale, ou que les dialogues sont savoureux, ils disposent néanmoins d'une certaine fraîcheur et de suffisamment de conviction pour qu'on s'y intéresse entre deux meurtres. Tout cela est en réalité assez classique, mais l'ensemble est suffisamment bien orchestré et cohérent pour y croire et avoir envie de découvrir la suite.
Re:F5 kara hajimeru
Comme nous l'avons déjà mentionné, la difficulté est extrêmement présente, dès la première mission qui fait office de tutoriel. Loin des licences qui ont décidé de sacrifier leur gameplay complexe et intransigeant sur l'autel de l'ouverture au grand public (que beaucoup ont confondu avec celui de la modernité), Shadow Tactics a conservé tous les éléments qui ont fait le charme et la réputation des Commandos. La différence en termes de rapport de force et d'équilibrage fait que marcher une seconde de trop dans le champ de vision d'un ennemi, ou tuer un garde au mauvais moment déclenchera une alerte, ce qui va compliquer la suite exponentiellement. De plus, votre personnage a toutes les chances de mourir, vous allez donc généralement devoir charger votre dernière sauvegarde. Et c'est ici que se trouve probablement le gros défaut du jeu, mais il est structurel et il faut bien avouer que nous ne voyons pas de solution évidente pour le contourner : proposer un gameplay sans concessions fait que les échecs seront nombreux avant qu'un joueur devienne suffisamment bon, ce qui force à user et à abuser de la sauvegarde rapide et du chargement rapide après chaque assassinat ou chaque déplacement difficile.
Le moindre clic de travers, ou une microseconde de retard peuvent tout faire rater, autant dire que certains passages sensibles vont demander de charger et recommencer de nombreuses fois jusqu'à employer une tactique suffisamment viable ou avec assez de rigueur, il s'en suit alors une sauvegarde frénétique avant de relancer l'opération. Rendre le jeu plus facile pour éviter la chose dégraderait sérieusement l'expérience (et les modes de difficulté sont là pour cela après tout), à l'inverse, empêcher de sauver et de charger en cours de mission se serait avéré infiniment frustrant à moins d'être un adepte particulièrement hardcore du genre. Dans tous les cas, il va falloir vous faire à l'idée que le "save scumming" est de mise, à défaut de compter la persévérance parmi vos qualités, mieux vaut passer votre chemin. Il est amusant de voir à quel point les développeurs de Mimimi se sont rendus compte de cet attribut du titre, puisqu'un gros compteur en haut de l'écran vous indique depuis combien de temps vous n'avez pas sauvegardé, les raccourcis claviers correspondant sont aussi affichés en permanence. Ils ont probablement voulu réduire la frustration induite par la difficulté, mais ils ne l'ont aussi rendue que plus évidente en un sens.
Boucherie synchronisée
Tout n'est pas que sang et pleurs (du moins de votre côté) dans Shadow Tactics, les développeurs n'ont visiblement pas oublié que nous sommes en 2016, et cela se voit en jeu. Ce n'est pas nécessairement évident sur les images mais Shadow Tactics est en 3D isométrique et non en 2D isométrique, vous pouvez et devez faire pivoter la carte librement pour gérer chaque direction et chaque obstacle. Ce seront de précieux alliés pour bloquer les fameux cônes de vision vert des ennemis. Les gérer sera d’ailleurs votre principal travail lors de votre aventure, que cela soit en lançant un cailloux, une bouteille de saké, une fille déguisée ou un tanuki dansant (oui oui). Cela sera autant de moyens d'arriver dans leur dos pour leur faire la peau ou, mieux encore, pour les attirer dans un piège mortel loin des retards inopportuns. Vous aurez donc des outils plus ou moins nombreux en plus de la furtivité pure et dure pour progresser. Une fois le garde gênant tué ou assommé, il faudra ensuite disposer du corps afin d'éviter qu'un de ses collègues ne prévienne toute la garnison locale. Un buisson fera l'affaire, mais d'autres options existent comme un puits, une rivière, une falaise ou encore l'intérieur d'un bâtiment actuellement inoccupé. Un soin assez important du détail a aussi été accordé à l'IA puisque, si plusieurs personnages discutent ensemble ou qu'ils se voient régulièrement et qu'un d'eux disparaît avec votre aide, les autres vont partir à sa recherche et enquêter aux alentours, même s'ils ne vous ont pas vu : ils ne vont pas juste oublier son existence. Ce genre de comportement à la fois crédible et prévisible est trop souvent oublié.
