Avec ses récentes prises de position dans la continuité de son déni méthodique depuis le début de l'affaire judiciaire qu'elle subit, la direction d'Activision Blizzard ne cesse de s'attirer les foudres tant des communautés de joueurs que des associations syndicales et de la Justice américaine elle-même. Pourtant, la firme ne semble pas prête à évoluer si l'on en croit les événements dévoilés ce mardi 21 juin 2022 par le Washington Post.
Une requête prometteuse
C'est à la suite d'une requête du Contrôleur de l'État de New York, Thomas DiNapoli, formulée durant une assemblée annuelle tenue le mardi 14 juin 2022 que les actionnaires d'Activision Blizzard ont tenté de montrer patte blanche. Celui-ci demandait à l'entreprise de rendre publiquement compte des efforts organisés afin de mettre un terme à la discrimination et au harcèlement au travail en son sein. Cette proposition qui avait déjà été formulée une première fois en février dernier demandait à Activision Blizzard de partager toute information qui permettrait de rendre compte des efforts qu'elle fournit, notamment au sujet de la rémunération de ses salariés, le nombre total de cas de règlement de harcèlement sexuel traités et clôturés, mais aussi ceux toujours en attente, et bien sûr les progrès mis en œuvre afin de permettre une résolution rapide et efficace des plaintes pour harcèlement et abus.
La requête de DiNapoli a été approuvée par la majorité du conseil d'administration de la firme, mais le Washington Post souligne qu'une minorité d'entre eux incluant Robert "Bobby" Kotick (actuel PDG), Brian Kelly et Robert Morgado ont voté contre celle-ci, sans trop de surprise puisque c'est la position adoptée depuis le début de l'affaire. Les actionnaires ont également approuvé à 88%, soit une très large majorité, les rémunérations proposées pour les dirigeants de l'entreprise.
Thomas DiNapoli a dans la foulée félicité la coopération des actionnaires d'Activision Blizzard :
Le leurre des actionnaires
Si tout laissait penser que des actions concrètes et impactantes seraient mises en œuvre prochainement, Activision Blizzard en a décidé autrement. Le jeudi 16 juin 2022, deux jours après l'assemblée annuelle susmentionnée, la société publiait un communiqué indiquant qu'après une enquête interne elle n'avait trouvé "aucune preuve suggérant que les cadres supérieurs d'Activision Blizzard aient jamais intentionnellement ignoré ou tenté de minimiser les cas de harcèlement sexiste qui se sont produits et ont été signalés". Les enquêteurs n'auraient également trouvé aucune preuve qu'un cadre supérieur ou un employé ait dissimulé des informations à ce sujet au conseil d'administration de l'entreprise. Le rapport précisait toutefois que "certains cas avérés de harcèlement sexiste" existaient mais disculpait intégralement la direction et le conseil d'administration d'Activision Blizzard.
Dans la foulée, une proposition consistant à nommer un représentant des salariés de l'entreprise soutenue directement par le syndicat nouvellement créé et reconnu Games Worker Alliance a été rejetée par les actionnaires de la firme. Seulement 5% d'entre eux ont voté Pour alors même qu'un enregistrement d'un employé était diffusé durant l'assemblée du mardi 14 juin, stipulant notamment que ce représentant devrait être élu démocratiquement par des non-dirigeants d'Activision Blizzard. L'objectif de ce représentant aurait été de sensibiliser le conseil d'administration aux préoccupations des salariés de l'entreprise. Les actionnaires n'auraient finalement répondu à aucune question, et l'assemblée aurait pris fin après une vingtaine de minutes tout au plus.
Joost Van Dreunen, un conférencier sur le commerce des jeux à l'École de commerce de Stern de l'Université de New York a par la suite fait par de sa perplexité concernant les intentions réelles de la firme :
Pour lui, le refus catégorique d'intégrer un salarié au conseil d'administration révèlerait largement qu'Activision Blizzard n'est absolument pas prête à mettre en œuvre de véritables changements structurels. Plus encore, il estime que la seule chance pour l'entreprise de résoudre les problèmes endémiques en son sein serait son acquisition par Microsoft qui a d'ores et déjà annoncé un accord de neutralité au travail et sa volonté à ne pas entraver la syndicalisation de ses salariés.
Ainsi, malgré le début des négociations d'Activision Blizzard avec la Game Workers Alliance formée par Raven Software quelques semaines plus tôt ce vendredi 17 juin 2022, la situation serait encore assez loin d'être réglée puisque le conseil d'administration ne proposerait que des hommes de paille en guise de fausses solutions à court terme afin d'étouffer l'affaire.