Initialement sorti sur borne d'arcade en 1985, soit il y a 35 ans à l'heure où nous écrivons ces lignes, Ghosts'n Goblins était bien décidé à vous faire cracher toute votre petite monnaie, voire le contenu de votre portefeuille pour tenter de mener à bien la quête désespérée du chevalier Arthur. Il faut dire que le rapport de force était tout sauf en sa faveur. La licence a eu droit à de nombreuses suites et spin-offs sur consoles de salon les années qui suivirent, mais cela faisait un moment que la licence n'avait pas donné signe de vie. Ce nouveau titre porte donc bien son nom et grille la politesse à Diablo 2 Resurrected en passant. Ghosts 'n Goblins Resurrection reprend tous les éléments bien particuliers qui ont fait la renommée du titre d'origine, sans oublier de moderniser certains éléments de gameplay et les graphismes. Si vous êtes un vieux de la vieille, vous retrouverez sa difficulté brutale et son protagoniste peu agile. Pour les nouveaux joueurs, c'est l'occasion de découvrir la souffrance à l'ancienne avec un jeu à papa.
- Genre : Plateformes, Jeu de tir, Souffrance vidéoludique
- Date de sortie : 25 février 2021
- Plateforme : Switch
- Développeur : Capcom
- Éditeur : Capcom
- Prix : 29,99€
- Testé sur : Switch
Le roi Arthur, s'en va sans son armure
Poussons vite sous le tapis l'histoire, puisqu'elle est interchangeable avec celle des premiers jeux Mario. Ce qui va vraiment déterminer comment va se dérouler votre aventure est le mode de difficulté sélectionné. Pour les trois modes principaux, écuyer, chevalier et paladin, cela va surtout modifier le nombre d'ennemis, mais aussi leur position, ce qui fait souvent toute la différence dans un jeu de plateformes. Par exemple, un ennemi peut être placé à un endroit moins pénible, ce qui permet de l'éliminer plus facilement plutôt que d’atterrir dessus par surprise et de finir propulsé au fond du lac. Il y a pas mal de changements du genre, plutôt que de simplement transformer les ennemis en sacs à points de vie. Il convient néanmoins de préciser que, même en "facile", le jeu est déjà affreusement difficile et vous fait nager en plein cauchemar. Il n'est donc pas étonnant qu'un quatrième mode qui vous permet de revenir instantanément à la vie en cas de mort ait été ajouté. Il a néanmoins le défaut de désactiver de nombreux bonus et récompenses liés à la progression et de tout simplement anéantir les principes sur lesquels reposent le gameplay.
Jouer à Ghosts'n Goblins de cette manière ne représente tout simplement aucun intérêt, il est dommage qu'un meilleur compromis n'ait pas été trouvé en termes de progression de la difficulté. Néanmoins, les joueurs ont tout de même droit à une bouée de sauvetage même sans sélectionner le mode qui rend la difficulté triviale : les points de passage. À moins que vous le désiriez, ici pas de retour au début du niveau à la mort. Des marqueurs vous attendent tous les deux ou trois écrans et vous reviendrez à la vie en pleine forme au dernier atteint. Cela peut sembler excessif, mais en vérité, ce n'est pas de trop, tant les obstacles sont nombreux et mortels. Il est tout à fait normal de mourir des dizaines de fois sur un même segment avant de progresser jusqu'au suivant. En effet, le moindre faux pas donne souvent lieu à une glissade incontrôlée et à une mort expéditive.
Les aventures de Jacquouille
Mais qu'est-ce qui rend ce jeu si difficile ? Premièrement, ce bon chevalier Arthur a l'agilité d'un semi-remorque, mais aussi la robustesse d'une mobylette. On a presque l'impression de jouer à un jeu de plateformes des années 80-90, ce qui est probablement l'effet recherché. Le personnage est lent, ses sauts sont courts et il est impossible d'ajuster ses mouvements en l'air. Descendre d'une plateforme sans sauter vous fait tomber droit comme une pierre aussi, plutôt qu'en diagonale, ce qui n'est pas très intuitif. Il n'y a pas de dash ni de roulade non plus. Si un ennemi ou une attaque touche le moindre pixel de votre personnage, votre armure va voler en éclats et vous allez être propulsé en arrière, dans une fosse mortelle de préférence. Après un second coup, il se retrouve en caleçon. Un troisième coup l'enverra au cimetière. La meilleure défense est l'attaque dans le cas présent, lancer des projectiles afin de tuer les ennemis rapidement et efficacement est souvent le seul moyen de survivre. Mais ces derniers sont très nombreux, ils sortent par vague de nulle part, et ils réapparaissent après quelques secondes. Il faut donc bien viser et savoir quand se baisser et avancer. Le fait qu'il soit impossible de tirer en diagonale rehausse aussi grandement la difficulté et vous expose grandement aux attaques ennemies.
Il est possible de trouver de nouvelles armes dans des pots et coffres, comme les rochers, les dagues, le feu grégeois ou le marteau. Chacune a son propre style de jeu, mais certaines sont presque entièrement inutiles sur certains segments. C'est par exemple le cas du marteau sur un boss impossible à approcher en mêlée. Comme vous ne pouvez avoir qu'une seule arme à la fois au départ et que ramasser le bonus change votre arme de force, c'est une source régulière de morts futiles qui vous force à serrer les dents jusqu'à en trouver une meilleure, quitte à mourir plusieurs fois avant d'y parvenir. Le fait que bien souvent vos attaques soient arbitrairement arrêtées par le décor alors que celles des ennemis passent librement au travers n'aide d'ailleurs pas.