Votre panoplie de compétences de distraction est importante, mais celle d'outils de meurtre l'est tout autant, outre les habituels katanas, shurikens et autres armes spécifiques à nos héros nippons, l'environnement s'avère aussi une précieuse source de mises à mort amusantes au-dessus de tout soupçon. Comme dans un Hitman, vous pouvez tuer les gens de deux façons, soit de la manière brute et directe, ce qui garantit que les témoins sonneront l'alarme, soit en faisant passer la chose pour un accident. Il est vraiment jouissif d'explorer l'environnement et d'orchestrer une "mort accidentelle", par exemple en retirant les cales d'un chariot dans une pente, en faisant tomber un rocher ou en mettant en colère un animal dangereux, par exemple. Cela permet de tuer quelqu'un sous les yeux de tous les gardes sans que l'alarme soit donnée, l'avantage est donc évident. Vous pourrez aussi utiliser l'environnement pour atteindre des endroits normalement inaccessibles ou pour déclencher des diversions de grande ampleur. On pourrait cependant reprocher aux gardes de ne pas toujours accorder l'importance qu'il faudrait au fait qu'un de leurs collègues vienne de se faire écrabouiller par un rocher juste sous leurs yeux.
La majorité des gardes peut être distraite mais les "chapeaux de paille" entrent rapidement en jeu, ces soldats spéciaux refuseront obstinément de bouger de leur poste, et les distractions seront bien moins efficaces sur eux. Ils représentent donc de nouvelles formes de défi et vous ne pourrez pas vous contenter d'appliquer exactement la même méthode cinquante fois d'affilée durant chaque niveau pour l'emporter. La chose devient encore plus évidente avec l'introduction des samouraïs, ces redoutables guerriers refusant de se laisser distraire, de bouger, et même de se faire tuer si ce n'est par les attaques les plus redoutables. Une peau en titane à l'épreuve des balles ainsi que des yeux à rayons X sont aussi montés en série sur ces adeptes survitaminés du bushido. Si en dehors de Mugen, un de vos héros tente d'en attaquer un, la contre-attaque instantanée qui s'en suivra vous forcera à charger la partie une fois encore. Mugen n'étant pas toujours présent lors de chaque mission, il vous faudra donc apprendre à faire sans lui, les samouraïs peuvent être vaincus si vous réalisez une combinaison entre plusieurs personnages avec une attaque à distance et une attaque de mêlée. Chose qui peut s'avérer très difficile dans un jeu en temps réel, surtout avec d'autres gardes proches qui vont et viennent. Plutôt que de vous laisser pleurer et tenter votre chance vingt fois jusqu'à ce que cela passe, ou de vous offrir une pause active qui rendrait le jeu bien plus facile, le mode ombre a été introduit. Ainsi, vous pouvez programmer une action pour chacun de vos cinq personnages en avance puis toutes les déclencher en même temps, ou une à une si vous préférez. Cela donne alors lieu à quelques chorégraphies magnifiques et infiniment satisfaisantes où chaque personnage assassine un garde en même temps, ce qui permet de désamorcer une situation autrement infranchissable. Mais il faudra bien planifier la chose et avoir le bon timing une fois encore, n'espérez pas rendre le jeu trivial.
