Les films d'animations signés Disney sont souvent considérés comme étant très familiaux, et rares sont ceux étant parvenus à s'éloigner ne serait-ce qu'un peu ouvertement du ton très enfantin qui leurs sont imposés. Il en existe pourtant, à commencer par Tara et le Chaudron magique, L'Étrange Noël de Monsieur Jack ou encore Anastasia. Et c'est bien ce dernier qui nous intéresse aujourd'hui non seulement parce qu'il est accessible sur Disney +, mais aussi parce que son histoire est aussi passionnante que violente.
L'histoire vraie derrière le film Anastasia... et son mythe !
Anastasia est un film d'animation paru en 1997, il y a déjà presque 30 ans donc (cela ne nous rajeunit pas). Il se déroule dans un contexte très particulier, celui de la Révolution russe ayant eu lieu de 1917 à 1921. Loin des contes de princesses auxquels Disney nous a habitués, il s'agit en fait là d'une adaptation romancée et mystifiée de l'un des événements les plus sanglants de l'Histoire moderne. Et c'est en cela qu'Anastasia est un film formidable : quiconque, enfant comme adulte, n'aurait pas en tête le contexte du film n'en comprendrait pas véritablement le sens profond sans pour autant ne pas l'envisager malgré tout.
Anastasia raconte l'histoire vraie (mais habillée de fantaisie) de la Grande-Duchesse Anastasia Nikolaïevna de Russie, la fille du Tsar Nicolas II. Et son rôle de princesse est pour le moins crucial puisqu'on sait qu'à l'été 1918 toute la famille impériale a été exécutée, massacrée même, par les troupes bolchéviques en pleine Révolution russe. Loin de nous l'idée de vous faire un cours d'Histoire, mais le contexte est important pour comprendre le sens de ce film !
Les premières minutes du film présentent ainsi une noblesse russe baignant dans l'opulence la plus indécente qui soit et leur vie très, très agréable au palais impérial. Apparaît alors l'un des meilleurs antagonistes qui soient et qui ferait même de l'ombre à Scar (Le Roi Lion) ou Hadès (Hercules) : Raspoutine. Conseiller du tsar, il conduit la famille impériale au malheur et est à l'origine de l'assaut du palais qui s'ensuit peu après, un assaut qui est présenté dans le film comme la résultante de la pratique de la magie noire par Raspoutine, comme si la volonté humaine n'avait rien à voir là-dedans... Sauf que dans notre monde réel cette attaque a bel et bien eu lieu et ses instigateurs étaient bien humains : il s'agissait du soulèvement du peuple russe qui, excédé et fatigué de sa situation déplorable, avait choisi de mettre un terme au règne de la dynastie Romanov.
Pour l'anecdote et dans les grandes lignes, c'est ce mouvement qui sera à l'origine de la création du communisme et de l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS). La Révolution russe sera à l'origine d'au moins 4 500 000 morts, un désastre absolu alors même que la Seconde Guerre Mondiale se profilait à l'horizon...
Quand la violence est habillée de magie
Vous l'aurez compris même sans entrer dans les détails : Anastasia est loin d'être un film d'animation de princesse conventionnel, et ce à bien des égards. Sauf que voilà, dans le film les choses sont très différentes et s'inspirent tant de la réalité des faits que du mythe de la princesse Anastasia Nikolaïevna de Russie.
En premier lieu et comme on l'a déjà souligné, c'est la magie noire qui est présentée comme à l'origine du massacre de la Maison Romanov en 1918, et ce pour des raisons évidentes : l'objectif n'est pas de traumatiser les enfants, cela doit rester un film familial. Mais les bases sont tout de même là ! L'autre point important de cette adaptation c'est la survie d'Anastasia, que l'on connaît sous le nom d'Anya dans le film...
