Avec un premier opus d'anthologie paru en 2001, la trilogie du Seigneur des Anneaux a sonné comme une révolution pour l'heroic fantasy au cinéma. Peter Jackson a réalisé trois opus quasiment irréprochables qui ont érigé les livres de Tolkien en tant que nouvelle franchise fantastique majeure. Bien évidemment, Warner n'a pas mis bien longtemps pour saisir tous les enjeux financiers qui se cachaient derrière cette nouvelle poule aux œufs d'or. La société de production s'est évertuée à dénicher de nouveaux projets viables qui s'appuieraient sur l'univers de Tolkien, avec un premier candidat tout indiqué : le Hobbit. Bien décidé à traire l'aventure fantastique de Bilbo jusqu'à la dernière goutte, Warner décide donc de faire trois longs métrages pour adapter le livre unique. Pour l'éditorialiste et spécialiste en littérature anglaise Amanda Mullen de chez ScreenRant, cet "étirement" du matériau source, superposé à un déluge de scènes d'actions superflues, n'est rien de moins qu'une trahison du livre de Tolkien.
Une trilogie poussive
Trois films au lieu d'un seul, c'est trois fois plus d'entrées dans les cinémas et trois fois plus de recettes au box-office. L'idée est caricaturale, mais c'est peu ou prou la logique de Warner au moment de concevoir l'adaptation du Hobbit en une trilogie de grande envergure. L'ouvrage littéraire original tient en un seul tome, qui est de surcroit d'une longueur assez moyenne, quand on considère à quel point Tolkien savait être prolixe dans certaines de ses autres œuvres.
Le comble, c'est que l'inverse avait failli advenir pour la production du Seigneur des Anneaux de P. Jackson. Le réalisateur s'est battu corps et âme pour obtenir le droit de tourner trois films complets (un par tome littéraire), tandis que certains producteurs, comme Harvey Weinstein, voulaient au contraire une version synthétisée des trois tomes en un seul film !
Si l'on revient au cas de la trilogie du Hobbit, on constate donc que Peter Jackson n'a eu d'autre choix que de louvoyer autour de péripéties et de personnages tout à fait secondaires pour faire tenir le tout. Au point de rallonger à outrance certains aspects et passages du livre-source.
Un protagoniste noyé dans l'action
Mais comme le décrit justement Amanda Mullen, la plus grande faute commise à l'égard du livre de Tolkien est d'avoir autant exacerbé les scènes d'action et de bataille. A grand renforts de CGI assez moyenne, Peter Jackson a transformé le récit en un spectacle parfois grossier. Péripéties superflues, méga batailles, cascades rocambolesques et peu crédibles... Le déluge d'action contribue grandement à donner l'impression que la trilogie du Hobbit est une œuvre "enfantine", ou en tout cas bien moins mature et sérieuse que le Seigneur des Anneaux. Tant et si bien que le protagoniste de l'œuvre, Bilbo, loin d'être un héros-guerrier, s'efface au fur et à mesure des opus, ce qui trahit directement l'ambition de Tolkien et le développement de son Hobbit.