Avec The Devil in Me, Supermassive Games (Until Dawn, The Quarry) et Bandai Namco achèvent la première saison de The Dark Pictures Anthology, qui avait démarré avec le bateau fantôme de Man of Medan, avant de se poursuivre avec la chasse aux sorcières de Little Hope et les créatures tout droit venues des enfers de House of Ashes. Ce quatrième épisode est donc le dernier de la première étape de cette série de jeux narratifs, qui devrait en compter 8 et qui cherche systématiquement à apporter quelques nouveautés, tout en restant fidèle à son matériau de base. L’hommage au cinéma d’horreur s’intéresse cette fois-ci aux tueurs en série et marque par là même une certaine distanciation avec l’aspect fantastique des trois premiers opus.
- Genre : Jeu d'horreur narratif
- Date de sortie : 18 novembre 2022
- Plateforme : PC, PS4, PS5, Xbox One, Xbox Series
- Développeur : Supermassive Games
- Éditeur : Bandai Namco
- Prix : 39,99€ disponible sur Amazon
- Testé sur : PC
Chapeau melon et moustache morse
Henry Howard Holmes est tristement célèbre pour être le premier tueur en série américain. Il œuvrait à Chicago au XIXe siècle et a profité de l’exposition universelle pour attirer les cibles faciles que représentaient les touristes fraîchement débarqués pour l’occasion. En renommant sa demeure l'Hôtel de l’Exposition Universelle, il a même réussi à faire passer celui-ci pour la pension officielle de l’événement. Mais il cachait en réalité une demeure conçue spécialement par ses soins pour piéger ses victimes, les tuer et ensuite les dépecer, sans omettre auparavant de jouer avec elles pour les apeurer et les faire souffrir. Derrière la moustache morse et le chapeau melon de celui qui se faisait passer pour quelqu’un de respectable, se cachait en réalité un véritable sadique animé de pulsions meurtrières, qui a tué de très nombreuses personnes et disait être habité par le diable lui-même depuis son plus jeune âge.
Ce qui a ensuite été surnommé le Château des Meurtres fût détruit après la découverte des terribles faits qui s’y sont déroulés, mais un riche architecte, du nom de Granthem Du’Met, a décidé de lui redonner vie. Il a en effet créé une attraction touristique sur une île privée pour des groupes de 5 personnes, au sein d’une reproduction exacte du bâtiment de Holmes, agrémentée d’une collection d’objets lui ayant appartenu. Or, un groupe de documentalistes est justement en train de faire un documentaire sur celui que l’on appelle aussi le docteur fou. Aussi, lorsque Du’Met contacte le réalisateur pour 2 jours de tournage sur place, ce dernier voit là l’occasion de donner un coup de fouet à son émission en perte de vitesse et de sauver celle-ci. Mais comme vous pouvez vous en douter, il s’agira plutôt d’un plan foireux, car les 5 protagonistes découvriront bien vite que tous leurs faits et gestes sont observés et qu’ils ont été attirés dans un piège dont il sera bien difficile de ressortir vivant.
Le scénario de The Devil in Me tire clairement sur les ficelles classiques du genre et ne surprend donc guère, mais il est intéressant de se retrouver face à quelque chose d’un peu plus terre-à-terre que les épisodes précédents. Cela fonctionne plutôt bien. En-dehors des créatures qui l’habitaient, House of Ashes avait déjà initié ce virage avec un aspect bien plus action. Ce dernier point demeure ici, mais essentiellement à base de QTE avec quelques phases de visée pour frapper ou lancer des objets, et non comme un FPS, tel qu'avait, pas toujours très adroitement, tenté de le faire son prédécesseur. Si les acteurs sont au cœur de l’histoire, avec des rapports parfois tendus, parfois romantiques entre eux, et avec Jessie Buckley (Guerre et Paix, The Lost Daughter) en guest star, on ne s’attache pas plus que cela à eux. Le protagoniste le plus intéressant est ici le tueur, plutôt flippant, et, surtout, l’hôtel labyrinthique rempli de micros, de caméras, de glaces sans tain, de culs-de-sac, de portes donnant sur des murs de briques, de parois amovibles, de trappes, ainsi que de pièces dédiées aux meurtres vicieux.
Une attraction mortelle
Les nombreux animatroniques (des mannequins animés) occupant les lieux ne sont pas non plus en reste et savent mettre bien mal à l’aise. Quant aux jump scares, ils parviennent à nous surprendre et à nous faire sursauter, même quand on s’y attend, aidés en cela par la petite musique stressante qui va bien au moment crucial. Et si le tueur se plaît à jouer avec ses victimes en les apeurant et en les obligeant à faire des choix parfois bien difficiles, le jeu en fait tout autant avec nous, en nous demandant de prendre ces décisions. Bien sûr, chacune des directions que vous choisirez de suivre aura ses conséquences sur la suite des événements et les relations entre les personnages, mais lorsqu’une vie est en jeu, cela devient bien délicat. Souvenez-vous que tous les protagonistes peuvent mourir à tout moment, l’un d’entre eux peut d’ailleurs rapidement faire les frais de vos décisions. La question est donc encore une fois de savoir combien d’entre eux vous parviendrez à faire s’échapper.
