Si vous suivez l'actualité de ces derniers mois, ou du moins si vous êtes munis d'une connexion Internet, vous n'avez pas pu passer à côté du trailer de Pokémon Soleil & Lune, diffusé sur la chaîne Youtube officielle de Pokémon il y a une dizaine de jours. Cependant, quelques jours plus tard, et bien plus discrètement, une vidéo a été mise en ligne sur la chaîne Youtube du magazine japonais CoroCoro.
La seule information intéressante de la vidéo étant d'ailleurs un mystérieux Pokémon quadrupède apparaissant pendant quelques frames seulement. On se rappellera pourtant que dans la plupart des éditions du CoroCoro parues depuis janvier, il nous était « promis » un « scoop » dans la prochaine édition.
Ce à quoi pourrait ressembler le Pokémon de la vidéo du CoroCoro de juin.
Pourquoi ces guillemets ? Nous allons voir ici que les « fausses » promesses du CoroCoro relèvent d'un problème plus grand encore. Et si le magazine est connu pour être une source d'informations extrêmement fiable en ce qui concerne la licence Pokémon, ces derniers mois ont vu apparaître plus de frustration que de reconnaissance de la part des communautés Pokémon internationales.
Un bref historique du magazine
Le CoroCoro, pour ceux d'entre vous qui ne le connaîtraient pas, est un magazine mensuel de prépublication de mangas, destiné principalement aux enfants. Celui-ci, publié depuis le mois de mai 1977 (bientôt 40 ans !), est aujourd'hui reconnu en occident pour ses annonces concernant de nombreux jeux vidéo nippons, tels que Pokémon.
Le logo du magazine japonais.
C'est d'ailleurs dans ce magazine que le premier manga Pokémon avait été lancé il y a 20 ans, développant ce standard marketing au Japon. Et le phénomène de la « Pokémania » aurait sans doute été très différent (et bien moins important) si ç'avait été sans le magazine.
Le scan du CoroCoro de mai 1996, présentant le mystérieux Mew !
Cependant, il est bon de rappeler que la presse écrite dédiée aux jeux vidéo se porte mal, très mal. En effet, même si au Japon, le CoroCoro magazine est actuellement troisième magazine de mangas en terme d'exemplaires vendus (derrière Weekly Shonen Jump et Weekly Shonen Magazine), il n'en est pas vrai pour toute la presse écrite spécialisée, en France notamment. On se rappellera notamment de Joypad et de Joystick, dont l'édition s'est arrêtée respectivement en 2011 et en 2012.
Joystick et Joypad n'étaient que deux des nombreux magazines français cultes dédiés au jeu vidéo !
Alors, partenariats commerciaux avec le grand N, format de parution différent ou business model plus adapté ? La réponse semble multiple.
Le modèle économique bancal de la presse spécialisée
Tout d'abord, il est bon de noter que le CoroCoro n'est pas un magazine dédié uniquement aux jeux vidéo. Il traite ou a pu traiter de ceux-ci, notamment avec des licences de jeux comme Pokémon, Super Mario, Megaman ou Kirby, mais son cœur d'activité est le manga, au même titre que ses deux principaux rivaux (Weekly Shonen Jump et Weekly Shonen Magazine, cités plus haut).
Le magazine Famitsu, lui, se tire par exemple à 750 000 exemplaires mensuels environ en ne parlant que de jeu vidéo, soit moins que les 1 millions d'exemplaires environ du CoroCoro édités tous les mois.
Une couverture du magazine Famitsu (Cliquez pour agrandir).
Ceci étant, la presse étant un milieu particulièrement concurrentiel, et bien que le Game Freak que nous connaissons aujourd'hui ait débuté avec les fanzines de Satoshi Tajiri, il y a fort à parier que les accords entre le CoroCoro, Nintendo et les autres entreprises gérant la licence Pokémon à l'internationale ne découlent pas d'une simple amitié « en mémoire du bon vieux temps ».
