Le concours littéraire a été lui aussi très relevé avec de nombreuses oeuvres. Il a été difficile de départager les meilleurs d'entre elles, mais nous avons du faire un choix. C'est donc un texte sur la Rata Sum qui a été choisit. Vous pouvez le lire à la suite.
Cependant nous publierons dans les jours qui suivent les autres fictions que vous avez écrites, afin d'en faire profiter la communauté.
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L'air de l'Arche du Lion était lourd, humide, et le soleil cognait fort. Megara agitait son éventail en rythme, tentant de rafraîchir sa peau moite. Elle jeta un sourire mi amusé, mi narquois à un guerrier en armure étincelante qui se dirigeait vers la taverne du Nichoir à corbeaux, avec la satisfaction absolue qu'il devait avoir bien plus chaud qu'elle. Au moins, sa robe légère et courte avait l'heureuse faculté de la laisser respirer.
Avec une certaine admiration moqueuse pour les pauvres âmes qui étaient assez dérangées pour braver la chaleur, l'envoûteuse parcourut la place du regard. Son attention fut attirée par un portail qui manifestait tous les symptômes d'un dysfonctionnement aigu : un Asura s'affairait sur la construction, flanqué d'une sautillante créature mécanique qui devait être mue par magie. Elle s'approcha par curiosité, louvoyant sur le ponton de bois qui y menait pour observer l'étrange manège de plus près, le visage enrobé d'un sourire lumineux. L'Asura, en entendant le craquement des planches, lança un regard noir à la jeune femme.
– Ce portail n'est pas fonctionnel pour le moment, revenez plus tard ! s'exclama-t-il d'une voix grinçante.
– Vous le réparez ? demanda Megara, affectant un air intéressé.
– Naaaaaan ! Je le convertis en attracteur magnéto-géodésique à Bookah, rétorqua-t-il sur un ton agacé tandis qu'il levait vers elle les paumes de ses petites mains boudinées dans le geste universellement reconnu enjoignant de dégager au plus vite.L'envoûteuse haussa un sourcil.
– Bien sûr que je le répare, corrigea-t-il dans un soupir. Maintenant déguerpissez, plus vite vous me laisserez tranquille et plus vite j'aurai terminé.
Megara prit évidemment ce conseil comme une invitation amicale à déranger l'ingénieur. Elle fit jouer son charme, lança à l'Asura un sourire timide et s'excusa faussement.
– Pardonnez-moi, je suis simplement curieuse. Je pensais que votre génie aurait pu m'enseigner comment fonctionnaient les portails.
– C'est bien trop compliqué pour un esprit étriqué d'humain. Laissez-moi travailler.
– Ho, mais votre intelligence supérieure peut certainement résumer le principe, n'est-ce pas ?L'Asura sembla quelque peu se radoucir sous la flatterie, ou peut-être voulait-il relever le défi. Il aimait qu'on reconnaisse la supériorité de son point de vue alimenté par son formidable raisonnement qui n'avait pas d'égal.
Il décida de s'octroyer une pause dans son labeur – qui n'était pas si difficile compte tenu de ses facultés intellectuelles sophistiquées - et ouvrit un compartiment de son G.O.L.E.M. pour en extraire une gourde bien fraîche. Après s'y être désaltéré et avoir claqué de la langue à plusieurs reprises, il répondit d'un ton suffisant.
– Disons pour faire simple que le portail utilise un vortex amplifié pour translocaliser votre matière d'un point A à un point B, et ce de façon quasi-instantanée, mais au prix d'une énergie magique considérable.
– Je comprends, répondit la jeune femme en hochant la tête pensivement, à demi penchée sur le bas du portail, les paumes sur les genoux.
– J'en doute, répliqua immédiatement l'Asura avec une conviction inébranlable. Si Megara était vexée, elle n'en laissa rien paraître. Elle continua sur sa lancée.
– C'est impressionnant.
– Et pourtant ce n'est rien du tout. Vous dites ça parce que vous n'avez jamais vu Rata Sum, ajouta l'Asura avec une fierté non contenue.
– Rata Sum ?
– Rata Sum est une cité comme nulle autre. C'est une forme géométrique faite de plusieurs ziggourats immenses qui lévitent dans l'air par le simple résultat de notre ingéniosité. Seuls les Asuras sont assez géniaux pour parvenir à un tel un chef-d’oeuvre, évidemment.
– Et où est cette cité ?
– Sur la Côte Ternie, dans la jungle de Maguuma.
– Vous avez réussi à construire une telle cité dans la jungle ? C'est fascinant.L'ingénieur se laissa aller à son récit, passant sa main griffue dans sa tignasse tandis qu'il se proposait avec obligeance de détailler son récit.
– Nous autres, les Asura, nous vivions encore sous terre, dans les profondeurs de la Tyrie, il y a 250 ans. Certaines mauvaises langues vous diront que nous fuyons le Grand Destructeur, mais vous devez savoir que rien n'arrête l'exploration des Asuras. Lorsque nous avons trouvé l'endroit, il n'était que ruine déserte, mais emplie d'une magie latente. Il n'aura suffi que quelques jours pour que des générateurs géomystiques soient construits, et un peu plus tard, c'est une ville qui se dressait à la place des ruines. Et maintenant, elle se dresse sur quatre niveaux et abrite trois universités !
Megara écoutait en affichant un air admiratif, la bouche en coeur.
– Vous vous êtes servi de ces petites choses pour vous aider à construire ? demanda-t-elle en désignant la créature mécanique de l'index, affectant un air relativement proche d'un gallinacé.
– En effet. Ce sont des G.O.L.E.M., pas de simples élémentaires naturels, mais des Manifestations Enchantées Vivantes Opérées avec Génie. Il en existe des modèles plus grands et bien plus puissants.
– Comme les portails, ils combinent la technologie et la magie, n'est-ce pas ?
– Oui. Pour nous, c'est la même chose, deux aspects de l'Alchimie éternelle. Seuls les Bookahs séparent technologie et magie.L'Asura n'avait pas réussi à ôter le caractère méprisant du mot, mais l’envoûteuse, encore une fois, sembla ignorer l'insulte.
– Mais, sans vouloir être indiscrète, que faites-vous si loin de votre cité ?
– Disons que... hésita l'ingénieur dont la mine superbe s'était renfrognée. Voyez-vous, nous sommes organisés en coteries, des groupes de recherche qui se font concurrence. Et certains de mes travaux visionnaires n'ont pas plus à certains dirigeants de l'Enqueste, une méta-coterie des plus puissantes. Alors j'ai décidé de prendre un peu le large, le temps de laisser les choses décanter.
– Et vous voilà à l'Arche du Lion, réparant un portail utilitaire pour les pauvres Bookahs que nous sommes.Megara afficha un sourire charmeur tandis que le visage de l'Asura se décomposait piteusement. Puis elle éclata d'un rire cristallin.
– Ne faites pas cette tête, vous l'avez bien cherché, n'est-ce pas ?
– C'est de bonne guerre. Mais vous m'avez assez fait perdre mon temps. Déguerpissez, que je me remette au travail, grogna l'ingénieur entre ses petites dents pointues.L’envoûteuse s'éloigna, satisfaite, et ses éclats de rire résonnèrent encore quelques temps sur la passerelle de bois.
C'est alors que l'Asura se rendit compte d'un effroyable larcin : l'humaine s'était enfuie perfidement avec l'une de ses clefs ! Il assortit donc, après un petit temps de réflexion, sa dernière remarque de souhaits particulièrement détaillés sur les habitudes professionnelles qu'il était certain qu'elle possédait et de révélations sur son lien de filiation avec son père.
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