Le genre tactique a l'air propice aux expérimentations, Ubisoft nous a proposé son Mario + The Lapins Crétins, et c'est au tour de Firaxis de nous surprendre avec Marvel's Midnight Suns. Laissez tomber vos éventuels apriori, cela ne ressemble pas du tout à XCOM, la comparaison s'arrête quasiment là, comme nous allons le voir.
- Genre : TCG, Tactique au tour par tour, RPG
- Date de sortie : 2 décembre 2022
- Plateformes : PC, PS5, Xbox Series
- Développeur : Firaxis
- Éditeur : 2K
- Prix : 59,99 €
- Testé sur : PC
Dépêchez-vous, on m'attend sur Diablo 4 !
Comme à chaque fois dans les productions Marvel, un nouveau grand méchant décide de faire son entrée. Lilith, la mère des démons, a fraîchement été ramenée à la vie par HYDRA. Elle n'a pas eu de chance au tirage, et n'a pu passer qu'après Galactus et Thanos, afin de refaire la décoration planétaire avec sa propre vision de l'apocalypse. Elle tente donc de faire une chaîne de rez et de ramener à son tour à la vie le dieu sombre Chthon. Pour les gens normaux, c'est la fin des temps, mais pour les héros de l'univers Marvel, c'est un lundi comme un autre, et ils ont l'homme ou la femme parfaite pour gérer la situation : Hunter, le premier-né de Lilith, qui a péri en tuant sa mère par le passé. Ils décident donc généreusement de le ramener à la vie à présent qu'ils ont besoin de lui, afin de lui offrir une opportunité de tuer Lilith une seconde fois, c'est très héroïque de leur part.
Le genre et l'apparence de Hunter sont déterminés librement par le joueur, il prend ensuite le commandement des opérations, puisque différents groupes de héros éclectiques se sont rassemblés pour faire front commun. Il fallait un leader, puisque dans les effectifs, on compte des Avengers ultra-connus comme Ironman, Captain America, Dr. Strange, des X-Men comme Wolverine, des indépendants comme Spiderman, et les Midnight Suns originaux, souvent bien moins connus, comme Nico Minoru et Magik. Comme tout ce beau monde a de sérieux problèmes de comportement, entre les milliardaires pénibles, les ados émos gothiques et les mutants SDF poilus, Hunter a de quoi s'occuper après sa sieste de trois siècles. De son côté, Lilith a pris le contrôle d'Hydra, et elle se sert de ses pouvoirs pour corrompre des super-vilains comme Venom et Dents-de-sabre, et elle y ajoute même quelques héros à l'esprit torturé, comme Scarlet Witch et d'autres. On a donc un solide casting des deux côtés, pour de gros affrontements prolongés.
Elonman
On ne va pas vous spoiler l'histoire, mais elle suit la formule typique des films Marvel, en bien plus long, puisqu'il faut compter de 30 à 60 heures pour finir la campagne principale en fonction de votre style de jeu. Cela a tendance à rendre l'issue des batailles un peu prévisible, quand Tony Stark a une idée qui va "tout régler" à mi-chemin, après avoir littéralement créé sa version interne de Twitter, qui sert surtout à pourrir l'ambiance dans l'équipe. Ils sont visionnaires chez Firaxis. Ceci étant dit, si vous êtes fan de la licence Marvel, vous allez vraiment vous régaler. Le nombre de cutscenes et de dialogues entre les différents personnages est très élevé, avec des interactions et des dramas qu'on aurait probablement pas imaginé auparavant. Les dialogues sont assez bien écrits et traduits, sans oublier de mentionner qu'ils sont entièrement doublés, donc entre les blagues et les situations cocasses, on passe un assez bon moment, si on apprécie le genre. L'exception étant ironiquement Hunter, qui semble assez plat au début de l'histoire, tout comme sa voix, même si cela s'améliore par la suite.