Et ce n'est pas tout : les level designers doivent être des sadiques tant les pièges fourbes sont nombreux. Une pierre tombale inoffensive lors de votre premier passage dans la zone va se mettre à dévaler la pente pour vous écraser si vous êtes mort un peu plus loin et que vous avez à refaire la section, ce qui a de bonnes chances de vous renvoyer presto au cimetière. Une plateforme mobile en apparence conventionnelle sur un cours d'eau va soudainement faire demi-tour à mi-chemin alors que vous avez sauté, ce qui provoquera votre noyade. Il arrive régulièrement d'avoir l'impression que les développeurs utilisent nos réflexes et habitudes de gamer contre nous. Même ouvrir un coffre fait parfois apparaître un magicien qui va vous transformer en animal inoffensif prêt à se faire massacrer. Les exemples du genre sont innombrables, et nous sommes clairement dans un des cas les plus flagrants voire excessifs de progression façon "Die and retry". C'est ce qui rend le mode de difficulté le plus simple déséquilibré aussi, le jeu perd tout intérêt.
À l'aide Merlin !
Cela peut grandement varier d'un joueur et d'un niveau à l'autre, mais mourir plus de 50 fois sur un niveau n'est pas anormal. Cela a néanmoins le mérite d'aider à capturer les fées ainsi qu'à découvrir les secrets cachés un peu partout. Pour toutes les raisons listées ci-dessus, le premier niveau a tendance à virer au désastre et à être incroyablement décourageant. Mais ce que le jeu n'explique pas bien, c'est qu'il est possible de l'abandonner et de conserver les fées capturées pour débloquer de puissants sorts et talents passifs qui vont grandement changer la donne. Liés à un simple temps de recharge et à une préparation de quelques secondes, les sorts semblent outrancièrement puissants au premier abord : éclairs qui tuent tous les ennemis, clone immortel qui attaque avec vous, rocher qui encaisse les coups et endommage les ennemis, possibilité de transporter plusieurs armes.
Il ne reste ensuite plus qu'à reprendre le niveau au dernier point de passage, tout simplement. Mettre la main sur quelques sorts fait une grande différence, même s'ils ne sont pas toujours aussi miraculeux qu'on peut l'espérer. Ils ont souvent des limites voire des défauts qu'il faudra découvrir par vous-même (en mourant). Une fois encore, le jeu nous force dans la souffrance à expérimenter différentes approches à chaque obstacle afin d'en trouver une adaptée. Le long temps d'incantation d'un sort, durant lequel il n'est pas possible d'attaquer, contribue nettement à préserver la difficulté. Les ennemis et boss plus avancés ne vont pas non plus manquer de faire de la charpie de votre vaillant chevalier si vous n'avez pas la bonne sélection de sorts accrochés à votre ceinture. Récolter toutes les fées requises pour débloquer les derniers sorts vous demandera aussi de refaire plusieurs fois chaque royaume pour dénicher les secrets cachés au milieu du danger.
Une autre option est de jouer en coopératif (en local uniquement), le second joueur va se comporter un peu comme Tails dans les vieux jeux Sonic. Il incarne un assistant capable de vous aider avec différents pouvoirs, comme des plateformes ou des attaques, mais sans vraiment être un second joueur. C'est un bon moyen de lisser encore la difficulté et d'occuper un jeune joueur sans avoir à lui filer une manette débranchée, si vous avez des frères et sœurs ou des enfants. Mais l'absence de mode en ligne réduit les opportunités d'en faire usage pour beaucoup de gens qui n'ont pas la chance douteuse d'avoir de telles nuisances à la maison, surtout en période de confinement.
Comme il est facile de bloquer sur un boss ou un passage en particulier, Ghosts'n Goblins a le bon goût de nous proposer plusieurs niveaux au choix à traverser pour atteindre la suite. Cette aventure non linéaire permet de récolter des fées pour débloquer de niveaux pouvoirs, ainsi que pour se familiariser avec les types d'obstacles inhabituellement cruels du titre. C'est aussi l'occasion de découvrir différents environnements, et il faut avouer que la direction artistique façon livre d'images pour enfants a son charme. Tout ce qui se déroule à l'écran est clair et lisible de cette manière, et cela va assez bien avec le ton plutôt léger du jeu malgré sa difficulté. Le jeu n'a pas la beauté visuelle ni musicale d'un Ori. Il n'a pas non plus la noirceur oppressante qui accompagne beaucoup de jeux difficiles tels les Souls-like, mais il a sa propre personnalité, avec des décors et des passages souvent fort réussis qui collent aux vieilles racines de la licence. Évoluer sur des lianes en mouvement, progresser en pleine tempête, voire batailler sur le dos d'un dragon en vol lors d'une bataille dans les nuages sont quelques moments mémorables. Mais quelques passages sont un peu moins réussis visuellement, et les musiques, bien qu'appropriées pour le thème et le style du jeu, ne nous ont pas marqué.
On se rend néanmoins compte que sans sa difficulté extravagante, le jeu est assez court. Chaque niveau est très dense, et atteindre le checkpoint suivant donne l'impression d'avoir survécu à une grande épreuve, mais ils sont chacun surprenamment vite terminés sans cela. Il n'y a que quelques royaumes au total, avec des niveaux alternatifs qui créent des embranchements au départ, mais au final, nous sommes bien loin de la longueur d'un Rayman ou d'autres jeux de plateformes modernes par exemple, comme un Super Meat Boy. Le cœur de l'expérience repose avant tout sur la difficulté et la rejouabilité qui l'accompagne, ainsi que sur les niveaux et boss soigneusement désignés. Le joueur est invité à les refaire dans des modes de difficulté supérieurs, voire sans mourir, afin de dénicher les secrets dont ils regorgent. Débloquer des arènes spéciales et la vraie fin donnent d'autant plus de raisons de les refaire.
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