Il y a des sorties qui arrivent comme ça, sans prévenir, pour vous coller un bon coup de manchette derrière la nuque grâce à l'effet de surprise. Chained Echoes fait clairement partie de ces jeux, puisqu'il s'agit d'une lettre d'amour passionnée au genre du J-RPG. Et si nous n'avons malheureusement pas eu le temps de le terminer à l'heure où ces lignes sont écrites, nous en avons déjà assez vu pour vous assurer qu'il s'agit de quelque-chose de spécial si vous appréciez le genre. La production Matthias Linda profite déjà d'un bon bouche à oreille mais on est encore loin du succès qu'il mérite, alors on en remet une couche en vous expliquant pourquoi vous devez aller le télécharger dès que possible.
Grim Grimoire
Les 3 royaumes principaux du continent de Valandis connaissent une paix durable, après une longue période de batailles sanglantes. Mais une mystérieuse explosion issue d'une pierre aux couleurs arc-en-ciel va changer la donne : son pouvoir va devenir l'objet des convoitises des seigneurs qui souhaitent que l'acier s'entrechoque à nouveau sur leurs terres. Dans la peau de Glenn, vous allez devoir recoller les morceaux entre les différentes nations, tout en suivant votre propre "vie de voyous". Avec vos compagnons d'infortune, vous sillonnerez les terres et les cieux du continent à la recherche de nouvelles recrues, afin que votre groupe soit assez puissant pour remettre de l'ordre dans les plus hautes sphères de Valandis, façon Suikoden 2.
On ne va évidemment pas rentrer dans le détail puisque nous ne connaissons pas encore la fin, mais sur notre partie avec une vingtaine d'heures au compteur (sur les 40 annoncées), le scénario de Chained Echoes et surtout son écriture (mention spéciale à la localisation française qui est excellente) tapent dans le mille. Alors que des studios japonais dont c'est le domaine d'expertise, comme Tokyo RPG Factory, ont un mal de chien à retranscrire ce qui faisait la puissance des J-RPG de l'âge d'or du genre, Matthias Linda réussit, à lui tout seul, à mettre exactement le doigt dessus. Tout est là : les archétypes de personnages aux tics de langage, les séquences intenses qui arrivent à faire passer 1000 choses malgré la direction artistique en pixel-art, les moments d'introspection qui donnent de l'épaisseur au groupe... De vieilles recettes, mais appliquées avec un soin délectable et un regard très actuel.
Une petite histoire du J-RPG
Si Chained Echoes peut tout à fait s'adresser à des néophytes, c'est surtout aux joueurs qui ont pu suivre l'histoire de cette sous-catégorie du jeu de rôles depuis la Super Famicom que le jeu s'adresse. Il réussit à suivre sa propre voie tout en distillant des références, parfois très subtiles, à des piliers du RPG japonais passés et présents : ici un décor qui rappelle la scène du tribunal de Chrono Trigger, là un choix de point de vue façon Final Fantasy VI... Des emprunts que l'on n'observe pas seulement sur la partie visuelle ou narrative, mais aussi côté gameplay, avec un melting-pot des meilleures idées de CT à Xenoblade, en passant par Final Fantasy X. Nous sommes donc sur des combats au tour par tour avec 4 personnages actifs, mais qui ont tous droit à des remplaçants avec lesquels ils peuvent changer de place à chaque tour. Chaque action d'un personnage fait bouger la barre de synchronisation, sur laquelle vous allez devoir rester en position stable afin de bien optimiser vos attaques : enchainez trop d'attaques sans réfléchir et vous serez en surchauffe, il va donc falloir veiller à lancer des techniques du bon type pour faire redescendre cette fameuse barre de synchro. Comme d'habitude, les combats des zones de départ ne sont pas très palpitants, mais Chained Echoes va rapidement monter en gamme pour proposer des rencontres complexes dans lesquelles vous allez devoir exploiter les faiblesses ennemies et bien penser à utiliser buffs et débuffs sur tout ce petit monde. La difficulté est un peu relevée, juste ce qu'il faut pour vous pousser à faire attention, mais il compense en brossant le joueur dans le sens du poil : Tout le groupe est régénéré après chaque combat et il est possible de recommencer directement n'importe quelle rencontre directement après une défaite.
CE se permet même des changement d'échelle au sein de l'exploration de ses zones grâce à des méchas qui peuvent planer ou carrément s'envoler, ce qui va permettre de quadriller chaque bout de terrain à la recherche des coffres les plus rares. Ces armures vont également servir en combat contre les plus grosses menaces de Valandis, avec un système de température à gérer pour pimenter les combats. Chaque robot dispose de 3 vitesses : à 0 seules les attaques sont disponibles, à la vitesse 1 tout roule normalement et en vitesse 2 vous infligez et recevez plus de dégâts. Chaque coup donné dans l'un de ces modes influe sur une jauge commune aux bords rouges, correspondant à la surchauffe, exactement comme les combats à pied décrits plus haut. Une fois les méchas débloqués, le level design prendra un malin plaisir à vous faire alterner entre les batailles au sol et en tant que pilote et force est de constater que ça fonctionne vraiment très bien.
Tradition, modernité, tout ça tout ça...
Aussi étrange que cela puisse paraitre, CE s'affranchit du système d'expérience classique pour se baser sur des points de compétences et des niveaux de classe avec des paliers qui augmentent vos statistiques. C'est assez déroutant de prime abord, mais on s'y fait très vite et cela motive d'autant plus à améliorer son équipement autant que possible pour faire une belle différence sur le champ de bataille. Les éclats de grimoire lâchés par les boss des quêtes principales et secondaires permettent d'acheter de nouvelles compétences, actives ou passives, tandis que les PC récupérés en combat servent à faire évoluer lesdites compétences.
Enfin, il est vivement recommandé de partir en recherche de toutes les statues débloquant de nouvelles classes : elles sont assez dures à dénicher et les activer demande une ressource spécifique, mais leur apport est essentiel pour spécialiser votre équipe. Combats et exploration se répondent avec justesse, pour un rythme assez soutenu, explorer les différents secteurs de fond en comble est vraiment un plaisir, même si les murs invisibles étranges peuvent parfois vous couper dans votre élan. D'un point de vue graphique le jeu se rapproche pas mal de Chrono Trigger, avec un pixel-art très soigné et des décors fourmillant de détails et s'il y a bien une ou deux zones moins inspirées, le travail accompli est tout de même de grande qualité. De même pour la bande-son de Eddie Marianukroh, qui alterne entre l'épique, les compositions plus douces et les riffs métalleux pour les combats de boss à bord des méchas. Allez pour chipoter, on notera tout de même que ça manque d'un thème central qui marque bien l'esprit.