Ce qui ne s'améliore pas en revanche, ce sont les graphismes. On a plus souvent l'impression d'avoir un jeu Switch que PC/PS5/Xbox Series sous les yeux. Cela se laisse regarder durant les combats, en vue du dessus, avec quelques animations plutôt jolies et des effets graphiques qui donnent effectivement l'impression de commander des combattants costumés surpuissants, comme l'explosion du béton au sol lorsque vous le frappez avec la tête d'un ennemi. Mais cela prend une autre tournure lors des phases de dialogue, avec un gros plan sur les visages pauvres en détails de nos héros. Le rendu navigue entre l'uncanny valley, l'impression d'avoir une poupée de cire inexpressive en face de soi, et de vilaines textures.
Cela fait tache dans un jeu qui donne une aussi grande importance à l'aspect RPG, dans lequel les dialogues sont importants. Tous les screenshots de cet article ont été faits sur PC, avec les options graphiques au maximum. L'aspect technique nous a semblé être le gros point faible de Marvel's Midnight Suns, avec des plantages fréquents lors d'une tentative de sauvegarde, ce qui fait toujours plaisir quand on perd une heure de jeu de cette manière. La mission finale était même accompagnée de ralentissements prononcés sur notre machine. Nous avons aussi rencontré pas mal de bugs assez gênants. Espérons que ces éléments seront corrigés d'ici la sortie commerciale du jeu.
Go go Power Avengers
Oubliez la navigation sur la carte et le système de couvertures, Midnight Suns va vraiment à l'essentiel pour les combats. On sélectionne trois héros de la bande qui partent en mission, et ils apparaissent directement sur ce qu'on pourrait décrire comme une arène stylisée, comme une rue new-yorkaise, un égout ou l'intérieur d'une base d'HYDRA. Cela change surtout le décor, mais aussi les types d'objets à utiliser sur place comme nous allons le voir. La manière dont fonctionnent les combats est simple, mais tout de même incroyablement riche en possibilités. Avant de partir au combat, on configure le deck de chaque héros en sélectionnant huit cartes, divisées en trois catégories : attaque, technique et héroïque. Elles sont ensuite tirées aléatoirement et mélangées dans votre main. Spécialement pensées pour chaque héros, elles font vraiment briller son caractère et ses pouvoirs. Les techniques ont des effets variés, en plus de générer de l'héroïsme, comme les attaques. Cette ressource sert ensuite à utiliser les cartes héroïques aux effets beaucoup plus puissants.
Il n'y a pas trop de choix au début, mais par la suite, il est possible de jouer les personnages de différentes manières, même s'ils ont chacun leur propre style unique. La composition du groupe est importante aussi, Spiderman va privilégier les effets de contrôle et l'utilisation de l'environnement, Captain America est un super tank, Dr.Strange va renforcer les cartes avec sa magie, Blade privilégie les dégâts monocible avec les saignements, etc. Et chaque composition de groupe de héros va avoir ses propres dynamiques, ce qui contribue grandement à renouveler le gameplay à chaque bataille. Cela se passe à la base, mais par la suite, vous pourrez aussi créer, fusionner, améliorer et modifier les différents effets des cartes, afin d'affiner votre stratégie. De son côté, Hunter peut être joué de bien des manières, puisqu'il a beaucoup plus de cartes : soigneur, support, attaquant rapide, ou démon ténébreux surpuissant mais qui inflige des malus au deck ? À vous de choisir.
DésHYDRAtation
Nos trois élus du moment commencent donc la bataille, entourés d'ennemis, comme dans tout bon film de super-héros, ainsi que dans Power Rangers. Cela comprend des hordes de sous-fifres qui vont mourir instantanément au moindre coup, des lieutenants plus costauds, des élites, et même des super-vilains pleins de super-pouvoirs, qui peuvent débarquer par surprise en cours de mission pour créer une mauvaise surprise. Avec seulement trois actions par tour (au total, pas par héros), soit autant de cartes jouées, et un seul déplacement lui aussi partagé, il est difficile de mettre tous les ennemis K.O. tout en accomplissant l'objectif du moment. C'est rendu d'autant plus complexe par les hordes de renforts ennemis qui arrivent à chaque tour. On peut voir que Midnight Suns a repris pas mal d'idées de design de XCOM: Chimera Squad. Dans tous les cas, temporiser est rarement la solution, il faut faire compter chaque carte pour gagner.