Les mille et une morts
Tous les niveaux sont visuellement réussis ainsi que particulièrement variés, forêts de bambou tempérées, ruelles enneigées, quartier rouge de nuit, villa automnale, champ de bataille, temple montagneux plein de passages secrets, c'est un véritable délice autant pour les yeux que pour l'esprit du tacticien de relever chaque mission dans un contexte entièrement différent avec ses particularités bien spécifiques. Par exemple, la neige va dévoiler vos déplacements, mais elle vous permettra aussi d'attirer les gardes dans un piège. La nuit va réduire le champ de vision des ennemis, mais les sources de lumières trahiront instantanément votre présence même dans une zone hachée (détection basse), sans tenir compte du fait que vous soyez debout ou accroupi. La topographie a aussi une grande influence, puisque la majorité de vos personnages est capable d'escalader et de nager voire de sauter d'obstacle en obstacle. Pouvoir se cacher à l'intérieur d'un bâtiment mais ne pas avoir de buissons à proximité a un impact plus grand qu'on pouvait le croire avant de jouer. Combiné aux différentes équipes disponibles pour chaque mission, c'est une expérience fraîche à chaque fois.
C'est alors que le level design de Shadow tactics brille vraiment, chaque niveau est assez vaste et dispose généralement de plusieurs voies par lesquelles vous pourrez passer ou de plusieurs méthodes viables pour atteindre l'objectif. Chacune permettra de faire briller les compétences d'un personnage ou les tactiques du joueur d'une façon ou l'autre. Il est assez étonnant de voir comment certaines missions peuvent être réalisées d'une manière totalement différente. Le jeu devrait vous demander entre 20 et 30 heures en moyenne pour réaliser la campagne une première fois, mais sa durée de vie est fortement prolongée si vous souhaitez relever les différents défis proposés, par exemple en ne tuant personne, ou en utilisant une autre méthode d'infiltration.
Portage sur consoles PS4 et Xbox One
Nous avons pu mettre la main sur la version PS4 de Shadow Tactics un petit peu en avance, sa sortie étant prévue pour le 28 juillet. De manière générale, le portage d'un jeu PC sur console peut être dangereux car la différence de puissance entre les machines est extrêmement pénalisant pour les consoles. Et dans le cas d'un jeu de genre comme l'est Shadow Tacticts, cela peut carrément être, passez-nous l'expression, "casse-gueule". En effet, l'infiltration tactique en temps réel nécessite une maniabilité particulière, basée notamment sur la vitesse. Le joueur doit par exemple pouvoir naviguer rapidement d'un bout à l'autre de la carte afin de surveiller les allers-et-venues des gardes afin d'établir sa stratégie. Passer du combo clavier-souris à la manette représente ainsi un sacré défi pour les développeurs. Défi relevé haut la main par le studio. Tous les aspects du jeu ont été respecté et toutes les mécaniques ont été parfaitement transposées. Les graphismes sont de très bonnes qualités et, bien que l'on se tienne souvent plus loin d'une télé que d'un moniteur, tous les détails sont reconnaissables. On aurait pu craindre des ralentissements du fait des nombreuses animations affichées en même temps à l'écran mais il n'en est rien. Le tout est d'une parfaite fluidité. Enfin, la maniabilité à la manette a manifestement été pensée avec soin et ne souffre d'aucune approximation. Par exemple, un simple appui sur la gâchette droite allié au maniement du stick droit permet de faire tourner et de zoomer/dézoomer la carte. Mais le meilleur exemple est que le système de sauvegarde rapide a bien entendu été conservé. Aussi, c'est au pad tactile de la Dualshock qu'est revenu cette tâche. Un simple appui dessus suffit à la manœuvre. En résumé, mis-à-part des temps de chargement un tout petit peu longs (rien de bien méchant), il n'y a rien à reprocher à ce portage de très bonne qualité. Nous ne saurions trop conseiller aux joueurs consoles de se frotter au gameplay exigeant mais néanmoins précis et gratifiant de Shadow Tactics.
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