Magic : Legends est un A-RPG basé dans le monde de Magic : The Gathering. Vous y voyagez à travers les plans pour vaincre de nombreux ennemis dans un gameplay innovant mêlant hack'n slash et jeu de cartes.
J'ai eu la chance et le plaisir d'interviewer Robert Gutschera, Senior Designer pour Magic: Legends. Vous trouverez ci-dessous une petite biographie pour vous le présenter.
Ancien professeur de mathématique, il s'est vite retrouvé chez Wizards of the Coast (Note Du Rédacteur : éditeur de Magic : The Gathering) où il a travaillé pendant plus d'une décennie sur de nombreux produits comme Netrunner, Magic, Dungeons & Dragons et le jeu de cartes Pokémon en tant que Director of Trading Card Games. Il est ensuite devenu le Lead Designer du MMORPG d'action de Secret Identity Studios, Marvel Heroes. Chez Cryptic Studios, avant de rejoindre l'équipe de Magic: Legends, Robert occupait le poste de Lead Systems Designer sur Neverwinter. Il est également le co-auteur (avec Richard Garfield et Skaff Elias) du livre Characteristics of Games.
Ce système était vraiment en perpétuelle évolution. Nous avons commencé par les bases, c'est à dire la classe et les niveaux de personnage, ainsi que l'amélioration des sorts. Nous savions dès le début qu'il nous faudrait différents modes de difficulté, mais nous avons laissé ça de côté jusqu'à ce que le système de progression des joueurs soit concrétisé.
Après cela (mais encore assez tôt dans le développement), nous avons décidé d'implémenter le Royaume de méditation en tant que « point de convergence » de nombreux systèmes de progression. Comme cette fonctionnalité servait à relier les différents éléments du jeu, elle a continué à évoluer tout au long du projet à mesure que de nouveaux systèmes étaient conçus.
Ensuite sont venus les artefacts, puis l'équipement, les différents modes de difficulté et enfin les enchantements du monde. Ce n'est que lorsque toutes les pièces du puzzle ont été en place que les interactions sont devenues plus claires : les joueurs allaient progresser en débloquant des classes et gagnant des niveaux, améliorant sorts, artefacts et équipement, et ceux qui deviendraient assez puissants pourraient faire face à des défis plus corsés via l'augmentation de la difficulté et l'ajout d'enchantements régionaux et du monde.
Nous avons la chance de bâtir notre jeu avec le moteur propriétaire de Cryptic Studios, et nos ingénieurs nous offrent leur soutien pour toute nouvelle fonctionnalité dont nous pourrions avoir besoin. La plus grosse contrainte était donc le temps : il y a toujours plus de choses à faire, et pas assez de temps pour les faire. L'autre problème, qui est souvent sous-estimé par ceux qui ne travaillent pas dans les jeux vidéo, c'est l'interface. Chaque nouveau système de progression nécessite une interface adaptée permettant aux joueurs de la comprendre et d'interagir avec elle, et créer tout ça prend du temps.
Au bout du compte, l'objectif est toujours le même : offrir quelque chose d'amusant à faire aux joueurs ! Par exemple, en devenant plus puissant et en affrontant de nouveaux défis. Cela veut dire que les game designers doivent continuellement inventer de nouveaux systèmes permettant d'augmenter la puissance des personnages, et créer du nouveau contenu plein de défis à relever.
Nous voulions que les joueurs puissent rejouer la même mission d'histoire ou épreuve sans que cela soit monotone. Nous avions donc besoin de façons d'augmenter la difficulté mais aussi de créer plus de variété dans le gameplay. Certains systèmes, comme les modes de difficulté, rendent simplement le contenu plus ardu, mais d'autres, tels que les enchantements régionaux et du monde, affectent à la fois la complexité et la diversité de l'expérience de jeu.
L'équilibrage est toujours délicat ! Et nous avons encore du chemin à faire avant d'atteindre un résultat idéal... mais nous y parviendrons, petit à petit, à mesure que le jeu évolue.
Dans l'équilibrage, il y a toujours une part de théorie, et une part de pratique. Derrière tous les chiffres que vous voyez en jeu se cachent de nombreuses feuilles de calcul qui déterminent leur puissance et la vitesse à laquelle ils doivent augmenter en fonction des différents systèmes de progression et de difficulté. Mais évidemment, la théorie ne suffit pas : il faut toujours tester ces résultats en jeu, procéder aux ajustements nécessaires (voire parfois revoir complètement les calculs), et bis repetita.