Anya nous est présentée comme la seule survivante du massacre perpétré à l'encontre de sa famille. Elle aurait été sauvée par un jeune homme, au même titre que sa grand-mère. Elle aurait également chuté dans sa fuite, ce qui l'aurait laissée sonnée dans la neige avant de se réveiller complètement amnésique. Débute alors une quête assez classique dans ce type d'oeuvre et pourtant Ô combien aussi magique que cruelle : retrouver sa famille perdue. Sauf que nous, spectateurs, on le sait : sa famille n'est plus.
On nous présente une protagoniste dont la vie n'a été, depuis le début de son amnésie, que misère et solitude. Anya est profondément empreinte à de réelles préoccupations que l'on comprend sans peine et on s'attache aisément à cette jeune femme errant sans but à la recherche d'un mieux qu'elle ne saurait décrire, frôlant même régulièrement la mort. Pire encore, Raspoutine continue en parallèle ses méfaits et n'a pas vocation à s'arrêter tant que la dernière représentante des Romanov est encore en vie. Bien sûr, la fantaisie, l'amour, la magie et de formidables chansons sont présents tout au long du film afin d'adoucir la violence que l'on nous dépeint, on l'oublierait presque à vrai dire !
Et c'est de ce mythe de la survie d'Anastasia Nikolaïevna de Russie dont s'inspire ce film d'animation. Parce que de nombreuses personnes pensaient il y a même encore assez récemment que la princesse avait survécu aux événements de 1918 en feignant la mort parmi les corps sans vie de ses proches. Dans ce contexte, de nombreuses femmes prétendaient même être la grande duchesse aux autorités, ce qui conduisit à alimenter largement cette rumeur, et c'est également quelque chose qui est retranscrit dans le film lors de l'arrivée de la Grande-Duchesse à Paris. La vérité est malheureusement toute autre puisque la jeune femme aurait été tuée à l'âge de 17 ans en même temps que le reste de sa famille durant l'assaut du palais impérial, et c'est de cette violence de la réalité que l'on cherche à nous écarter l'espace d'un instant dans Anastasia, comme si on refaisait le passé en nous faisant comprendre malgré tout la réalité du monde dans lequel on vit.
Anastasia, l'un des plus grands films d'animations de son époque ?
C'est pour toutes ces choses, et bien plus encore, qu'Anastasia est selon nous un formidable film d'animation. Bien loin des standards du genre, il permet de faire rêver les petits et les grands en leur proposant un monde où les conflits humains ne sont pas alimentés par leur volonté propre mais par des choses qu'ils ne maîtrisent pas, la magie notamment. Anastasia fait rêver non pas parce que la protagoniste est une princesse vouée à vivre une vie parfaite, mais parce qu'il fait espérer et aspirer à un monde meilleur malgré les horreurs de la réalité qui nous entoure parfois.
Sachez d'ailleurs que tout n'a pas été inventé dans Anastasia, au contraire. Le dessin qu'offre Anya à son père durant sa danse avec lui est une reproduction du dessin original que la princesse véritablement offert à Nicolas II et qui a été retrouvé dans une lettre. Le personnage de Vlad quant à lui inspiré d'un ministre ayant pendant des années enfilé l'uniforme impérial. Enfin, et ce ne sont pas les seuls éléments du genre, la peinture du couronnement du tsar visible à un moment donné dans le film est également une reproduction d'une peinture bien réelle représentant la même chose, au même titre que la boîte à musique offerte au début de l'oeuvre fut réellement offerte à la grande duchesse pour son treizième anniversaire.
Le plus formidable dans l'affaire c'est qu'Anastasia a reçu un excellent accueil de la critique en Russie à l'époque de sa sortie. Gemini Films, le distributeur russe de l'époque, avait souligné qu'il s'agissait d' "un conte de fées considérée comme une importante de divertissement occidental". Le film aura remporté de nombreuses récompenses, notamment deux nominations aux Oscars. Bref, Anastasia est un film d'animation que l'on vous recommande chaudement, et ça tombe bien : il est disponible sur Disney + !
Le film de Denis Villeneuve semblait bien parti pour être le film de l'année. Mais un concurrent inattendu est rentré dans la danse, s'imposant comme une œuvre pouvant surpasser Dune 2.
