Alors qu'au fil des années les joueuses et joueurs de Pokémon ont pu connaître une extension croissante des régions visitables et créatures capturables au travers de nombreux jeux sous la direction attentive de Game Freak, les derniers en date étant Pokémon Écarlate et Violet, bon nombre de fans actuels ignorent ou ont oublié l'existence d'une licence mythique tombée dans l'oubli et ayant pourtant fêté ses 20 ans tout récemment, le 21 novembre 2023 !
L'histoire improbable de la conception Pokémon Colosseum
Si l'on vous parle de Pokémon Colosseum, la plupart des jeunes lectrices et lecteurs lèveront sans doute un sourcil en guise d'interrogation, tandis que de nombreux autres plus âgés auront quelques vagues souvenirs, l'amalgamant même parfois avec le célèbre Pokémon Stadium sorti originellement sur Nintendo 64 en 2000. Pourtant, sachez que les deux n'ont fondamentalement pas grand chose à voir, et que Colosseum était sans doute l'un des jeux Pokémon les plus ambitieux et novateurs de l'histoire de la franchise, au-delà même de Légendes Pokemon : Arceus ou d'autres récents opus pourtant appréciés.
Parce que oui, l'histoire de Pokémon Colosseum est fondamentalement invraisemblable à commencer même par sa conception. L'idée était assez dingue et a rarement été reproduite depuis : créer un jeu basé sur la franchise phare de Game Freak... sans faire appel à Game Freak ! C'est en effet Genius Sonority, un studio fondé en 2002 et composé notamment de développeuses et développeurs ayant travaillé sur les excellents RPGs que sont Dragon Quest et Earthbound, qui travaillait au développement de cet ambitieux projet.
La raison à cet écartement de développeur historique de jeux Pokémon était simple : Game Freak ne souhaitait tout simplement pas travailler sur un jeu Pokémon en trois dimensions. Nintendo et The Pokemon Company ont donc choisi de s'en émanciper temporairement en fondant leur propre studio spécialement dédié à cet opus, dépensant d'ailleurs une véritable fortune pour employer des développeuses et développeurs talentueux n'ayant jamais travaillé sur la franchise Pokémon... tout ça dans le seul but de "stimuler les ventes de la GameCube". Un pari très, très osé qui aurait pu mener à la catastrophe, et pourtant...
Un jeu Pokémon mythique et pourtant souvent oublié
Au-delà de sa conception, Pokémon Colosseum révolutionnait en son temps (et même encore en partie aujourd'hui) l'approche que l'on avait de cette franchise. Loin des jeux en deux dimensions assez répétitifs dont on connaissait déjà à l'époque parfaitement la formule qui plaisait tant, le jeu de Genius Sonority avait vocation à proposer une expérience unique en son genre, loin des codes établis depuis des années par Game Freak. Oubliez ici les herbes sauvages remplies de Pokémons vous attaquant aléatoirement, la Team Rocket et la capture de Pokémons sauvages dans une adorable région verdoyante pour devenir le meilleur dresseur, rien de tout cela n'existait dans Colosseum !
On nous proposait à la place un monde presque post-apocalyptique où le personnage principal, Michael, avait un charisme rappelant étrangement un certain Cloud Strife. Celui-ci se déplaçait à l'aide d'un semblant de moto à propulsion dans des paysages souvent désertiques ou urbanisés à outrance (dans la région de Rhode) et empreint d'une certaine noirceur fort inhabituelle dans les jeux Pokémons. Et, contrairement aux jeux habituels, cette fois l'histoire ne se déroulait non seulement même pas au Japon, mais en plus les Pokémons n'existaient plus du tout à l'état sauvage, comme s'ils avaient été balayés de la surface de la planète !
Côté narration, Pokémon Colosseum proposait une vision pour le moins novatrice (une fois de plus) de ce que pouvait être un héros. Loin de l'habituel dresseur en quête de gloire et de dizaines de Pokémons à dompter, Michael était un ancien membre d'un organisation criminelle, la Team Snatch, qui avait mis au point une machine, le Snatcheur, permettant de capturer les Pokémons d'un dresseur donné afin de les donner à l'utilisateur de la machine. Elle avait également pour effet d'assombrir les pensées du Pokémon volé afin d'en faire des Pokémons "obscurs" plus violents que leurs homologues classiques, les rendant même capables de s'attaquer aux êtres humains. Un peu glauque, on vous l'accorde, mais très classe !
Pour l'anecdote, c'est même ce jeu qui a servi d'inspiration aux Pokémons Obscurs que l'on connaît aujourd'hui dans Pokémon Go notamment, ou encore aux cartes Pokémons "obscures" !
L'aventure suivait donc les pas de Michael, ancien membre de cette affreuse organisation criminelle, qui était parvenu à mettre la main sur une version portative du Snatcheur et partait à l'aventure afin de déjouer les plans de la Team Snatch en volant leurs Pokémons à l'aide de leur propre machine afin de leur permettre de retrouver leurs esprits. Et contrairement aux habituels jeux de la franchise, cette fois vous commenciez l'aventure avec deux incroyables Pokémons : Mentali et Noctali !
Pokémon Colosseum, le succès à risque
Puisque Pokémon n'était à l'époque pas le grand colosse sacré qu'il est devenu au fil du temps, même s'il est critiqué par les nostalgiques, les développeurs de Colosseum n'avaient pas autant de limites qu'aurait sans doute pu leur imposer le détenteur de la propriété intellectuelle de la franchise si le jeu était développé aujourd'hui. Partant de ce constat, l'idée était de proposer un savant mélange entre leurs précédentes expériences et la prélogie de Star Wars qui sortait à l'époque au cinéma et figurait comme l'un des sujets majeurs en terme de divertissement. Côté inspirations, on ressentait également largement l'impact du succès de Final Fantasy avec ses fameux environnements pré-calculés et sa caméra fixe qui ont été au cœur de l'identité de Pokémon Colosseum.
En matière de combats, c'est un système rappelant largement celui de Pokémon Stadium qui était proposé avec chaque dresseur pouvant appeler deux Pokémons sur le terrain à la fois et créant tout un tas de synergies et de mécaniques assez particulières, notamment en fin de jeu. C'est d'ailleurs ce mode de combat qui aura valu à ce jeu d'être considéré comme l'un des plus difficiles de la franchise, encore aujourd'hui !
Et le pari fut réussi ! Parmi les jeux les plus vendus de l'histoire de la GameCube, Pokémon Colosseum figure 9è avec 2,41 millions d'unités vendues, devant ou non loin même de certains opus phares de quelques franchises historiques de Nintendo telles que Mario Party, The Legend of Zelda ou encore Metroid Prime. Un succès colossal, sans mauvais jeu de mots, qui aura permis à sa suite directe, Pokémon XD: Gale of Darkness, de voir le jour sur la même console et d'avoir lui aussi droit à un succès très, très honorable !
En bref, Pokémon Colosseum était, malgré ses défauts que l'on ne peut que voir aujourd'hui, un véritable produit de l'époque à laquelle il a vu le jour, fort de sa vision rebelle, moderne et sombre du monde de Pokémon. Absolument irremplaçable et iconique dans l'esprit de bon nombre de joueuses et joueurs ayant eu l'occasion d'y jouer à l'époque, certains espèrent même secrètement qu'une telle audace se produise à nouveau dans un futur proche concernant la franchise Pokémon. Et, factuellement parlant, cela n'a rien d'inconcevable... reste à savoir maintenant si le public serait au rendez-vous vingt ans plus tard, et surtout si Game Freak serait prêt à faire une nouvelle fois entorse à sa vision de la franchise Pokémon !