Au lancement d'un jeu, les joueurs trouvent toujours des choses auxquelles nous n'avons pas pensé ; pas seulement des bugs, mais aussi des configurations de personnage ou des styles de jeu. C'est d'autant plus vrai sur Magic: Legends, où il y a un tel potentiel de personnalisation. Le défi pour nos designers consistait à préserver l'équilibre sans pour autant étouffer dans l'œuf toutes ces options et possibilités de gameplay, même si nous ne les avions pas prévues au départ.
Eh bien, en réalité, il en existe trois, car il y a également les sorts d'enchantement lancés par les joueurs. Mais puisque nous parlons des systèmes de progression, je vais supposer que vous parlez des enchantements du monde et des enchantements régionaux.
Les EM et les ER ont un rôle similaire : augmenter la difficulté et les récompenses, tout en ajoutant de la diversité. D'une certaine façon, les ER sont une sorte d'introduction, car les joueurs y seront confrontés plus tôt dans le jeu, et il n'y a pas de décision particulière à prendre en ce qui les concerne (simplement si vous voulez les activer ou non). Les EM, quant à eux, forment un système plus riche accessibles aux joueurs plus expérimentés. Ils sont généralement plus complexes, vous pouvez en activer jusqu'à trois en simultané, et vous devez d'abord les trouver avant de pouvoir les utiliser.
D'un point de vue purement pratique, les EM comme les ER sont basés sur la même technologie, donc il n'était pas trop difficile pour nous de mettre en place les deux systèmes (enfin, à part au point de vue de l'interface, qui diffère pour chacun).
À nos yeux, c'était en grande partie ce qui avait fait le succès de Magic: The Gathering, et nous devions à tout prix le retranscrire si on voulait vraiment capturer l'esprit de Magic sous la forme d'un jeu vidéo.
Cette optique a influencé nombre de nos décisions initiales, comme celle de laisser les joueurs combiner librement sorts et classes.
L'équilibrage est toujours un travail de longue haleine.
Même si nous avons découvert de nombreuses façons d'équilibrer le jeu, nous avons encore un long chemin à parcourir, des retours à prendre en considération et des données à étudier avant de parvenir à un résultat optimal. Notre objectif était de mettre les choses en place pour faciliter l'équilibrage à l'avenir. Par exemple, chaque sort n'a pas un montant fixe de dégâts, mais plutôt une série de variables qui déterminent des paramètres tels que son coût en mana, la taille de sa zone d'effet, sa portée, sa couleur, et bien d'autres facteurs. Cela veut dire que si nous voulons ajuster les dégâts de tous les sorts rouges, par exemple, ou ceux de tous les sorts à grande zone d'effet, c'est possible. Ça nous permet également de concevoir rapidement de nouveaux sorts qui s'intègrent parfaitement à la courbe de mana/dégâts des sorts existants, au lieu de devoir deviner les valeurs idéales à chaque fois. Ce système s'inspire vaguement d'un travail similaire que j'ai effectué quand j'étais card game designer chez Wizards of the Coast ; ce qui était probablement de l'excès de zèle pour un jeu de cartes physique s'avère très utile dans un jeu vidéo.
L'équilibrage, pour sûr ! Même le fait de faire fonctionner tous ces éléments de concert peut s'avérer compliqué. C'est un sacré travail que doit accomplir notre équipe de QA afin de s'assurer qu'aucun de nos systèmes (sorts, capacités de classe, artefacts, équipement, ER et EM, pouvoirs des créatures, etc.) ne « casse » tout le reste.
Il est parfois difficile, en tant que designer, d'envisager tout ce dont un système est capable. C'est un puzzle qui a tellement de pièces - bien plus que dans un MMO classique à son lancement. Sur certains aspects, j'ai l'impression que Magic: Legends a autant de systèmes que d'autres jeux en ont après 5 années d'existence et de mises à jour.
Par exemple, la création de personnages pour tester notre contenu end game (comme les niveaux de difficulté supérieur ou les enchantements du monde) demande beaucoup plus de temps et d'efforts à notre équipe QA que sur un jeu moins complexe.
C'est drôle, mais nos problèmes s'apparentent beaucoup à ceux que les designers de Magic: The Gathering doivent également surmonter. La façon dont les différentes cartes de Magic peuvent interagir entre elles doit faire l'objet d'une vigilance constante et apporte de nombreux défis, qu'il s'agisse de s'assurer de leur bon fonctionnement, de tester les principales combinaisons (il y en a trop pour pouvoir les essayer toutes !) ou d'envisager l'environnement de jeu que tous ces éléments de gameplay vont créer une fois combinés.