Point de vue gameplay, hormis les choix de dialogue ou d’action, on retrouve la saisie d’objets pour les observer, avec, à la clé, des secrets collectibles étoffant le lore et permettant d’en apprendre un peu plus sur l’intrigue, ainsi que 5 cartes de visite de Du’Met à trouver. Les classiques images permettant d’assister à des prémonitions d’événements qui pourraient se produire dans l’avenir sont aussi présentes. Une pression répétée sur une touche est demandée pour forcer des portes, et divers QTE sont au programme, comme des phases de visée en temps limité. Les battements du cœur à marquer en rythme pour rester discret lorsque l’on se cache sont également de retour, mais de nouvelles propositions font leur apparition. On peut notamment forcer les serrures avec une pince de cravate, ou les tiroirs avec une carte de visite à placer au bon endroit. Un monopode à déplier permet d'atteindre les objets en hauteur, un appareil photo peut réaliser des clichés, un micro-casque suivre des sons, ou encore un multimètre est utile pour réparer les fusibles en les rallumant dans un ordre précis, selon un plan qui constitue un puzzle très simple à résoudre.
Du point de vue des animations, plutôt réussies (en-dehors de la petite course qui manque toujours de naturel), on trouve aussi la possibilité de grimper, y compris en se faisant la courte-échelle, ou de déplacer des objets pour accéder aux points situés en hauteur. Malheureusement, cela n’est possible que là où c’est prévu, ce qui nuit à l’immersion. De même, on peut sauter vers le bas, mais seulement là où l’on nous y autorise, des murs invisibles semblant nous en empêcher ailleurs. On peut également s’accroupir, ramper, se glisser dans les traverses, marcher en équilibre sur une planche (sans aucune difficulté). Enfin, le jeu se déroule beaucoup dans le noir et chacun dispose d’un outil pour s’éclairer (briquet, téléphone, led du micro, lampe torche et l’efficace flash bref de l’appareil photo avec son petit temps de rechargement). The Devil in Me tente donc comme d’habitude d’introduire quelques nouveautés, mais la formule, avec les petites séquences consacrées au toujours aussi intrigant Conservateur incarné par Pip Torrens, reste la même et commence tout de même à s’essouffler.
Un jeu cruel
Avec des options graphiques telles que HDR, textures et ombres plus ou moins détaillées, ou encore RTX (reflets et occlusion ambiante), le titre se montre plutôt séduisant. Son accessibilité n’est pas en reste, avec des options telles que maintenir au lieu de marteler les boutons, supprimer l’expiration des QTE, une police pour dyslexiques. On peut également citer le doublage français de qualité et la musique d’ambiance toujours efficaces. On reprochera toutefois un essoufflement un peu trop appuyé des personnages. Dommage aussi que de très nombreux passages, certes secondaires, mais vraiment nombreux, ne soient pas traduits ou alors coupés en plein milieu, cela est vraiment étrange et désagréable. Les expressions faciales sont par contre globalement convaincantes, et même si les regards restent encore quelques fois étranges, il y a clairement du mieux.
L’hôtel, lui, est charmant, mais les fréquentes séquences dans l’obscurité empêchent de toujours bien en profiter tout en débouchant sur des déplacements parfois compliqués. La caméra libre et la vue à la troisième personne introduites dans l’épisode précédent sont un peu mieux maîtrisées et permettent de bien fouiller partout, mais cela manque toujours de fluidité et reste forcément très dirigiste. Les sidekicks peuvent également avoir tendance à tourner en rond où à se mettre en travers de notre chemin, nous empêchant d’évoluer comme souhaité. Ils peuvent également disparaître pour mieux réapparaître lorsqu’ils ont un rôle à jouer. On s’agace aussi face aux fréquents écrans noirs de chargement, parfois même en pleine action, et des nombreux freezes nuisant aux animations et décalant image et son, en accentuant ainsi le problème de synchronisation labiale parfois observé en version française.
De même, le scénario, qui doit constamment adapter les séquences aux choix opérés et aux personnages toujours en vie ou décédés, génère des raccords parfois brutaux ou maladroits. Pour voir toutes les cutscenes et les différentes fins, vous devrez parcourir tous les embranchements, et donc jouer plusieurs parties, ou au moins rejouer certains séquences, ce qui accroit la durée de vie du jeu qui se boucle sinon en une dizaine d’heures. Le Curator’s Cut vous permet de surcroît de revivre l’histoire avec quelques angles différents, et d’assister ainsi à de nouvelles scènes. Vous avez une nouvelle fois la possibilité offerte de parcourir l’aventure à deux joueurs en Histoire Partagée (y compris en recourant au Remote Play Together pour inviter un ami à vous rejoindre), ou à plusieurs avec la même manette en soirée télé, chacun incarnant un ou plusieurs personnages. Vous pouvez également prolonger le jeu avec les reportages débloqués dans les bonus, qui offrent également 25 diaporamas à acheter avec les oboles ramassées in game.
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