Il existe pas mal de cartes dites "rapides" qui remboursent l'action utilisée si elles tuent un ennemi, ce qui aide à nettoyer un peu la piétaille, mais pour les ennemis plus costauds, ou quand la chance au tirage n'est pas avec vous, il faut se tourner vers d'autres méthodes. C'est là que le design des combats brille, et on retrouve pas mal de similitudes supplémentaires à l'excellent Into the Breach, en plus des cartes minimalistes et de l'équipe de trois. Il faut utiliser activement le décor, ainsi que les ennemis eux-mêmes. Propulser un ennemi contre un mur, c'est bien, mais le propulser dans un de ses amis, c'est mieux. En utilisant les effets spéciaux des cartes et le friendly fire de certains adversaires, il est possible d'obtenir un bel effet domino. La prévisualisation du résultat de vos actions via l'interface aide grandement dans ce domaine, même si on aurait aimé pouvoir reculer davantage la caméra afin d'observer plus sereinement la situation.
Le décor peut aussi servir activement d'arme. Balancer un rocher, ou pousser un boss contre un transformateur électrique, sont des méthodes qui ont fait leurs preuves au cinéma. Cela ne coûte pas d'action en prime, mais de l'héroïsme à la place, ce qui peut vous empêcher d'utiliser vos meilleures cartes. Il y a donc un calcul à faire. Si on ajoute à tout cela les mécanismes habituels des TCG, comme les cartes gratuites, piocher des cartes supplémentaires, les enchaînements et autres qui récompensent un deck bien pensé, il arrive qu'on nettoie entièrement le champ de bataille, même si c'est provisoire. Précisons au passage que la chance n'entre pas du tout en ligne de compte en dehors du tirage initial des cartes. Il n'y a pas de chances de toucher, et si on met de côté Nico Minoru, dont le concept est d'avoir des pouvoirs irréguliers, il n'y a que les chances de voir chuter un ennemi dans le vide qui viennent gâcher la fête de ceux qui préfèrent les certitudes.
Pour ceux qui trouvent le jeu trop facile, des modes de difficulté supplémentaires sont débloqués au fil des missions, ce qui accompagne d'une façon intelligente le raffinement de votre deck. Les ennemis gagnent alors en vie et en dégâts, et il est possible de pousser la chose à un niveau délirant, qui demande un niveau d'optimisation extrême ainsi qu'une planification parfaite. Les récompenses sont aussi un peu améliorées, même si c'est plus symbolique qu'autre chose. Cela aide dans tous les cas à préserver l'intérêt des combats pour tous les types de joueurs. Marvel's Midnight Suns se veut accessible, et il n'y a pas de "Game Over" en cas de défaite, ni de limite de temps imposés aux joueurs. La mort permanente n'est pas non plus à craindre, il faut dire que cela deviendrait vite problématique, vu la tête de votre effectif. N'allez cependant pas croire que c'est facile pour autant.
Cachés chez les curés
Une fois de retour de mission, le moment est venus de raccrocher la cape et d'aller boire un coup avec les autres héros. Comme l'a dit Captain Marvel, quand on en est à sa cinquième apocalypse, on a moins tendance à paniquer et à stresser. L'ambiance à l'abbaye qui sert de base cachée dans une autre dimension est plutôt sereine, puisque tout le monde est un peu blasé. On peut alors expérimenter l'autre facette de Midnight Suns, que nous avons déjà abordée plus haut, la socialisation. On passe alors en vue à la troisième personne, et on contrôle directement Hunter, alors qu'il explore l'abbaye et les relativement vastes zones adjacentes. Il est possible d'y trouver des ressources, des coffres, des puzzles, et quelques épreuves qui servent à narrer les origines de Hunter et Lilith, ainsi qu'à découvrir les racines de leur conflit.
Aller voir les autres héros déclenche souvent des dialogues à choix multiples, avec des réponses qui peuvent améliorer votre relation avec eux, ou au contraire, la dégrader. C'est accompagné en parallèle par des réponses et des choix lumineux ou obscurs, qui reflètent la dualité des origines et des pouvoirs de Hunter. Apprendre à connaître les différents héros, leur dire ce qu'ils veulent entendre, leur faire les bons cadeaux, et participer à des activités en leur compagnie va permettre de devenir leur ami, voire leur BFF avec assez d'efforts, mais vous n'irez pas au-delà.