Le créateur de Pokémon, Satoshi Tajiri, est particulièrement discret dans les médias.
Car oui, il s'agit bien d'accords commerciaux. Et sans aller jusqu'à prétendre analyser la politique financière de Big N, il y a fort à parier que ces fameux accords sont sujets à de longues discussions, peut-être même au moment ou vous lisez ces lignes.
Alors, quid des informations présentes dans le magazine ?
Habituellement, les informations du CoroCoro sont pourtant riches !
Contrairement à la croyance populaire, Nintendo et ses « filiales » dédiés à Pokémon sont de vrais génies de la communication, et la sortie de Pokémon Soleil & Lune est préparée depuis (au moins) la sortie de Pokémon XY. Que penser alors du manque d'informations dans le magazine nippon ?
Eh bien, il s'agit purement et simplement de ce que Nintendo (ou plus précisément The Pokémon Company, l'entreprise gérant notamment les droits et la communication de la licence Pokémon) souhaite laisser filtrer à la rédaction du magazine. Ainsi, ce dernier est dépendant du bon vouloir de Nintendo et des accords commerciaux négociés avec lui.
Putaclic, l'ultime ressort ?
Car oui, les audiences sont quand même importantes, et ce quel que soit le magazine ou le site d'information (la passion ne suffisant souvent pas à manger). Aussi, le CoroCoro, comme toutes les entités journalistiques et éditoriales (nous y compris), doit attirer les lecteurs. Et comment faire sinon avec des titres aguicheurs et en promettant des scoops à chaque édition ?
L'un des premiers moments de teasing du CoroCoro, en début d'année.
Ainsi, il semblerait que les promesses faites par le magazine viennent tout simplement d'une volonté d'attirer une audience. La communauté Pokémon étant particulièrement vaste à l'internationale, capitaliser sur ces annonces peut rapporter beaucoup.
Pour autant, est-ce dommageable ? Dans une certaine mesure, oui. En effet, depuis quelques mois, la Pokésphère a l'impression de (trop) tomber dans le « piège » tendu par le magazine. Pourtant, il sera bon de noter que celui-ci n'a jamais fait de promesse « en l'air ».
Il s'agit en effet simplement de tournures de phrases ambigües, pour la plupart, et supposant des nouvelles dans l'édition suivante. Cependant, comme le disait récemment Joe Merrick (webmaster de Serebii), le magazine nippon n'a jamais fait de promesse sans délivrer exactement l'information promise. Ce sont souvent les tournures de leurs phrases d'annonce, des erreurs de traduction et la hype excessive des Pokéfans du monde entier qui ont tendance à créer cette déception.
Pour autant, si le lecteur se doit de rester prudent, il est raisonnable de se demander quand peut s'arrêter l'intégrité journalistique et quand doit commencer le business. Une question générale s'il en est, mais qui peut très bien s'appliquer au CoroCoro magazine et à sa politique d'annonces grandiloquentes tendant beaucoup ces derniers mois vers le « Putaclic ».
Les derniers scans du CoroCoro dévoilaient de nouvelles images du prochain film Pokémon.
Alors, lors de vos prochaines lectures du magazine nippon, soyez prudents, et analysez réellement les phrases et ce qu'elles peuvent impliquer, pour ne plus « tomber dans la piège ». Et en règle générale, il est bon de toujours prendre du recul vis à vis des informations et titres dans la presse (devenue un business à part entière), sur le web comme dans le journalisme plus traditionnel.
A commencer par le titre et la vignette de cet article, qui sont des preuves parmi tant d'autres que chacun utilise ce type de techniques (bien que nous espérons vivement vous avoir appris une chose ou deux).
En fin de compte, ce serait un raccourci trop court et trop simple de prétendre que le CoroCoro magazine nous « ment ». Cependant, il se veut volontairement racoleur, et ce certainement afin de survivre. Peut-on réellement les en blâmer ? Votre avis dans les commentaires nous intéresse !