Hunter a déjà son complexe d’Œdipe à gérer, il est bien dans la friendzone, pendant que Spiderman parle de sa vie amoureuse avec Mary Jane, ou que Blade demande son assistance dans sa conquête amoureuse insolite. Si on omet cette restriction dûe à la licence Marvel, on retrouve quasiment tous les mécanismes de Fire Emblem: Three Houses. Les graphismes mis à part, l'évolution de ces différentes relations est intéressante, voire amusante, même sans être un fan, et on leur découvre une autre facette plus humaine. Ces relations améliorées vont aussi débloquer des bonus de combat, comme des passifs, des tenues, des cartes légendaires ou des attaques combo dévastatrices.
Quand on a tendance à vouloir absolument tout fouiller et tout explorer, les visites de l'abbaye peuvent devenir un peu lourdes, au point d'en venir parfois à plomber le rythme de jeu, du moins au départ. Mais une fois les premières heures passées, on peut quasiment se limiter au meilleur, c'est-à-dire aux dialogues. Heureusement, cette facette du jeu est pensée pour être entièrement facultative. En effet, comme l'histoire n'avance que lorsque vous le souhaitez, à la place, rien ne vous interdit de multiplier les missions générales avec les héros de vos choix, ce qui va naturellement améliorer les relations entre personnages, et rapporter bien plus de ressources que de fouiller les buissons du jardin. Donc, si vous vous moquez de l'aspect RPG, vous pouvez limiter les passages à la base à quelques fonctionnalités essentielles, comme la recherche, la fabrication et l'entraînement. C'est probablement le seul aspect qui fait un peu penser à XCOM, soit dit en passant. Le côté gestion est vraiment léger, et il suffit de faire un tour ou deux en mission pour récolter les ressources requises, sans qu'on vous mette la pression.
La fin du monde attendra.
Après avoir réglé ses petites affaires et participé à la réunion du groupe de lecture organisé par Blade, on peut activer le geoscape la table de verre, afin de choisir entre différentes missions dans les trois régions proposées. La prochaine mission du mode histoire vous y attend, mais vous êtes aussi encouragé, voire forcé, à faire des détours par des missions annexes. Les héros du groupe organisent différentes opérations, aux objectifs, récompenses, et niveaux de difficulté variés, ce qui donne un peu de tout-en-un à Midnight Suns. Cela permet de se livrer à des batailles variées pour le simple plaisir, tout en étant encouragé à jouer avec différents héros. Les objectifs sont assez bien pensés, et on est très loin du vulgaire massacre de vilains auquel on pouvait s'attendre. Le fait que le niveau des ennemis soit basé sur le vôtre évite aussi d'avoir des problèmes d'équilibrage, même si cela fera grincer des dents les joueurs traumatisés par Oblivion. Au moins, un plus haut niveau garantit de meilleures récompenses en cas de victoire. En parallèle, vous pouvez envoyer des héros effectuer des missions solo afin d'obtenir des cartes supplémentaires.
Lorsqu'on a recruté tous les héros, on peut repousser indéfiniment la fin du jeu afin de peaufiner son deck, de développer ses relations, ou tout simplement pour le plaisir de livrer des batailles tactiques. On peut voir que Midnight Suns a été pensé pour être rejouable. Cela explique qu'il soit possible de poursuivre l'aventure même après avoir terminé l'histoire principale. De nouvelles batailles plus difficiles sont alors débloquées, ainsi qu'un mode New Game+, ce qui permet de poursuivre l'aventure en changeant d'alignement, par exemple. Bien évidemment, on finit tout de même par atteindre un point où la lassitude s'installe, d'autant que le bestiaire et les zones de combat manquent tout de même d'un peu de variété, par exemple. Mais avant d'en arriver là, on a tout de même passé le cap des 60 heures et 70 missions, ce qui est plus qu'honorable.
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